L’exosquelette d’ExoAtlet vise à remettre des personnes paralysées debout pour qu’elles reprennent le contrôle de leurs fonctions motrices. (Photo: ExoAtlet)

L’exosquelette d’ExoAtlet vise à remettre des personnes paralysées debout pour qu’elles reprennent le contrôle de leurs fonctions motrices. (Photo: ExoAtlet)

ExoAtlet, la spin-off de l’université d’État de Moscou, devenue start-up luxembourgeoise depuis qu’elle a été repérée par Luxinnovation, s’attaquera au marché européen à partir du printemps. Ses exosquelettes redonnent espoir à des personnes à mobilité réduite.

Juliano Pinto. Ça ne vous dit rien, Juliano Pinto? Dans l’indifférence générale – certaines télévisions ont même coupé la diffusion en direct –, ce Brésilien de 29 ans a donné le coup d’envoi de la Coupe du monde de football au Brésil en 2014, dans la Corinthians Arena de São Paulo. Un joueur pas comme les autres, Juliano: paralysé des membres inférieurs, .

Matt Ficarra, peut-être davantage? Paralysé après un accident de bateau et fiancé à Basile, l’Américain ne voulait absolument pas se marier en chaise roulante. Équipé d’un autre exosquelette, le jeune homme est allé passer sept heures par jour au centre de réhabilitation d’Allentown, en Pennsylvanie, jusqu’à ce qu’il soit capable de se marier debout.

Thibault, toujours pas? Le trentenaire français, paralysé après une chute dans une discothèque, est devenu le premier, en octobre dernier, à pouvoir contrôler un exosquelette pour marcher grâce à la pensée. Clinatec et l’Université de Grenoble lui ont greffé dans le cerveau deux implants de 64 électrodes capables de traduire ses pensées en ordre. Cela ne l’a pas aidé à recouvrer ses fonctions, mais à marcher!

«Et ça compte!», assure Ekaterina Bereziy. Après une cinquantaine d’années de romans et de films de science-fiction, la Moscovite a posé ses valises au Technoport depuis juillet 2018. Dans ces valises, ExoAtlet, une structure métallique noire, déclinée en cinq modèles, couplée à un logiciel, à 70.000-80.000 euros.

De l’urgence à l’urgence de remarcher

«L’histoire a commencé en 2011 à l’Institut de recherche en mécanique de l’Université d’État de Moscou», raconte la CEO d’ExoAtlet. «Des chercheurs ont remporté une bourse pour créer un exosquelette pour les tâches d’urgence et de sauvetage, comme éteindre les incendies, travailler dans les débris de bâtiments ou porter de lourdes charges.» Sous la direction d’Elena Pismennaya, les chercheurs mettent au point deux modèles, aux fonctions diamétralement opposées. Le premier, sans batterie, qui ne craint pas le feu et ne pèse que 12 kilos, peut transporter jusqu’à 100 kilos; le second peut aider une personne à soulever jusqu’à 200 kilos.

Quand les fonds de la bourse s’épuisent, le choix est simple: abandonner ou essayer de transformer ces prototypes en produits commercialisables. ExoAtlet naît. «Nous avons pris la décision de ne pas reculer et de réaliser que de vraies personnes marcheront dans notre exosquelette», confie la quadragénaire russe, mardi matin, au Technoport. Le projet gagne un concours de start-up en Russie, intègre l’incubateur russe Skolkovo, où Albert Efimov, son CEO, est totalement convaincu, et s’affiche au concours de robotique de Sotchi.

Un centre de réhabilitation russe et un autre Coréen s’offrent les premiers exemplaires. Aujourd’hui, la start-up a vendu son exosquelette dans une dizaine de pays (Russie, Corée du Sud, Chine, Luxembourg, États-Unis, Pays-Bas ou Portugal) et 4.000 personnes handicapées en ont profité. La start-up, qui a levé cinq millions de dollars et en cherche 15 autres millions, a établi son quartier général au Luxembourg pour partir à la conquête du marché européen.

Et bientôt des Exogym Center

«C’est le prix d’une Tesla!», dit-elle en souriant. «Ce n’est pas bon marché pour des particuliers. D’abord, c’est cher, mais nous faisons toute la technologie. Et si on l’utilise deux heures par jour, par exemple, ça veut dire qu’il n’est pas utilisé 22 autres heures. Autant essayer plutôt d’en doter des centres de rééducation, des hôpitaux ou des endroits comme cela!», suggère celle qui s’occupait du marketing et de la communication d’un équipementier automobile quand elle a pris les rênes de la société.

Le dépliant en quadrichromie qu’elle tient en main montre même un «Exogym concept», sorte de centre de rééducation de 150 à 550 mètres carrés, accessibles aux chaises roulantes, où les patients viendraient pratiquer, deux ou trois fois par semaine, qu’ils soient paralysés par un accident ou victimes de sclérose en plaques.

Car la mécanique russe répond à un besoin biomécanique: marcher est bon pour la santé. «Sous la voûte plantaire se trouvent un certain nombre de capteurs qui sont à la base de tout», explique-t-elle. Et l’appareil, qui doit être tenu par un aidant extérieur, comporte 12 stimulateurs d’électro-myostimulation pour activer les neurones locomoteurs et les muscles.

Directement connecté au médecin

L’appareil connecté envoie les données vers un dashboard qui peut être lu quasiment en temps réel par le médecin, par exemple, qui peut voir si les mouvements sont bien faits, si le patient progresse, voire corriger son programme de remise en forme.

«Nous avons pu constater comment nos utilisateurs – que l’on appelle des pilotes, et pas des patients – ont non seulement recouvré le marché, mais ont aussi pu avoir accès à l’emploi, ont des enfants, une vie sociale, etc. C’est totalement autre chose que de mettre quelqu’un pendant deux heures sur un vélo d’appartement sans avoir à le surveiller», plaide-t-elle encore.

Si, au début, ExoAtlet semblait viser un marché estimé à un actif sur quatre, elle affirme qu’un Européen sur 10 a des problèmes de mobilité et que la start-up, désormais luxembourgeoise, vise 1% de ce marché. En mars ou avril, ExoAtlet se lancera à la conquête de l’Europe avec ses cinq modèles, pour les enfants de 2 à 6 ans, pour les enfants de 6 à 12 ans, pour les personnes âgées, pour les salariés qui doivent porter des charges lourdes, ou pour les personnes qui souffrent d’un handicap. À marche forcée!