Olivier Goemans,  h ead of  i nvestment  s ervices &  i nnovation  au sein de la Bil. (Photo: Bil)

Olivier Goemans, h ead of i nvestment s ervices & i nnovation  au sein de la Bil. (Photo: Bil)

Chaque semaine, Paperjam vous propose le regard d’un chef économiste d’une institution bancaire ou financière sur l’actualité des marchés et de l’économie. Aujourd’hui, Olivier Goemans, head of investment services & innovation au sein de la Bil, se concentre sur le secteur manufacturier allemand.

Les nuages qui planent sur l’économie européenne se font plus menaçants, et les statistiques publiées ne laissent guère entrevoir d’embellie. Les prévisions de croissance pour la zone euro en 2019 sont actuellement de 1,1% et ce ralentissement risque de durer. La BCE, qui vient de dévoiler un nouveau programme d’assouplissement quantitatif, semble être à court de munitions et en appelle aux gouvernements nationaux pour prendre le relais et mettre en œuvre des mesures budgétaires.

L’Allemagne, la plus grande économie de la zone euro, qui pèse quelque 4.000 milliards USD, et qui était, sans conteste, le moteur économique du Vieux Continent, est aujourd’hui au cœur de ses problèmes. Selon les études réalisées dans le secteur manufacturier, les prochains chiffres du PIB pourraient démontrer que l’Allemagne est entrée en récession au troisième trimestre. Comment en est-on arrivé là?

Fait aggravant, le secteur manufacturier outre-Rhin est freiné par des contraintes qui ne sont plus seulement liées à l’offre, mais aussi, de plus en plus, à la demande.
Olivier Goemans,  h ead of  i nvestment  s ervices &  i nnovation  au sein de la Bil

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Le pays a subi toute une série de facteurs exceptionnels survenus en même temps et qui se sont conjugués de la pire des manières. Fin 2018, l’UE a instauré de nouveaux tests d’émissions, qui ont pesé sur le secteur automobile. Ensuite, la sécheresse a entraîné une baisse du niveau d’eau des principales voies navigables, réduisant les capacités de transport de carburant et d’autres marchandises. Puis l’économie mondiale a commencé à ralentir et le conflit commercial entre les États-Unis et la Chine a éclaté, ce qui a donné un coup d’arrêt aux échanges internationaux. L’économie allemande étant fortement tournée vers l’exportation, elle a subi de plein fouet ces aléas.

Fait aggravant, le secteur manufacturier outre-Rhin est freiné par des contraintes qui ne sont plus seulement liées à l’offre, mais aussi, de plus en plus, à la demande, dans la mesure où les États-Unis et la Chine comptent parmi ses principaux partenaires commerciaux. Du fait du ralentissement de son économie, l’empire du Milieu – le principal client de l’Allemagne – est regardant sur ses dépenses, ce qui se traduit par une détérioration des exportations allemandes.

Les études économiques laissent de plus en plus transparaître la crainte que les difficultés qui frappent le cœur industriel de l’Europe puissent se répercuter sur le secteur des services.
Olivier Goemans,  h ead of  i nvestment  s ervices &  i nnovation  au sein de la Bil

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Ce repli commence à peser sur l’emploi, les pertes d’emploi ayant augmenté en septembre, à tel point que la confiance des consommateurs, jusqu’ici solide, pourrait s’en ressentir de manière plus vive. Les investissements dans le secteur de la construction et la consommation privée ont jusqu’ici permis à l’économie allemande de se maintenir à flot. Mais pour combien de temps encore?

Les études économiques laissent de plus en plus transparaître la crainte que les difficultés qui frappent le cœur industriel de l’Europe puissent se répercuter sur le secteur des services. Malgré la forte tendance à la «désindustrialisation» qu’a connue l’UE au cours des dernières décennies, le secteur manufacturier a toujours un rôle important au sein de l’économie. L’activité manufacturière et les services sont fortement interconnectés. Les entreprises intègrent certaines activités de services (nettoyage, centres d’appel client, etc.), qui peuvent être en partie sous-traitées.

Selon une étude de la Commission européenne, les services incorporés dans les produits fabriqués dans l’UE représentent en moyenne près de 40% de la valeur totale des produits manufacturés finaux. Il s’agit principalement de services de distribution (15%), de transport et de communication (8%), ainsi que de services aux entreprises (juridiques, de recherche et développement, informatiques…), pour une proportion variant de moins de 10% à plus de 20% selon les États membres.

Nous sommes convaincus que le modèle économique allemand n’a pas encore épuisé tout son potentiel.
Olivier Goemans,  h ead of  i nvestment  s ervices &  i nnovation  au sein de la Bil

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Pour l’heure, les risques de propagation restent limités et le secteur des services est solide. En outre, le secteur manufacturier pourrait se stabiliser, à la faveur notamment d’un apaisement du conflit commercial. Pour autant, nous ne pouvons ignorer les risques auxquels l’UE fait face, parmi lesquels la possibilité d’un Brexit sans accord le 31 octobre et, potentiellement, l’imposition par les États-Unis de droits de douane pouvant atteindre 25% sur les importations de voitures européennes à compter du 13 novembre prochain.

Néanmoins, nous sommes convaincus que le modèle économique allemand n’a pas encore épuisé tout son potentiel. La discipline et l’orthodoxie budgétaires affichées semblent excessives face aux opportunités d’investissements publics dans les domaines des infrastructures, de l’éducation, de l’innovation et de l’aide sociale. L’inflation basse favorise la consommation domestique et confère un plus grand pouvoir d’achat aux ménages, tandis qu’un projet de baisse d’impôt sur le travail, s’il est adopté, pourrait véritablement changer la donne.