Olivier Goemans, head of investment services and innovation à la BIL. (Photo: BIL)

Olivier Goemans, head of investment services and innovation à la BIL. (Photo: BIL)

Alors que la vaccination permet d’envisager des perspectives plus positives pour l’économie mondiale, Olivier Goemans, head of investment services and innovation à la BIL, se demande vers quoi les investisseurs vont se tourner. Selon lui, l’heure pourrait être à nouveau aux valeurs de rendement.

La pandémie n’est pas terminée, mais les marchés ont déjà le regard tourné vers l’avenir. Les investisseurs ont commencé à préparer leurs portefeuilles en vue du monde d’après, qu’ils anticipent positivement, porté à bout de bras par des politiques monétaires et budgétaires ultra-accommodantes, ainsi que par la demande accumulée. Alors que les perspectives macroéconomiques s’éclaircissent, beaucoup se demandent s’il est temps de se tourner vers les valeurs de rendement (value stocks).

Selon Moody’s, les ménages à travers le monde ont accumulé 5.400 milliards de dollars d’épargne durant la pandémie, et les analystes s’attendent à ce que cet argent soit, au moins partiellement, réinjecté dans l’économie. L’investissement de type «rendement» implique généralement de délaisser les grands noms très en vogue au profit d’entreprises mal-aimées. Les valeurs de rendement ont tendance à se négocier en dessous des niveaux suggérés par leurs ratios financiers clés et sont surtout répandues dans des secteurs comme la finance, les matériaux, les compagnies aériennes et la vente de détail.

Les investisseurs se tournent d’ordinaire vers les valeurs de rendement lorsque l’économie est en phase d’expansion.

Olivier Goemanshead of investment services and innovationBIL

Les investisseurs se tournent d’ordinaire vers les valeurs de rendement lorsque l’économie est en phase d’expansion, que les bénéfices des entreprises augmentent, que les marchés anticipent une hausse des taux d’intérêt à long terme et qu’ils se montrent enclins au risque. Contrairement aux valeurs de rendement, les valeurs de croissance (growth stocks) sont des actions de sociétés présentant un fort potentiel de croissance, dont l’exemple type serait les Gafa. Parce qu’ils tirent une grande partie de leur valeur des prévisions de bénéfices futurs, les titres de «croissance» sont très sensibles à la hausse des anticipations d’inflation et des rendements obligataires.

Rendement contre croissance

Après la mise à l’arrêt de l’économie mondiale en 2020, l’humeur n’était certainement pas à la prise de risque, et les craintes liées au Covid-19 ont fait chuter les valeurs de rendement à de plus bas records par rapport aux valeurs de croissance, dont beaucoup ont largement bénéficié de la tendance au cocooning (pensez aux valeurs technologiques qui ont rendu le télétravail possible, aux e-commerçants et aux réseaux sociaux), tandis que les banques centrales optaient pour le «quoi qu’il en coûte» et abaissaient leurs taux, au détriment des banques commerciales. Sur l’ensemble de l’année 2020, l’indice S&P 500 Value a affiché une performance totale d’à peine 1,4%, bien en deçà des 18,4% du S&P 500, et très loin de l’indice Growth, à 33,5%.

Les valeurs de rendement en 2021

La performance des actions de rendement est largement liée à l’évolution des taux d’intérêt. Ces derniers ont légèrement remonté sur fond d’accélération des campagnes de vaccination et d’amélioration des perspectives économiques. Dans ce contexte, une rotation s’opère déjà en faveur des valeurs de rendement, qui continuent d’afficher des valorisations bien plus intéressantes que leurs homologues de croissance. La transition d’un modèle axé sur la thématique du cocooning vers une dynamique de réouverture et de reprise laisse entrevoir un potentiel de rattrapage intéressant pour les valeurs de rendement.

Nous avons adopté un biais en faveur des valeurs de rendement américaines, estimant que le scénario de reprise y est plus solide. Chaque adulte outre-Atlantique aura en effet la possibilité de se faire vacciner d’ici la fin du mois d’avril, tandis que Joe Biden débloque des milliers de milliards de dollars de dépenses budgétaires. L’Europe se prête traditionnellement bien aux stratégies de type «rendement», mais nous pensons que la sortie de la pandémie sera moins rapide qu’ailleurs. D’ailleurs, 10 États de l’UE n’ont toujours pas ratifié le plan de relance de 750 milliards d’euros. Les investisseurs ont intérêt à bien choisir leur camp entre «croissance» et «rendement» si l’optimisme venait à retomber brutalement, ou l’actualité à s’assombrir.

La plupart des analystes qualifient Warren Buffett d’investisseur «rendement». Mais comme ce dernier le dit clairement, un investisseur intelligent devrait envisager d’investir à la fois dans des valeurs de rendement et dans des valeurs de croissance, en gardant la possibilité de passer de l’un à l’autre en fonction de la conjoncture.