Bruno Colmant, head of macro research chez Degroof Petercam Bruxelles et professeur auxiliaire à la Luxembourg School of Finance. (Photo: Degroof Petercam)

Bruno Colmant, head of macro research chez Degroof Petercam Bruxelles et professeur auxiliaire à la Luxembourg School of Finance. (Photo: Degroof Petercam)

Une des grandes questions qui est débattue à Davos est la mondialisation, alors que de nombreux chefs d’État en sont absents. L’autre question, soulevée par des organismes importants de référence, et qui constitue un des grands défis de nos communautés occidentales, réside dans la répartition des richesses, indispensable alignement des intérêts privés et des bénéfices sociaux.

L’économie de marché ne coïncide pas avec un pouvoir public a minima. L’État doit s’inscrire dans une logique redistributrice et protectrice, sans être providentiel. Son rôle doit être redéfini dans le sens libéral de son acception, c’est-à-dire dans la garantie des ordres juridiques et des équilibres économiques. 

Dans ce domaine, il faut d’abord accepter que la recherche de la prospérité fonde le progrès. Il convient ensuite que les pouvoirs publics guident la répartition de cette prospérité, insuffisamment mise en œuvre dans les pays anglo-saxons et sur laquelle on a trop souvent spéculé dans les pays européens. 

Ainsi, si le modèle de l’économie de marché est l’ordre naturel ou même la réalité absolue de nos communautés occidentales, il devra sa pérennité à la réécriture sociale et redistributrice de sa mission fondamentale. L’ordre social sera donc au cœur des débats politiques. Il s’agira de gérer le renouvellement de nos modèles sociaux et le nomadisme des facteurs de production, à savoir, désormais, du travail, du capital et de l’information.

L’humanité ne survivra qu’à la condition du mieux-être de chacun.

Brunot Colmant, head of macro research chez Degroof Petercam Bruxelles

La seule solution de sortie de crise amorcée en 2008 s’inscrit dans la coopération entre les individus et les peuples et dans une profonde ambition de justice sociale. L’humanité ne survivra qu’à la condition du mieux-être de chacun. Ce qui importe est de dépasser la conscience malheureuse du présent pour consciencieusement façonner un monde meilleur et coopératif pour les générations futures.

À un jet de pavé du glissement brutal vers cette étatisation implosive de toute l’économie, c’est le dialogue entre l’État et le marché qui sera la clé. Il faut un projet de société, centré sur l’État, qui promeuve la protection sociale solidaire dans un contexte d’entrepreneuriat. Il s’agit de promouvoir une économie positive et éthique, car, sans cela, le risque de basculement sociétal, suivi de l’instauration de régimes autoritaires, exclusifs et fascisants, est gigantesque. L’Europe et son modèle social-démocrate se seront alors sabordés. 

L’Europe n’a d’autre choix que d’ajuster le curseur de son degré de compétitivité vers une économie de marché éclairée. Sa logique doit être innovatrice plutôt que contemplative. On a peut-être trop vite enterré les débats idéologiques que l’on croyait appartenir à un cycle économique révolu. L’Europe continentale recherchera toujours cette fameuse troisième voie entre la collectivisation étatique et le cynisme mercantile du capitalisme anglo-saxon. 

Cette voie, quelle sera-t-elle? 

Peut-être l’indécision entre les modèles? Ou cet onirique modèle nordique, de nature luthérienne, qui combine l’efficience économique et l’apaisement social? Il faut réjuvéner nos démocraties sociales dans une promesse de sociétés solidaires. L’Histoire reste à construire, mais aucune évolution apaisée ne fera l’économie d’une transformation sociale juste. La question essentielle des prochaines années, qui relève de l’économie politique, est donc celle de l’agencement social.

À mes yeux, la consolidation du lien civique et citoyen passe par la cohérence sociale et la convergence des expressions démocratiques.

Bruno Colmant, head of macro research chez Degroof Petercam Bruxelles

Il faut retrouver la citoyenneté, c’est-à-dire la détention d’une souveraineté démocratique dans une finalité de solidarité sociale inspirée des équilibres socioéconomiques d’après-guerre. Par ailleurs, aucune décision politique ne devrait pouvoir être prise sans en subordonner les conséquences au bien-être collectif des générations futures. À mes yeux, la consolidation du lien civique et citoyen passe par la cohérence sociale et la convergence des expressions démocratiques. Il faut se remémorer, à cet égard, ces quelques lignes de Bertolt Brecht (1898-1956), en référence à la République de Weimar: «Tout le pouvoir vient du peuple. Mais où va-t-il?»