Alexandre Gauthy, macroéconomiste chez Degroof Petercam Luxembourg. (Photo: Patricia Pitsch / Maison Moderne)

Alexandre Gauthy, macroéconomiste chez Degroof Petercam Luxembourg. (Photo: Patricia Pitsch / Maison Moderne)

La situation politique du Venezuela fait la une des journaux. Plusieurs nations ont reconnu ouvertement le leader de l’opposition comme président légitime du pays faisant suite aux élections controversées de mai dernier. Mis à part sa situation politique, le pays fait aujourd’hui face à de grandes difficultés économiques qui l’ont plongé dans le chaos. Les instituts statistiques du pays ne publient plus de données macroéconomiques depuis 2014. Le Fonds monétaire international estime que l’économie a connu une contraction de 18% en 2018, après une baisse de l’activité de 14% en 2017 et de 16% en 2016. Les chiffres émanant de sources de l’opposition annoncent même un recul plus fort de l’activité en 2018.

Ces chiffres sont bien pires que ceux de la grande dépression des années 30 aux États-Unis et de la Grèce plus récemment. De plus, l’inflation a atteint des niveaux stratosphériques. Ce même organisme international estime que les prix ont été multipliés par 10.000 l’année dernière. La crise économique et la difficulté de subvenir aux besoins élémentaires ont conduit à un exode des Vénézuéliens. Selon l’Onu, un douzième de la population a émigré depuis 2015, soit environ 3 millions de personnes, ce qui est l’un des plus importants flux migratoires de l’Histoire. Mais qu’est-ce qui explique la détérioration de la situation économique du Venezuela?

L’inflation a atteint des niveaux stratosphériques.

Alexandre Gauthy, macroéconomiste chez Degroof Petercam

Le Venezuela est un pays exportateur de pétrole. Suite à l’effondrement du prix du baril en 2014 et 2015, les finances publiques se sont fortement détériorées, le pétrole étant la principale source de revenus pour l’État. L’économie était devenue beaucoup trop dépendante du secteur pétrolier. Les exportations de pétrole représentaient environ 95% des exportations totales, et le secteur à lui seul comptait pour 15% de l’activité. Peu diversifiée, l’économie vénézuélienne se reposait uniquement sur les revenus de la manne pétrolière pour financer l’ensemble de ses importations en biens d’équipement et de consommation.

Avant la crise, le Venezuela dégageait d’importants surplus commerciaux avec le reste du monde grâce à ses exportations de pétrole. En somme, les rentrées en dollars issues des exportations suffisaient largement à financer les importations d’autres produits. Mais ce fragile équilibre se rompit en 2014-2015 lors de la grande correction des prix pétroliers. Les réserves de change du Venezuela ont rapidement fondu. En parallèle, la production de pétrole chuta de moitié en 3 ans, résultant en partie du manque d’investissement dans les infrastructures pétrolières au cours des dernières années, phénomène amplifié par l’instauration de sanctions économiques américaines à l’encontre du pays.

Le pays venait à court de dollars, ce qui a contribué à une forte dépréciation de la devise. Du côté des finances publiques, la situation se dégradait rapidement. Les derniers chiffres datant de fin 2016 renseignaient un déficit budgétaire de 16% du PIB. Ce déficit croissant fut monétisé par la Banque centrale à travers l’impression de monnaie. En effet, dans un contexte de diminution rapide du taux d’épargne de la nation et de réticence des investisseurs étrangers à financer ce pays à risque, un déficit public de cette taille ne pouvait être financé que par l’émission de nouveaux billets de la Banque centrale. Cette monétisation de la dette publique a conduit à une situation d’hyperinflation, comme en Allemagne dans les années 20. D’ailleurs, le gouvernement l’année passée a décidé de reconvertir la monnaie nationale en une nouvelle monnaie contenant cinq zéros de moins.

La baisse continue de la production de pétrole risque de conduire le pays à la ruine.

Alexandre Gauthy, macroéconomiste chez Degroof Petercam

Le cercle vicieux de dépréciation de la devise qui alimente une montée de l’inflation est toujours d’actualité. Le gouvernement a déclaré vouloir ramener le budget à l’équilibre, afin de résorber les déséquilibres macroéconomiques. Mais en annonçant une hausse du salaire minimum de 3.400%, afin de restaurer quelque peu le pouvoir d’achat des ménages, il est peu probable que l’objectif budgétaire soit atteint. Le président vénézuélien, quel qu’il soit, a du pain sur la planche pour redresser la situation économique du pays qui empire de jour en jour. La baisse continue de la production de pétrole risque de conduire le pays à la ruine si rien n’est entrepris pour l’endiguer.