Le reflux a commencé à la mi-janvier. Il a adopté une allure aussi rapide que la flambée qui l’a poussé à atteindre des sommets un mois plus tôt. Le bitcoin et, dans son sillage, l’ensemble des cryptomonnaies ont connu des pertes de valeur de près de 20% par jour vers le 15 janvier dernier. Le bitcoin était passé en moins d’un mois de 10.000 à 19.499 dollars (de 8.005 à 15.610 euros), après avoir franchi la barre symbolique des 20.000 dollars (16.010 euros) en cours de séance le 17 décembre. Des investisseurs au goût du risque prononcé comme les hedge funds, appâtés par les profits rapides, se sont jetés sur cette valeur virtuelle et l’ont fait flamber. Au point d’alerter toute la communauté financière planétaire. Il semble d’ailleurs que ce soit un ensemble de déclarations marquant une volonté de trouver un moyen de réguler ces moyens de paiement alternatifs qui pousse désormais les aficionados à vider leurs porte-monnaie électroniques.

La plus emblématique dans ce coin de la planète, la réaction de l’Autorité des marchés financiers (AMF) en France, le 9 janvier dernier, après une vidéo de la starlette Nabilla expliquant qu’elle avait joué et gagné avec le bitcoin et incitant l’investisseur lambda à miser, lui aussi, sur la monnaie virtuelle. «#Nabilla. Le #Bitcoin c’est très risqué! On peut perdre toute sa mise. Pas de placement miracle. Restez à l’écart», lui a rapidement répondu l’AMF dans un tweet. En Corée du Sud, au début du mois de janvier, le gouvernement avait déclaré qu’il se préparait à interdire les plateformes d’échange des cryptomonnaies, avant de rétropédaler en précisant que sa stratégie n’était pas encore arrêtée. Mais le pays fait face à un très large engouement populaire pour ce type d’investissement et tente de mieux le contrôler.

<blockquote class="twitter-tweet" data-lang="fr"><p lang="fr" dir="ltr"><a href="https://twitter.com/hashtag/Nabilla?src=hash&amp;ref_src=twsrc%5Etfw">#Nabilla</a> Le <a href="https://twitter.com/hashtag/Bitcoin?src=hash&amp;ref_src=twsrc%5Etfw">#Bitcoin</a> c&#39;est très risqué ! On peut perdre toute sa mise. Pas de placement miracle. Restez à l&#39;écart.</p>&mdash; AMF (@AMF_actu) <a href="https://twitter.com/AMF_actu/status/950797977454546945?ref_src=twsrc%5Etfw">9 janvier 2018</a></blockquote>

<script async src="https://platform.twitter.com/widgets.js" charset="utf-8"></script>

D’autres personnalités, comme le prix Nobel Joseph Stiglitz ou le gourou de la Bourse Warren Buffett, se sont aussi positionnées face aux risques que représenteraient les cryptomonnaies. «Je peux dire avec quasi certitude que tout cela va mal finir», a ainsi déclaré le milliardaire américain, dont les avis font généralement référence. «Nous n’en possédons aucune, nous ne parions pas sur leur baisse, nous n’investirons jamais dans ces cryptomonnaies.»

Même si beaucoup de monde a découvert son existence au cours des dernières semaines de 2017, lors de son ascension effrénée, le bitcoin n’est pas un nouveau venu sur la planète Finance. Il est né en 2009 après la publication du code source par un certain Satoshi Nakamoto, un pseudonyme qui cacherait une communauté de geeks qui avait pour ambition de lancer un moyen de paiement parallèle aux monnaies traditionnelles et qui, contrairement à celles-ci, n’est pas sous le contrôle d’une autorité centrale. Pour sécuriser le système, les concepteurs ont développé une technologie, la blockchain, permettant un contrôle décentralisé de pair à pair.

Dans la blockchain, chaque transaction ou opération de création de monnaie est contrôlée par une multitude d’intervenants plutôt que par une autorité centrale. Un système extrêmement perfectionné, mais également grand consommateur d’énergie. Pour valider les opérations, la blockchain a besoin d’une multitude d’ordinateurs fonctionnant simultanément. C’est ce que l’on appelle, dans le jargon du bitcoin, les «mineurs». De véritables fermes de minage – des hangars à serveurs – se sont développées à travers la planète, surtout en Asie et aux États-Unis. Chaque opération mettant en branle une armée d’ordinateurs, les compteurs électriques se sont mis à tourner rapidement pour chaque transaction opérée. Selon le site digiconomist.net, début février 2018, la consommation annuelle pour les transactions en bitcoin est estimée à 46 térawatts/heure… sept fois la consommation annuelle du Luxembourg.

Mais, si l’on commente beaucoup le parcours en montagnes russes du bitcoin, ce n’est pourtant pas la seule cryptomonnaie au monde. On parle aussi beaucoup de l’ether (Ethereum) ou du ripple. On estimait, fin 2017, à 1.335 le nombre de monnaies virtuelles, et il s’en crée de nouvelles chaque semaine. Le bitcoin est sans doute la plus importante – fin 2017, elle affichait une capitalisation boursière de 200 milliards de dollars –, mais pas celle qui a progressé le plus vite. Alors que le bitcoin a gagné 1.318% sur l’année 2017, le ripple a progressé de 36.000% sur la même période. De quoi se poser quelques questions effectivement sur la bulle qui guette ces monnaies, dont le cours est uniquement basé sur la loi de l’offre et de la demande, mais pour lesquelles on sait que les détenteurs se réduisent parfois à un petit nombre de spéculateurs qui peuvent facilement influencer les cours. 

Dans un premier temps, les utilisateurs du bitcoin l’ont vu comme une manière de jouer à l’écart du système monétaire traditionnel en créant une nouvelle communauté. Certains y ont vu un acte libertarien; pour d’autres, c’était aussi l’occasion de pouvoir acheter des biens et services sur internet sans devoir fournir ses coordonnées bancaires. Parce que c’est bien le but premier de ces monnaies virtuelles: commercer entre membres. Au départ, les échanges étaient uniquement limités à la Toile, mais aujourd’hui, des commerces et des entreprises acceptent les bitcoins en espèces sonnantes. On a d’ailleurs vu apparaître le premier distributeur-échangeur automatique de bitcoins à Vancouver (Canada) en 2013. Depuis, la technologie s’est répandue à travers le monde, mais sa propagation reste relativement lente. Selon le site coinatmradar.com, on compte actuellement 2.066 distributeurs ATM de bitcoin répartis entre 66 pays, mais avec une large proportion sur le continent nord-américain.

Plus récemment, des start-up ont également eu recours au bitcoin ou à d’autres cryptomonnaies pour des opérations de levées de fonds. Les ICO (Initial Coin Offering) sont de plus en plus populaires. Sur l’année 2017, 235 sociétés ont eu recours à cette technique pour lever, au total, quelque 3,7 milliards de dollars. Les monnaies virtuelles séduisent donc de plus en plus. On estime actuellement que plus de 5 millions de personnes à travers le monde en détiennent. Mais ces chiffres restent invérifiables vu le relatif anonymat qui entoure ces nouvelles devises. Et c’est justement là que le bât blesse. L’absence de contrôle centralisé qui est au cœur du système bitcoin a fait en sorte que, dans ses premières années au moins, il a été vu comme une aubaine par les grandes organisations criminelles pour blanchir de l’argent.

Ce serait moins le cas aujourd’hui. Mais comme beaucoup d’initiatives alternatives destinées à sortir des sentiers battus, il paraît évident que la technologie de la blockchain, qui a rendu possible l’émergence du bitcoin, sera récupérée par le système de la finance traditionnelle. Quant aux cryptomonnaies, le débat reste ouvert pour savoir s’il s’agit d’un moyen de paiement d’avenir ou d’une bulle qui pourrait bien un jour éclater à la face de ses détenteurs. À ce moment-là, ils n’auront personne vers qui se tourner pour réclamer des compensations, le bitcoin n’étant couvert par aucune contre-valeur.