«Les entreprises doivent faire évoluer leur vision de l’innovation, qui est encore trop souvent vue comme un coût.» (Photo: Romain Gamba / archives)

«Les entreprises doivent faire évoluer leur vision de l’innovation, qui est encore trop souvent vue comme un coût.» (Photo: Romain Gamba / archives)

Monsieur Guérin, dans quelle mesure l’innovation constitue-t-elle un élément-clé dans la valorisation de votre entreprise?

«Ce qui valorise le plus une entreprise, c’est son avenir. Sans innovation, les perspectives font souvent moins rêver... Le ‘goodwill’ est en réalité le levier de valorisation ayant le plus gros potentiel. Mais l’innovation, ce n’est pas le rêve non plus: pour être valorisée, l’innovation doit être tangible, réelle, se traduire par de nouvelles ventes, par exemple. Et dans la mesure du possible, il faut avoir également des barrières à l’entrée pour empêcher la concurrence de venir sur le nouveau marché. Sans propriété industrielle ou intellectuelle, la seule protection est le ‘time to market’ qui signifie qu’un concurrent souhaitant copier devrait au moins prendre 6 mois pour arriver sur le marché, ce qui laisse au premier entrant le temps de lancer une innovation et de conserver son avantage. L’idéal étant d’avoir toujours une innovation d’avance, comme aux échecs…

Comment faire en sorte que l’échec constitue un tremplin et non un frein à une démarche d’innovation?

«Comme je l’indiquais précédemment, il faut créer un cadre dans lequel on peut échouer sans risque. Le sujet n’est pas d’encourager les gens à échouer, mais de supprimer ou au moins réduire les risques liés à l’échec. Dans un environnement protégé, la prise de risque n’existe plus et les freins à l’innovation sont levés. Et puis face à ce qui peut sembler être un échec, il y a presque toujours une opportunité à laquelle nous n’avions pas pensé. Pour sortir de cette situation, il faut se poser les bonnes questions: ‘Qu’est-ce qui est bon dans tout cela?’ ‘À quoi cette innovation pourrait-elle bien servir?’ ‘Qui aurait besoin de quelque chose comme ça?’ Rappelons que le post-it est né d’un échec: les chercheurs qui ont trouvé cette colle ne cherchaient pas au départ une colle amovible, mais au contraire une colle ultra résistante…

Que manque-t-il à l’écosystème de l’innovation au Luxembourg pour le rendre plus performant?

«Une exonération d’impôt pour les ‘business angels’ qui investissent en capital dans les start-up. On en parle depuis des années, mais je ne vois rien venir. C’est un véritable problème. Le Luxembourg est très en retard à ce sujet par rapport à ses voisins. Clairement, cela impacte très négativement la dynamique entrepreneuriale du pays. Il faut vraiment faire quelque chose à cet égard. Il y a aussi un autre problème très important au Luxembourg: les indemnités chômage durent seulement 9 mois et sont plafonnées 80% de deux fois le salaire minimum légal. Pour simplifier, cela fait 3.500 euros/mois net.

Compte tenu du prix de l’immobilier, c’est presque le prix des loyers ou des remboursements d’emprunt pour le logement d’une famille. Dans ces conditions, impossible de survivre pour un cadre qualifié candidat à l’entrepreneuriat. On ne peut pas prendre le risque de tenter de créer son propre emploi. Par comparaison, en France, les indemnités sont également de 80%, mais ne sont pas plafonnées. Un cadre peut donc survivre pendant deux ans avec ses indemnités et prendre le temps d’innover. Ce sont des choses très concrètes comme cela qui expliquent que la dynamique entrepreneuriale dans le pays, et donc l’innovation en provenance des start-up, peine à se développer. Les innovateurs sont certes un peu fous, mais rarement suffisamment pour se mettre eux-mêmes et leur famille face au risque de se retrouver à la rue…»

Vous pouvez retrouver les photos de l’événement 10x6 Business Innovation sur le site du Paperjam Club.