Franck Marchand: «La directive Solvency II s'inscrit dans la volonté du législateur de mieux protéger le public contre le risque de faillite des institutions financières.» (Photo: Luc Deflorenne)

Franck Marchand: «La directive Solvency II s'inscrit dans la volonté du législateur de mieux protéger le public contre le risque de faillite des institutions financières.» (Photo: Luc Deflorenne)

La directive Solvency II est enfin entrée en vigueur dans l’Union européenne depuis ce 1er janvier. Quelle en est la portée exacte pour les compagnies d’assurances?

«Rappelons que cette directive s’inscrit dans la volonté du législateur de mieux protéger le public contre le risque de faillite des institutions financières et en particulier des banques et des compagnies d’assurances. Ce processus a débuté par les banques et c’est désormais au tour des compagnies d’assurance.

Par ‘mieux protéger’, il faut comprendre que le capital dit de solvabilité, c’est-à-dire le capital exigé par le régulateur pour faire face au risque de faillite, sera désormais davantage fonction des risques réels encourus par la compagnie d’assurance que par le passé.

Auparavant, ce capital était calculé sur base d’un simple pourcentage appliqué sur quelques indicateurs basiques tels que les primes, les réserves ou les capitaux assurés.

Les stratégies d’investissement, les branches d’activité, la politique de prix, pour citer quelques exemples, n’étaient pas prises en compte par l’ancien référentiel alors qu’il s’agit pourtant d’éléments déterminants dans le risque de faillite.

Les compagnies d’assurances luxembourgeoises ne sont pas des géants internationaux. Vont-elles pouvoir absorber les exigences de cette nouvelle réglementation?

«Il est clair que le principe de 'level playing field', c’est-à-dire ne pas favoriser certains acteurs aux dépens d’autres, n’est pas respecté par la directive.

Les grands groupes qui peuvent mutualiser le coût non négligeable que représente cette nouvelle réglementation sont favorisés par rapport aux sociétés de taille plus modeste qui sont nombreuses au Grand-Duché.

Le rôle des actuaires sera assez bien impacté. Dans quel sens leur mission va-t-elle devoir évoluer?

«Les actuaires sont des spécialistes de la mesure des risques. À ce titre, ils sont des contributeurs naturels à ce nouveau dispositif.

La directive le reconnaît puisqu’elle prévoit d’ailleurs des fonctions-clés au sein du système de gouvernance et que l’une de ces fonctions est la fonction actuarielle.

La fonction actuarielle aura en particulier comme mission de valider les calculs relatifs aux provisions que doit constituer la compagnie d’assurances.

Cette mission sera de leur ressort exclusif, mais il est tout à fait possible qu’ils interviennent également pour d’autres missions dans le cadre de la gestion des risques.

Ces missions pourront être sous-traitées ou non par les compagnies d’assurances. Le commissariat a créé récemment les PSA (professionnels du secteur des assurances) et ce statut facilitera le recours par les compagnies d’assurance à des actuaires PSA qui travailleront alors comme sous-traitants.

Ce dispositif atténuera certainement les coûts pour les petites structures luxembourgeoises.

Les quelque 200 actuaires qui exercent au Luxembourg sont regroupés au sein de l’Institut luxembourgeois des actuaires. Cette asbl qui existe depuis plus de 20 ans a revu au mois de décembre ses statuts afin d’encadrer davantage la profession. Le code de déontologie a été renforcé et un statut de 'qualified actuary' a été créé afin d’encourager les actuaires à la formation continue.

Par ailleurs, l’Ilac organise régulièrement des conférences sur des sujets intéressant les actuaires mais aussi un plus large public. Ces conférences sont gratuites et ouvertes à tous.»

La prochaine se tiendra le 28 janvier dans les locaux de KPMG et aura justement pour thème: «Les rôles de l’actuaire dans Solvabilité II». Informations: www.alac.lu.