Pour Catherine Verdier, le harcèlement scolaire prend de l'importance, y compris dans les écoles primaires. (Photo: Catherine Verdier)

Pour Catherine Verdier, le harcèlement scolaire prend de l'importance, y compris dans les écoles primaires. (Photo: Catherine Verdier)

En parler pour briser la loi du silence et expliquer les mécanismes à l’œuvre, tel est l’objet du colloque «Harcèlement nouvelle génération» organisé le samedi 28 novembre dès 14h au Forum du campus scolaire Geesseknäppchen. Mêlant conférence de spécialistes, témoignages et ateliers, il sera accessible à tous sur inscription

Si la France vient de créer une loi sur le harcèlement scolaire assortie de sanctions pénales, rien de tel n’existe encore au Luxembourg. Chaque école agit à son échelle et au cas par cas.   

Madame Verdier, quels sont les objectifs de ce colloque européen?

«Je l’ai voulu tout public. Le sujet concerne bien sûr les victimes de harcèlement, mais aussi leurs parents, leurs écoles, le personnel qui y travaille, les infirmières, tout comme ceux qui sont passés par là autrefois… Sur 650 places disponibles, 450 ont déjà été réservées, ce qui témoigne d’un grand intérêt autour de cette thématique sensible et rarement abordée. De nombreux établissements scolaires ont du mal à reconnaître qu’il y a un problème chez eux. C’est un sujet qui concerne bien plus de gens qu’on ne croit. On estime qu’en Europe un enfant sur 10 en est victime. Au Luxembourg, le programme anti-harcèlement n’est mené que par deux personnes sur tout le pays. Il existe différentes initiatives éparses, comme Bee Secure qui intervient ponctuellement dans les écoles, mais il n’y a pas d’harmonie globale. Reconnu comme une formation, le colloque permettra d’amorcer un premier dialogue et d’expliquer ce qu’est vraiment le harcèlement. Un autre objectif est de conscientiser les pouvoirs publics pour faire bouger les choses.

Comment peut-on détecter et résoudre une situation de harcèlement?

«Bien souvent, l’enfant concerné ne parle pas. Il a honte, s’isole et s’enferme dans le silence. Dans de nombreux cas, la jeune victime pense pouvoir s’en sortir seule et ne veut pas faire appel à un adulte. Or, pour se reconstruire, il faut en parler et se faire aider. Plus on attend, plus la guérison sera lente. Le harcèlement peut s’accompagner de perte de l’estime de soi, de démotivation, voire de dépression. L’absentéisme et le décrochage scolaire sont des signaux d’alerte récurrents. Certains enfants trouvent toutes les maladies possibles pour éviter l’école ou se mettent volontairement en échec scolaire. Les professeurs ou les surveillants sont rarement formés à la prise en charge de ce type de cas. Il faut arrêter le discours que les enfants doivent se débrouiller seuls. Ils ont besoin de trouver une oreille attentive quand ils osent parler. Ne pas réagir, c’est envoyer le message que ce n’est pas si grave et que la loi du plus fort prévaut. La violence scolaire n’est jamais acceptable. Il faut agir. La Finlande, par exemple, a implémenté un programme de prévention des maternelles à la fin du lycée, qui a montré d’excellents résultats. On pourrait s’en inspirer.

Change-t-il de nature avec les nouvelles technologies?

«Dans le cas du cyberharcèlement, qui concerne surtout les adolescents, les attaques ne s’arrêtent jamais et sont démultipliées. Les pressions ont lieu à l’école, mais aussi en dehors de ses murs. L’isolement est alors encore plus rapide. Dans les deux cas, le but du ou des harceleurs est de rester discret par rapport aux adultes, mais d’être visible aux yeux des autres élèves pour qu’ils puissent participer. Tout se passe à la cantine, dans les couloirs ou les vestiaires, rarement en classe. Sans le rire et l’acceptation de spectateurs, il n’y a pas de harcèlement. Il faut tenir compte de cette dynamique de groupe et éduquer les enfants à la citoyenneté.»