«Si on ne change rien à la façon dont les petites filles regardent leur rôle dans la société, alors elles seront toujours aussi peu nombreuses à choisir des voies techniques, comme la cybersécurité», estime Sheila Becker. (Photo: Dirk Hans/ScienceRelations)

«Si on ne change rien à la façon dont les petites filles regardent leur rôle dans la société, alors elles seront toujours aussi peu nombreuses à choisir des voies techniques, comme la cybersécurité», estime Sheila Becker. (Photo: Dirk Hans/ScienceRelations)

Madame Becker, comment en êtes-vous arrivée à vous occuper de la cybersécurité au sein de l’armée, deux univers habituellement très masculins?

«J’ai fait des études dans le domaine de la sécurité informatique et j’ai eu la grande opportunité d’obtenir une bourse du gouvernement américain durant mon doctorat pour passer un an à l’université de Purdue dans l’Indiana. De retour au Luxembourg, j’ai travaillé pour l’Institut luxembourgeois de régulation (ILR), où je m’occupais du marché des télécoms.

Ces dernières années, je cherchais à me rapprocher du domaine de la cybersécurité. J’ai vu que l’armée cherchait quelqu’un dans ce domaine, alors j’ai postulé. Ce fut plus une coïncidence qu’un plan bien établi.

Quelle est la place de la femme dans l’univers de la cybersécurité, selon vous?

«Il est vrai qu’il s’agit d’un monde très masculin. Je ne connais d’ailleurs qu’une seule autre femme qui travaille dans ce milieu au Luxembourg, même si nous sommes sûrement plus nombreuses. Mais il faut dire que la cybersécurité est un domaine nouveau où l’on manque en général de spécialistes, qu’ils soient hommes ou femmes.

Si les femmes sont pour l’instant moins nombreuses, c’est parce qu’elles pensent qu’il s’agit d’un secteur très technique et n’osent pas se lancer. Mais c’est en partie faux.

Il existe aussi une dimension importante de coordination dans la cybersécurité. Dans l’armée, par exemple, nous sommes en train de rédiger une stratégie militaire dans ce domaine et de faire de la sensibilisation sur la question de la protection des données auprès de nos collaborateurs. La gouvernance est donc essentielle à la cybersécurité. Et les femmes y ont toute leur place.

Pensez-vous donc que cet univers se féminisera de plus en plus?

«Je pense que c’est un problème d’éducation. Si on ne change rien à la façon dont les petites filles regardent leur rôle dans la société, alors elles seront toujours aussi peu nombreuses à choisir des voies techniques, comme la cybersécurité.

Il faut leur donner confiance pour dépasser ces préjugés, car elles grandissent avec un complexe par rapport aux garçons à ce niveau-là.

J’ai eu la chance d’avoir été scolarisée dans un lycée privé pour filles et cela m’a permis de ne pas avoir peur de parler en classe, de donner mon avis sur des questions techniques, même si je me trompais souvent. Cela m’a beaucoup aidée.»