Bertrand Schmeler, senior vice president au sein de CBP Quilvest. (Photo: Maison Moderne)

Bertrand Schmeler, senior vice president au sein de CBP Quilvest. (Photo: Maison Moderne)

Après une fin d’année 2018 difficile, les marchés boursiers ont connu d’importants rebonds au cours du premier trimestre 2019. Aux États-Unis, l’indice S&P 500 est en hausse de 13,1%; en Europe, l’indice Euro Stoxx progresse de 11,7%, avec les gains les plus prononcés dans les pays de la zone dite «périphérique»: la Grèce (+17,6%) et l’Italie (+16,2%).

L’origine du rebond des marchés ne prend pas sa source dans l’activité macroéconomique, ni dans la dynamique du profit des entreprises. Les statistiques économiques ont en effet été globalement inférieures aux attentes sur les trois premiers mois, conduisant à des révisions de croissance à la baisse et à une très forte détente des taux obligataires: aux US, les taux à 10 ans sont passés de plus de 3% fin 2018 à 2,4% en 2019, avec une inversion de la courbe des taux entre les maturités 2 ans et 5 ans – que la plupart des analystes ont commenté comme étant annonciateurs d’une récession. En Allemagne et au Japon, les taux à 10 ans sont passés en territoire négatif; fin mars plus de 10.000 milliards de dollars (USD) de dette gouvernementale dans le monde se négociaient avec un taux de rendement négatif.

Le véritable moteur du rebond vient du changement de politique des banques centrales mondiales. Alors qu’elle annonçait fin 2018 trois à quatre hausses de taux à venir, la Réserve fédérale américaine (Fed) a largement assoupli sa politique début janvier, consciente qu’elle avait créé en 2018 des conditions de liquidité trop restrictives. La Fed a ainsi annoncé qu’elle ne relèverait pas ses taux en 2019 et qu’elle mettrait fin à la réduction de son bilan courant septembre, donnant au marché toute la visibilité dont il avait besoin quant aux interventions sur les marchés de taux.

La Banque centrale européenne lui a immédiatement emboîté le pas en annonçant qu’elle allait augmenter ses crédits long terme aux banques européennes – consciente de l’impact des taux négatifs sur la profitabilité du système bancaire européen – et qu’elle ne relèverait pas ses taux directeurs avant 2020. La Banque du Japon et la Banque centrale chinoise ont elles aussi annoncé des mesures accommodantes.

Les premiers signes de rebond de l’activité macroéconomique mondiale semblent se dessiner depuis la fin mars.

Bertrand Schmelersenior vice presidentCBP Quilvest

Par le biais de ces actions concertées, les banques centrales ont enlevé au marché un des plus gros poids, à savoir des conditions monétaires restrictives (fin du «quantitative easing» en Europe, réduction du bilan de la Fed) qui avaient provoqué des mini crises de liquidité fin 2018. Deux autres points négatifs – hausse des taux de la Fed et incertitudes liées aux négociations commerciales entre la Chine et les États-Unis – ont eux aussi évolué de façon plus favorable au cours du premier trimestre: il apparaît à présent que ces négociations commerciales semblent se stabiliser, tout au moins ne plus donner lieu à des surenchères au niveau des droits de douane entre les deux zones.

Quelles sont les perspectives sur les marchés après ce rebond largement orchestré par les banques centrales? Les premiers signes de rebond de l’activité macroéconomique mondiale semblent se dessiner depuis la fin mars: de solides incitations fiscales et monétaires devraient permettre à l’économie chinoise de renouer avec une croissance supérieure à 6,5% au cours des prochains trimestres; ce qui devrait, par ricochet, avoir un effet positif sur les pays exportateurs en Asie du Sud-Est, mais aussi sur l’Allemagne et le Japon.

Après un léger ralentissement fin 2018 début 2019, la croissance américaine devrait rester au-dessus de 2%: la consommation se stabilise sous l’effet du plein emploi, les exportations repartent. La zone euro devrait quant à elle renouer avec une croissance autour de 1,5% jusqu’à fin 2019. Pour la première fois depuis de nombreux trimestres, les profits attendus des entreprises sont revus à la hausse à +5% en 2019 et +10% en 2020 pour l’indice MSCI des actions mondiales.

Une conjonction de facteurs positifs devrait continuer à soutenir les cours et donner lieu à des performances positives dans les prochains mois.

Bertrand Schmelersenior vice presidentCBP Quilvest

Certes les indices boursiers semblent légèrement «surachetés» suite à la forte hausse des trois premiers mois, mais une conjonction de facteurs positifs devrait continuer à soutenir les cours et donner lieu à des performances positives dans les prochains mois, assurément plus modestes: amélioration des données macroéconomiques, hausse des bénéfices des entreprises, valorisations historiquement attractives (notamment en Europe, au Japon et dans la plupart des pays émergents), positionnement des investisseurs toujours très prudent (la plupart des investisseurs interrogés restent largement sous-exposés à l’Europe et aux marchés émergents qui ont largement sous-performé au premier trimestre).

Nous privilégions ainsi les actions des pays européens et les marchés émergents, notamment la Chine, restant exposés aux valeurs de croissance américaines, au détriment des instruments de taux d’intérêts (obligations long terme) qui intègrent encore à ces niveaux un scénario déflationniste qui ne devrait pas se manifester sur un horizon de 12 à 18 mois.

Certes les risques demeurent et sont bien identifiés: à court terme, un éventuel échec des négociations sino-américaines, les incertitudes liées au Brexit et aux élections européennes; à plus long terme, le retour de l’endettement des entreprises à un niveau inquiétant et la faible qualité des débiteurs. Nous privilégions une diversification en USD pour couvrir en partie ces risques.