Emma Zimmer, fondatrice de Nouma, intervient dans le cadre du 10x6 Architecture: Coliving & Coworking. (Montage: Pauline Hy/Marc Blasius/Maison Moderne)

Voici le script de son intervention:

Vous le savez tous, au Luxembourg le marché de l’immobilier est en croissance depuis de nombreuses années. Il y a un besoin croissant de logements et en même temps un besoin croissant de logement abordable. Beaucoup de demande et une offre insuffisante rendent le marché très intéressant.

Du coup les acteurs sur le marché de l’immobilier n’ont pas besoin d’exceller pour arriver à vendre. La qualité et l’humain n’y ont plus leur place. Alors que la construction n’est pas un but en soi… Mais un moyen de répondre aux besoins, et envies des futurs habitants.

Mais alors quels sont ces besoins? Se loger ne répond pas juste au besoin de sécurité, mais à toute une gamme de besoins — bien-être, santé, lien social. Ces besoins diffèrent d’une personne à l’autre, d’une tranche d’âge à l’autre, d’une situation à l’autre. Construire à la chaîne n’est, par conséquent, pas la bonne réponse.

Depuis quelques années maintenant des projets de logements alternatifs se développent partout en Europe et au-delà. Ce sont des projets qui émergent des citoyens parce qu’ils répondent à leur besoin — besoin de faire ensemble, de vivre ensemble, de recréer du lien, d’intégrer les personnes fragilisées ou encore de vivre plus écologiquement.

Pour répondre aux besoins des futurs habitants, leur implication est de plus en plus requise pour la réalisation du projet. La construction et l’architecture doivent se mettre au service des utilisateurs et faire pour eux, mais aussi avec eux.

Prenons l’exemple des séniors: ce qui se construit actuellement – maison de retraite, résidence sénior, maintien à domicile – se fait sans leur demander leur avis. Où est la diversité de l’offre? Voudrions-nous vivre comme ça? Demandons-leur ce qu’ils souhaitent et réalisons-le ensemble!

À Lorentzweiler, à 10 mins de Luxembourg, se développe le 1er projet d’habitat participatif pour personnes de 50 ans et plus. Ensemble, promoteur, architecte, accompagnateur et groupe de senior ont travaillé pendant 5 mois à réaliser des plans qui correspondent au style de vie recherché.

Le processus participatif va ensuite au-delà des plans. À Lorenzweiler depuis, le groupe travaille en mode participatif afin de créer et faire grandir la dynamique de groupe et décider ensemble du mode de fonctionnement de la communauté future.

Le projet de Lorentzweiler est un exemple de réalisation participative. Mais tout comme on est tous différents avec notre individualité, les cohousings qui se mettent en place diffèrent tous les uns des autres, ils ont tous leur spécificité et ce qui les rend intéressants et uniques.

Voyons ensemble quelques exemples: Aux Pays-Bas, un projet réalisé en autopromotion par un groupe de 5 personnes au départ, accueille aujourd’hui 12 logements avec 16 habitants. La moyenne d’âge y est de 82 ans.

Dans les spécifiés du projet des ateliers (bois et peinture) ont été prévus dans ce projet pour permettre des activités manuelles. De plus, les couloirs sont extérieurs ont été prévus assez larges pour permettre le passage de deux chaises roulantes. Et encore, toutes les pièces ont une ouverture vers la lumière naturelle, même les sanitaires et couloirs.

En Belgique, l’association Abbeyfield, accompagne le développement de projets d’habitat participatif pour senior: 8 maisons ont été réalisées en Belgique. Ici, à Bruxelles elle accueille 9 personnes.

Abbeyfield est une association anglaise à l’origine qui accompagne le montage de projets.

Ce sont toujours des projets financés afin d’être des logements sociaux. Les spécificités sont des logements individuels plus petits (autour des 40 m2) et des communs plus spacieux (plus de 100 m2). Les habitants ont l’habitude de tous manger ensemble le soir en cuisinant à tour de rôle.

En Allemagne, une coopérative d’habitation intergénérationnelle compte aujourd’hui 33 logements pour 50 adultes et 20 enfants.

Dans ce projet il était important pour les porteurs de prévoir des espaces pour organiser des fêtes et marquer certains évènements. Ils ont également choisi de partager des ressources (voitures/vêtements) et il leur tenait à cœur de pouvoir intégrer des personnes en situation de handicap.

Ces choix ont une influence sur l’aménagement du lieu, d’où l’importance de les considérer lors de la réalisation.

Ensemble en intelligence collective on arrive à de meilleurs résultats que seuls. On arrive ainsi à ne pas juste répondre au besoin de logements dans un souci économique (en construisant au plus rentable), mais également en tenant compte des enjeux environnementaux et sociaux. On vise ainsi non pas une rentabilité court terme, mais un bienêtre à long.

À beaucoup de niveaux, on arrive aux limites de notre système économique. Pour moi nous devons réapprendre à mettre l’humain et la nature au centre des préoccupations. Les projets participatifs, émergent des citoyens ou en tout cas intégrant le citoyen sont l’avenir, aussi bien au niveau du logement que de manière plus générale dans notre société.