Dotée d’un enthousiasme communicatif, Virginie Delalande proposera le mardi 23 novembre une conférence exceptionnelle à Luxembourg. (Photo: Lesspeakers.com)

Dotée d’un enthousiasme communicatif, Virginie Delalande proposera le mardi 23 novembre une conférence exceptionnelle à Luxembourg. (Photo: Lesspeakers.com)

Le Paperjam + Delano Club propose, le mardi 23 novembre, une conférence de Virginie Delalande. En 2020, elle a fait partie des 40 femmes françaises les plus inspirantes choisies par Forbes. Sourde de naissance, elle a appris à parler sans entendre, avant de devenir avocate. Un parcours extraordinaire.

Virginie Delalande, c’est le parcours exceptionnel d’une femme qui l’est tout autant. Sourde profonde de naissance, elle apprend à parler sans entendre. Le français, sa langue maternelle, mais ensuite également l’anglais et l’espagnol.

Malgré les embûches et le découragement, elle refuse d’abandonner, décroche un diplôme de droit à Panthéon-Assas et devient juriste dans une société d’assurances. Entre 2014 et 2017, elle travaille pour le groupe Axa en tant que conseillère juridique, puis responsable marketing. En 2018, elle se reconvertit dans le coaching pour aider les personnes en situation de handicap dans le monde du travail et fonde l’entreprise Handicapower. Elle est aujourd’hui CEO de cette entreprise qui aide les personnes diminuées à s’adapter et mieux vivre avec leur handicap. Elle travaille notamment pour une plateforme de coaching en ligne, nommée Ylico. En 2020, Forbes l’a classée parmi les 40 femmes françaises les plus inspirantes.

Comment aller au bout de ses rêves quand on souffre d’un handicap, c’est notamment cela qu’elle a mis en avant dans son livre «Abandonner? Jamais!», publié l’an passé. «Une source d’espoir et d’encouragements pour ceux qui se reconnaîtront en elle», avait écrit France Bleu.

Quels ont été les obstacles les plus difficiles à franchir au cours de votre parcours? Virginie Delalande – «Les préjugés des autres sur le handicap, mais aussi l’inaccessibilité de ce qui est transmis à l’audio dans notre société: les études, la TV, la radio, à la fois sur les aspects discours, informations, formations professionnalisantes…

Et quelles ont été les plus grandes sources de satisfaction?

«Rencontrer des personnes empathiques, aidantes et encourageantes. Tout comme réussir là où on ne m’attendait pas et découvrir qu’il n’y a pas qu’un seul chemin pour réussir.

Peut-on considérer que ce fut une joie d’avoir ainsi déjoué les pronostics qui vous condamnaient à une autre vie? «Oui, cela m’a rendue libre.

Vos parents ont joué un rôle déterminant dans votre vie… «Un rôle essentiel, car ils ont refusé les pronostics initiaux et m’ont mise sur les rails de la réussite.

Êtes-vous consciente d’être maintenant devenue un modèle et une source d’inspiration? «Ce n’était pas l’un de mes objectifs, mais les feed-back réguliers que je reçois me le montrent.

Je doute régulièrement, mais je ne laisse plus ce sentiment m’arrêter.
Virginie Delalande

Virginie Delalande

Le fait que vous soyez aussi un modèle et une source d’inspiration pour les valides est-il une victoire de plus?

«Pas une victoire, mais une démonstration de l’intérêt de l’universalité. Trouver sa place, assumer sa vulnérabilité, être heureux malgré les difficultés sont des sujets universels.

Sourire, énergie, détermination semblent vos marques de fabrique. Vous arrive-t-il encore de douter de pouvoir atteindre vos objectifs? Ou plutôt, vous autorisez-vous à douter?

«Je doute régulièrement, mais je ne laisse plus ce sentiment m’arrêter.

Si vous pouviez rencontrer la petite fille que vous étiez à cinq ans que lui diriez-vous? «À cinq ans, cette petite fille ne se sentait pas différente des autres. À huit ans, je lui dirais: ‘Trouve l’environnement dans lequel fleurir et s’il n’existe pas, crée-le. C’est ainsi que tu trouveras le chemin de l’épanouissement personnel. Éloigne-toi de toutes les personnes qui te tirent vers le bas et t’empêchent, c’est ta petite voix intérieure qui a raison quand elle te dit tu es capable, vas-y fonce’.’

Campagnes en faveur de l’inclusion, médiatisation du sport pour personnes moins valides… Pensez-vous que le regard sur le handicap évolue?

«Oui, il évolue et tant mieux, mais beaucoup de préjugés demeurent et le combat n’est pas terminé.

Comme Christine Lagarde pour les femmes, je suis pour les quotas de personnes en situation de handicap dans les entreprises. 
Virginie Delalande

Virginie Delalande

Que faut-il faire pour améliorer l’intégration des moins valides dans l’entreprise? Imposer un nombre en fonction des effectifs totaux? Donner des primes aux entreprises proactives? Interdire intégralement toute forme de discrimination? 

«Mon action, en prenant la parole le plus souvent possible dans les entreprises, est de convaincre que les personnes handicapées ont beaucoup à apporter au monde du travail. Donner envie plutôt que de contraindre ou punir. Démontrer aux décideurs que c’est dans leur intérêt pour faire réussir leur entreprise. Leur apprendre à conjuguer diversité et performance, en illustrant avec des exemples concrets, et les inciter à passer de la promesse à la preuve. Néanmoins, comme Christine Lagarde pour les femmes, je suis pour les quotas de personnes en situation de handicap parce que c’est la seule manière d’aider les réfractaires à se rendre compte sur le terrain et avec le temps de la puissance de la différence.

Femme, sourde… Vous évoquez parfois le plafond de verre auquel vous vous êtes heurtée dans l’entreprise. Comment le faire exploser?

«En confiant des responsabilités de représentation de l’entreprise aux personnes issues de la diversité. Que les hauts dirigeants concernés témoignent qu’il est possible de réussir avec un handicap. 80% des handicaps sont invisibles, ils sont représentés dans les comités de direction, mais trop souvent cachés. Faut-il «apprendre» aux valides à savoir travailler avec leurs collègues moins valides et à les accueillir?

«Absolument, il faut surtout développer l’empathie face aux vulnérabilités de chacun indépendamment du handicap. Nous devrions copier le modèle suédois de l’apprentissage de l’empathie à l’école. Une étiquette attire l’attention sur ce qui ne va pas ou ce qui dérange, allez plutôt chercher les talents développés en conséquence.

Je suis une grande bavarde qui n’abandonne jamais!
Virginie Delalande

Virginie Delalande

Le Covid est venu bousculer les habitudes du monde du travail. Est-ce une bonne chose également pour les moins valides?

«Quand la vie personnelle est adaptée, mais que la vie professionnelle ne l’est pas, c’est une bonne chose. En revanche, cela peut nourrir une forme d’isolement qui n’est pas souhaitable.

A-t-on sous-estimé l’impact du Covid sur les personnes les plus fragiles de notre société (port du masque…)? 

«Clairement! De nombreuses personnes se sont rendu compte de leur mauvaise audition, ainsi privées de la lecture labiale. Et, pour autant, aucune solution alternative n’a été proposée par les instances gouvernementales ou la société civile. On a aussi beaucoup sous-estimé son impact sur les personnes âgées et les enfants sur le plan émotionnel, des interactions sociales, du langage non verbal…

Quels sont vos projets: livre, enseignement…? «Les projets sont nombreux: conférence en anglais, conférence sur la place des femmes dans nos sociétés, livre témoignages sur ‘les réussites de la diversité’, séminaire autour de l’estime de soi…

«Je suis une sourde devenue une grande bavarde», avez-vous confié. N’est-ce pas la phrase qui vous définit le mieux?

«Une grande bavarde qui n’abandonne jamais!»