L’œuvre «Paysages productifs, Ouessant, laminaires, -10m, île d’Ouessant, 2016», de Nicolas Floc’h est présentée au Cercle Cité. (Photo: Nicolas Floch)

L’œuvre «Paysages productifs, Ouessant, laminaires, -10m, île d’Ouessant, 2016», de Nicolas Floc’h est présentée au Cercle Cité. (Photo: Nicolas Floch)

Dans le cadre du Mois européen de la photographie, l’exposition «Rethinking Nature» présentée au Cercle Cité est l’occasion de porter un nouveau regard sur un sujet que l’on pensait pourtant éculé, celui de la représentation de la nature.  

C’est dans le cadre de la 8e édition du Mois européen de la photographie que l’exposition «Rethinking Nature» est présentée au Cercle Cité. Le commissariat est assuré par Paul di Felice et Pierre Stiwer, de l’asbl Café-Crème, qui ont choisi de rassembler au Ratskeller cinq artistes au travail très différent, mais complémentaire, abordant à leur manière une nouvelle façon de donner à voir la nature, renouvelant le genre du paysage, s’écartant de celui de la nature morte, explorant de nouvelles manières de capturer ce qui nous entoure, sans jamais l’extraire des récents conflits qui se tissent entre l’Homme et son environnement, de la menace climatique et de la crise environnementale.

Saisissants paysages sous-marins

L’œuvre la plus saisissante et inattendue de cette exposition est très certainement le travail de Nicolas Floc’h. Habitué des bords de mer, l’artiste français a choisi de montrer des lieux jusqu’à présent quasiment pas photographiés pour eux-mêmes: les paysages sous-marins. Depuis plus de 10 ans, ce plongeur confirmé arpente les littoraux de Bretagne – où il vit –, mais aussi du Japon ou récemment de la côte marseillaise pour observer les fonds marins, qu’il s’agisse des récifs artificiels ou des habitats naturels. «Ces paysages, pourtant proches de nous, ne font pas l’objet de représentations photographiques. Les milieux sous-marins sont habituellement soit photographiés pour leur faune ou leur flore, mais en micro, ou dans le cadre de reportages sportifs pour les apnéistes. Mais les larges paysages qui composent les fonds marins ne sont jamais représentés. Aussi, ils nous sont largement inconnus. Pourtant, ce sont des paysages qui sont proches de nous et qui, en plus, changent de manière très rapide à cause du réchauffement climatique», explique l’artiste. Pour capturer ces paysages inédits à nos yeux, il utilise la lumière naturelle et un grand angle. Mais en plus de l’intérêt scientifique que l’on peut trouver dans ce travail, et de son impact politique, il y a bien entendu un grand intérêt artistique. À l’instar des Becher, ces photographies proposent un inventaire en noir et blanc de cette architecture naturelle immergée. On pourrait aussi dresser un parallèle avec les missions photographiques américaines réalisées pendant la Grande Dépression. Des correspondances esthétiques avec la peinture classique de paysage peuvent aussi être tissées.

Quand l’art et la science s’entremêlent

Face à ce travail, un large rideau est tendu. Il s’agit d’une œuvre de Justine Blau. Et là aussi, l’art et la science s’entrecroisent. L’artiste luxembourgeoise s’est intéressée à une espèce disparue de cucurbitacée recensée par Charles Darwin et qu’une équipe de scientifiques essaie de réintroduire aux Galápagos. Interpellée par le rapport virtuel au monde grandissant, l’importance de la manipulation, du geste sur la nature et le vivant, elle propose une installation aux approches multiples qui témoigne de son interrogation sur le monde scientifique, des fantasmes, des illusions nourries par cette quête. «J’ai essayé de parler du virtuel de manière analogue, à l’aide de collages où le corps entre en jeu.» En découlent des mises en scène surréalistes, une théâtralisation d’artéfacts, où l’artiste propose de repenser la nature, en nous plongeant dans son univers fluide et ouvert tout en révélant les controverses qui alimentent son questionnement scientifique, artistique et philosophique.

Par ailleurs, les visiteurs peuvent découvrir les œuvres de Maria-Magdalena Ianchis, qui a choisi de travailler sur le thème de la fonte des glaces, qui révèle la vulnérabilité de la nature et la fragilité de l’Homme par conséquent, mais aussi celles de Vanja Bučan et ses arrangements un brin dadaïstes mettant en relation l’humain, le végétal et l’animal, ou encore une œuvre d’Anastasia Mityukova qui, avec «Project Iceworm», réalise un travail sur base d’archives documentaires qui met en exergue les dangers provoqués par l’Homme sur la nature à travers cette expérience d’ancienne base militaire nucléaire.

Cercle Cité, Ratskeller, rue du Curé à Luxembourg, ouvert tous les jours de 11h à 19h jusqu’au 27 juin.