Au cours des 20 à 40 dernières années, l’industrie a tout fait pour rendre la chaîne d’approvisionnement aussi efficace que possible en instaurant un système complexe consistant à s’approvisionner en une vaste gamme de pièces venues du monde entier. Crédit: Christopher Kimmel

Au cours des 20 à 40 dernières années, l’industrie a tout fait pour rendre la chaîne d’approvisionnement aussi efficace que possible en instaurant un système complexe consistant à s’approvisionner en une vaste gamme de pièces venues du monde entier. Crédit: Christopher Kimmel

Au cours des 20 à 40 dernières années, l’industrie a tout fait pour rendre la chaîne d’approvisionnement aussi efficace que possible en instaurant un système complexe consistant à s’approvisionner en une vaste gamme de pièces venues du monde entier. Bien que cette méthode parvienne en effet à rendre une entreprise efficace, elle ne favorise guère sa résilience.

Prenons pour exemple la chaîne d’approvisionnement de l’industrie aérospatiale. Une multitude de pièces et de matériaux différents proviennent de nombreuses entreprises situées dans de nombreux pays différents. L’épidémie de COVID-19 a contraint de nombreux pays au confinement, ce qui a provoqué des failles dans de nombreuses chaînes d’approvisionnement. Un composant essentiel, que ce soit une pièce automobile ou un ingrédient chimique pour un médicament, devient soudain indisponible lorsque le confinement devient la norme au niveau mondial, ce qui a pour conséquence directe un arrêt de la production. La différence flagrante entre efficacité et robustesse est ainsi mise à nu: les entreprises doivent réorienter leur attention et réfléchir à comment trouver un équilibre plus sain.

«Faute dun clou…»

L’efficacité réduit les coûts et augmente les bénéfices, ce qui la rend très appréciée, tant que tout fonctionne. «Une imprimerie à Chicago avait une chaîne d’approvisionnement très allégée, de sorte que si l’une des presses à imprimer tombait en panne et qu’elle avait besoin d’une pièce spécifique, il était presque impossible d’en trouver», se souvient Martyn Hole, directeur des investissements chez Capital Group. «L’urgence d’imprimer faisait qu’ils étaient prêts à payer des sommes énormes pour cette seule pièce. Pour reprendre les mots de Shakespeare, ‘faute d’un clou, un royaume fut perdu’.» Qu’il s’agisse d’une pandémie ou d’une panne dans une usine, une pièce apparemment sans importance peut devenir vitale pour maintenir le fonctionnement de l’entreprise.

Malgré la crise sanitaire et les désaccords commerciaux et politiques entre les États-Unis et la Chine, de nombreux observateurs ont été stupéfaits d’apprendre à quel point l’industrie pharmaceutique dépend de la Chine, où elle se procure 95% des ingrédients essentiels pour ses médicaments. «Un certain nombre de gouvernements ont déclaré qu’un pays ne pouvait pas (plus) dépendre d’un pays ou d’une région pour la fourniture d’ingrédients critiques. Mettre l’accent sur une plus grande robustesse au lieu de se concentrer uniquement sur l’efficacité risque probablement d’augmenter les coûts», déclare M. Hole. Mais, en ces temps pleins d’incertitude, investir dans une meilleure résilience peut soudain sembler une très bonne idée.

L’impôt sur les sociétés va probablement augmenter, avec à la clé un contrôle plus strict des dividendes et des rachats d’actions.
Martyn Hole

Martyn HoleDirecteur des investissementsCapital Group

Il y a du changement dans l’air

Depuis trois ou quatre décennies, les entreprises privées, en général, se portent incroyablement bien. «Les bénéfices pourraient baisser, et la part du revenu national qui finit sous forme de bénéfice commercial pourrait commencer à basculer dans le sens inverse, vers les revenus du travail», suggère M. Hole. «Ce serait très compatible avec l’environnement politique actuel, où l’on se plaint de plus en plus des inégalités et des bonus excessifs des cadres. En outre, l’impôt sur les sociétés va probablement augmenter, avec à la clé un contrôle plus strict sur la distribution de dividendes et sur les programmes de rachats d’actions.» 

Au cours des dernières années, l’utilisation de la méthode des prix de transfert pour réduire la charge fiscale a été très évidente. De nombreuses entreprises s’assurent de réaliser leurs bénéfices dans des régimes ou environnements fiscaux plus souples, comme l’Irlande. Ces entreprises peuvent avoir d’énormes opérations dans un pays déterminé, mais ne rapportent pas à ce pays: la propriété intellectuelle provient d’une autre partie de l’entreprise, implantée dans un autre pays, et le droit d’utiliser cette propriété intellectuelle se paye cher. Les revenus sont ainsi transférés vers la filiale irlandaise (ou autre), avec pour résultat un bénéfice dérisoire ou même nul dans le pays des opérations, et donc aucun impôt pour le fisc de ce pays. Entre-temps, il y a des signes d’un basculement vers un régime plus respectueux de la ventilation globale des revenus, ce qui se traduira très probablement par une rentabilité et des rendements inférieurs pour ces entreprises.

La valorisation boursière

La valorisation des actions par rapport aux instruments concurrents, en particulier les obligations d’État, semble encore assez attractive. Capital Group étudie avec attention la prime de risque des actions: «Nous prenons le ratio PE (cours/bénéfices) prospectif d’un marché et l’inversons pour obtenir le rendement des bénéfices, puis on soustrait le rendement des obligations d’État», explique M. Hole. «Parce que leurs rendements sont si bas, la différence ainsi obtenue est assez élevée, à environ 4% aux États-Unis, et 6 ou 7% en Europe, et encore plus dans les marchés émergents. Il existe une forte corrélation entre, d’un côté, le supplément de rendement des actions par rapport à celui des obligations pour les 10 prochaines années, et, de l’autre, la prime de risque sur les actions. Les deux se suivent de près, et c’est un indicateur très fiable que nous suivons avec attention.»

Ce qui est évident, c’est que nous n’allons pas voir les 10 à 15% de rendement que nous avons constatés au cours des 10 dernières années, conclut M. Hole. «Si vous avez le choix entre acheter une obligation à 0,5% ou, dans le cas des obligations allemandes ou luxembourgeoises, à un taux négatif, et acheter une action qui pourrait vous donner un rendement de 4 à 7%, je sais où je pense mettre mon argent au long cours. Si vous êtes jeune et que vous disposez de 20 à 40 ans pour épargner pour votre pension, il peut être avantageux de parler à un conseiller d’un placement en bourse.» 

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