Même si les tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis pèsent sur la croissance européenne, le managing director de Banque de Luxembourg Investments ne perçoit pas, dans l’immédiat, de risque de crash.

Monsieur Wagner, dans quelle mesure l’affaiblissement des échanges internationaux pèse-t-il sur la croissance de l’économie mondiale?

«Lors du quatrième trimestre 2018, l’accentuation des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine a considérablement impacté les échanges internationaux qui ont reculé en glissement annuel. L’affaiblissement du commerce mondial a surtout affecté les économies dont la croissance dépend en grande partie des exportations, comme l’Allemagne et du Japon. Même les États-Unis, dont la force de l’économie domestique en 2018 résultait principalement de la réforme fiscale de décembre 2017, montrent des signes d’essoufflement.

Doit-on craindre une récession?

«Je ne pense pas. Un apaisement du moins temporaire du conflit sino-américain, la relance fiscale et budgétaire en Chine et un éventuel relâchement de la politique monétaire américaine en cours d’année devraient empêcher un atterrissage brutal de la conjoncture mondiale.

Les décisions de la Réserve fédérale américaine sont toujours scrutées avec attention. À quoi doit-on s’attendre dans les prochains mois?

«Suite au ralentissement de l’économie mondiale et à la volatilité accrue sur les marchés financiers, la Fed a radicalement changé sa stratégie de politique monétaire. En décembre dernier, elle envisageait deux hausses de taux d’intérêt en 2019. Mais en mars dernier, les responsables monétaires ont annoncé ne plus prévoir de telles augmentations cette année. Cela est d’autant plus surprenant que le niveau actuel du taux des fonds fédéraux demeure largement inférieur à celui de la croissance nominale du PIB, ce qui n’était pas le cas lors des précédents alignements des taux d’intérêt. Passant d’une attitude restrictive à une approche clémente en si peu de temps, les autorités monétaires pourraient même être amenées à procéder à une réduction de leur principal taux directeur dans le courant de cette année si les tensions commerciales ne s’atténuaient pas et le ralentissement économique venait à s’intensifier.

La consommation domestique continue à afficher une croissance relativement solide dans la plupart des pays.
Guy Wagner

Guy WagnerManaging DirectorBLI - Banque de Luxembourg Investments

Quelle est la situation de ce côté-ci de l’Atlantique?

«La détérioration de la conjoncture européenne au second semestre 2018 s’est poursuivie au 1er trimestre 2019. La faiblesse de l’activité se limite principalement au secteur industriel en raison de sa forte dépendance à l’égard de la demande étrangère. A contrario, la consommation domestique continue à afficher une croissance relativement solide dans la plupart des pays, soutenue par un marché de l’emploi encore peu affecté par la faiblesse du secteur manufacturier.

Les perspectives sont-elles encourageantes?

«L’évolution future de la croissance européenne dépend en grande partie du climat d’entente entre les grandes puissances internationales. Si la Chine et les États-Unis parviennent à apaiser leurs tensions, sans provoquer de nouvelles crispations vis-à-vis d’autres partenaires, le commerce mondial rebondira sous peu. En revanche, si l’administration Trump continue à utiliser en permanence la menace de l’arme tarifaire pour imposer ses propres intérêts, l’économie européenne aura du mal à retrouver un rythme de croissance similaire à celui des deux dernières années.

Si la Chine et les États-Unis parviennent à apaiser leurs tensions, le commerce mondial rebondira sous peu.
Guy Wagner

Guy WagnerManaging DirectorBLI - Banque de Luxembourg Investments

Comment se positionne la Banque centrale européenne dans ce contexte?

«En mars dernier, elle a revu à la baisse ses prévisions de croissance et d’inflation, ce qui l’a conduite à renforcer davantage le caractère accommodant de sa politique monétaire. Ainsi, elle a décidé de reporter l’échéance minimale de taux d’intérêt inchangés de la fin de l’été à la fin de l’année. De plus, elle reprendra, à partir de septembre, les opérations de refinancement à plus long terme, sur deux ans, ce qui permettra aux banques de se financer auprès d’elle à des conditions favorables sur des périodes plus longues. Par ailleurs, le président de la Banque centrale, Mario Draghi, a suggéré qu’il songe à prendre des mesures soutenant la rentabilité du secteur financier. Cela pourrait se concrétiser par une exemption partielle de l’application de taux d’intérêt négatifs aux réserves excédentaires placées par les banques commerciales auprès de la BCE, afin de permettre aux banques de générer une marge d’intérêt supérieure.»