Peter Platzer, CEO & founder, Spire. (Photo: Maison Moderne)

Peter Platzer, CEO & founder, Spire. (Photo: Maison Moderne)

Les quelques mois que nous venons de vivre ont fait ressurgir des craintes importantes par rapport aux cybermenaces. Celles-ci ne doivent toutefois pas faire oublier les opportunités importantes qu’offre l’évolution des technologies liées à la collecte, au traitement et à la diffusion de l’information.

Suite à la crise du coronavirus, la plupart des entreprises ont été contraintes de recourir au télétravail et de traiter à distance avec leurs clients et partenaires. Cette manière de travailler, si elle était déjà appliquée ponctuellement avant la crise, s’est considérablement développée au cours des derniers mois. Mais cette augmentation des échanges électroniques de données nécessite une plus grande vigilance en matière de cybersécurité. «Tout dépend des technologies utilisées par les entreprises», estime Peter Platzer, fondateur et CEO de Spire, une start-up consacrée au développement de nanosatellites et à l’analyse de données. «Chez Spire, nous travaillons avec des solutions hébergées sur cloud et nous y stockons des données. Le recours à des solutions hébergées par des acteurs majeurs comme Google ou Amazon nous offre un niveau de sécurité extrêmement élevé, difficile à répliquer à l’échelle individuelle. Cela limite considérablement le risque.»

Éduquer et protéger les données

Ceci étant dit, le niveau de perfectionnement de la technologie ne protège pas contre l’erreur humaine. «De nombreuses failles de sécurité sont liées à l’activité humaine, principale source d’erreur», poursuit le fondateur de Spire. «L’éducation sur les bonnes pratiques est donc une démarche critique. Il est facile de mettre en place des tests, par exemple l’envoi d’e-mails suspects, afin de vérifier l’adoption desdites bonnes pratiques par les collaborateurs. Le recours à des filtres anti-spam ou à des outils similaires peut aussi s’avérer efficace. Ces différentes pratiques sont comparables à l’entretien et à la surveillance d’une maison: on laisse rarement son logement grand ouvert.»

Un autre enjeu est de parvenir à protéger les données stockées. À ce titre, le Luxembourg est particulièrement bien doté. «Spire a recours à un centre de données luxembourgeois pour une raison simple: après avoir mené des études comparatives, les infrastructures hébergées au Luxembourg ont présenté le plus haut niveau de sécurité», relève Peter Platzer. «Il ne s’agit pas de centres de données offrant la vitesse la plus élevée, mais la sécurité était notre priorité et la vitesse proposée s’avérait suffisante pour nos besoins.»

Je crois surtout que la 5G est un mot à la mode, qui a fait l’objet d’un très bon travail de marketing.
Peter Platzer

Peter PlatzerCEO & FounderSpire

La 5G, juste un mot à la mode

Avec la généralisation de la 5G, les échanges d’informations devraient encore s’accroître et s’accélérer au cours des prochaines années. S’agit-il d’un sujet d’inquiétude ou d’une source d’opportunités? «La 5G est surtout une expression à la mode», s’amuse Peter Platzer. «Le développement d’infrastructures permettant d’offrir un plus haut débit pour la transmission d’informations est une réalité. Mais je crois que la 5G ne sera qu’un élément parmi d’autres afin d’y parvenir. Cette technologie nécessite des investissements massifs, avec l’installation d’un nombre très important d’antennes. Avec une vision d’Européens de l’Ouest, cela semble tout à fait possible. Mais imaginer qu’il serait facile d’assurer une couverture 5G complète dans des pays comme l’Indonésie, qui sont composés de centaines d’îles, serait une erreur.»

Pour le CEO de Spire, le haut débit ne pourra être proposé, dans certaines régions, qu’en recourant à d’autres solutions, notamment les satellites, les ballons ou autres drones. Quant à savoir quelles applications seront développées dans le futur grâce à ces nouveaux débits, Peter Platzer préfère ne pas se lancer dans des prédictions qui sont toujours très délicates. «Il y a 10 ans, nul n’aurait pu prédire que nous bénéficierions des solutions actuelles. Pour citer Mark Twain, les prédictions sont difficiles, surtout à propos du futur.»

Une accélération du rythme

Parvenir à se faire une idée du futur est d’autant plus complexe que les évolutions technologiques connaissent une accélération exponentielle. «On estime que les changements qui auront lieu entre 2020 et 2030 seront aussi importants que ceux observés de 2000 à 2020», indique Peter Platzer. «En 2000, Google n’était pas de ce monde et Amazon n’était qu’une start-up. Il est difficile de prévoir quelles seront les applications données aux technologies aujourd’hui en développement.»

Notre monde est de plus en plus connecté et nous avons besoin de données globales pour faire face à des problèmes qui le sont également.
Peter Platzer

Peter PlatzerCEO & founderSpire

Ce qui est clair, pour Peter Platzer, c’est que le développement de l’intelligence artificielle, conjugué au déploiement de réseaux à haut débit et à l’avènement de technologies de collecte de données innovantes, ouvre d’énormes champs de possibilité. «Nous sommes entrés dans l’ère de la donnée planétaire. Notre monde est de plus en plus connecté et nous avons besoin de données globales pour faire face à des problèmes qui le sont également, comme le changement climatique ou la crise du Covid-19. Ces données globales peuvent être obtenues via satellite. Le volume très important de données collectées par ce biais peut être traité par des intelligences artificielles de plus en plus performantes. Les technologies comme la 5G permettent ensuite de diffuser l’information de façon extrêmement rapide.» Cette combinaison de technologies pourrait par exemple permettre, selon Peter Platzer, d’analyser et de prévoir la propagation de feux de forêt, comme ceux qui touchent la côte ouest américaine en ce moment.

L’accélération du développement de technologies comme l’intelligence artificielle aura toutefois des conséquences importantes sur l’emploi, et il faut s’y préparer. «40% des métiers actuels pourraient être assurés par l’intelligence artificielle sur le long terme», rappelle Peter Platzer. Il faut s’adapter à cette réalité dès aujourd’hui et créer des emplois technologiques. L’Europe souhaite innover, mais a tendance à refuser le risque. L’un ne va pas sans l’autre: il faut prendre des risques pour inciter la population active à contribuer aux innovations de demain.»