«Penser la crise sanitaire autour de l’axe ‘monde d’avant/monde d’après’, c’est s’enfermer dans une problématique inadéquate.» (Photo: Andrés Lejona/Maison Moderne)

«Penser la crise sanitaire autour de l’axe ‘monde d’avant/monde d’après’, c’est s’enfermer dans une problématique inadéquate.» (Photo: Andrés Lejona/Maison Moderne)

Ce qui était enfoui, comme l’interprétation et l’improvi­sation, refait soudain surface.

Le coupable? Un virus qui a grippé le fonctionnement d’entreprises réglées comme du papier à musique militaire.

Les restrictions sanitaires, en nous limitant à notre travail, bouleversent nos habitudes et réactivent notre quête de sens.

Penser la crise sanitaire autour de l’axe «monde d’avant/monde d’après», c’est s’enfermer dans une problématique inadéquate. Que l’on souhaite le retour à notre confort précédent ou que l’on espère une vie différente, cette projection nous éloigne du moment présent, un présent qui dure et qui nous questionne.

Mes observations dans les entreprises révèlent le blues des quinquas, et de tous ceux qui, soudainement, se sont extraits de leur conditionnement pour faire un pas de côté et interroger leur parcours, non sur un plan moné­taire, purement quantitatif, mais à l’aune de leur chemin de vie tout entier, plus qualitatif. «Car finalement, à quoi bon? Tous ces efforts ont-ils un intérêt? Que faire dans 10 ou 15 ans, quand la retraite sonnera?»

La question du sens n’attend certes pas le nombre des années, et de nombreux jeunes ont largué les amarres des grandes corporations sans demander leur reste.

Alors, pourquoi être optimiste?

Si l’anthropologie nous enseigne que l’homme n’est rien d’autre qu’un lien, que le «moi» des psychanalystes se situe dans la connexion que le «je» entretient avec l’autre, cette période d’isolement relatif a remis en évidence notre besoin de petits riens, de je-ne-sais-quoi, de superficialité et de banalité. Le travail ne se réduit pas à la seule production. Il ne fait pas de nous des objets.

Aussi observe-t-on le besoin de relations anodines, d’interactions avec des personnes rencontrées au hasard, qui incarnent le moment présent, et rien d’autre.

À ces petites discussions s’ajoute le besoin de diversité. L’entre-soi des réunions digitales, l’absence des rendez-vous extérieurs, des discussions à la machine à café ou des verres d’après-boulot nous rappellent que la rencontre avec des gens qui ne sont pas comme nous fait partie de l’inspiration nécessaire à notre équilibre et à notre créativité.

Alors oui, nous pouvons être optimistes, car l’attention à l’autre devient une priorité, puisqu’elle nous est profitable. Le présent est fait de hasards, et pas uniquement de process. L’être humain ne se résumera jamais dans un tableur Excel.

Et c’est une belle nouvelle.

Cet article a été rédigé l’édition magazine de Paperjam du mois de juin parue le 27 mai 2021.

Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine, il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.

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