Catherine Pogorzelski: «Nous accordons une grande importance à la volonté d’entreprendre de nos associés et de nos collaborateurs.» (Photo: DLA Piper)

Catherine Pogorzelski: «Nous accordons une grande importance à la volonté d’entreprendre de nos associés et de nos collaborateurs.» (Photo: DLA Piper)

Après une expérience chez Loyens & Loeff puis chez Arendt & Medernach, Catherine Pogorzelski (40 ans) rejoint l’environnement international de DLA Piper en 2014 pour lancer le bureau luxembourgeois. La managing partner du cabinet partage son vécu d’une crise qui remet aussi en question certains modèles d’affaires.

Comment est positionné le cabinet de DLA Piper au Luxembourg?

. – «Nous sommes un cabinet ‘full service’ à l’échelle globale, avec un positionnement au Luxembourg sur les segments pertinents pour le marché local. Je pense aux fonds d’investissement, au droit des sociétés, aux activités de fusion et acquisition, de capital investissement (‘private equity’), de droit bancaire et financier, à la restructuration d’entreprises, aux marchés de capitaux ainsi qu’au droit fiscal. Nous avons également créé plus récemment une activité dédiée aux nouvelles technologies et à la propriété intellectuelle. , associé, nous a rejoints pour lancer le département. Notre département de droit fiscal a, quant à lui, été repris l’an dernier par un nouvel associé qui nous a rejoints de chez Allen & Overy, . Nous comptons ainsi cinq associés en local, tous ‘equity partners’, qui se répartissent ces piliers selon leur spécialisation.

Ce sont donc des entrepreneurs en charge de développer leur secteur…

«Nous accordons une grande importance à la volonté d’entreprendre de nos associés et de nos collaborateurs. Notre approche des dossiers est pragmatique, mais surtout sectorielle. Nos équipes sont formées à comprendre et à connaître le secteur d’activité de nos clients. Ainsi, chacun se spécialise sur un ou plusieurs secteurs de sorte que cette formation ne se limite pas seulement à des connaissances juridiques, mais englobe également une connaissance des pratiques de marché et des enjeux sectoriels. Je pense notamment aux secteurs de l’immobilier, des services financiers et des nouvelles technologies. Nos équipes agissent de façon transversale et intégrée; nos dossiers couvrent, pour la plupart, plusieurs juridictions et plusieurs matières de droit et nous nous positionnons très souvent en ‘lead counsel’ sur de gros dossiers transfrontaliers.

Quelle est la croissance du cabinet?

«De quelques personnes au lancement du cabinet en 2014, nous sommes aujourd’hui 60, avec 12 nationalités différentes, une moyenne d’âge de 34 ans et un équilibre homme-femme plutôt satisfaisant (54% de femmes/46% d’hommes). Cette diversité culturelle, de genre et de langues se retrouve d’ailleurs partout chez DLA Piper, qui n’est pas un cabinet géré de façon centralisée, mais qui accorde une réelle importance aux bureaux locaux. Notre diversité nous confère une certaine souplesse et agilité qui se fait sentir sur nos résultats.

Avec tout de même une pression pour trouver et retenir les meilleurs talents?

«Il existe incontestablement une concurrence entre les cabinets autour de la rémunération, mais il ne s’agit pas de l’élément déterminant, selon moi. Les talents – a fortiori au sein des nouvelles générations – recherchent autre chose: une ambiance de travail positive et inspirante, un environnement qui valorise l’apprentissage et le développement tant personnel que professionnel. Ils recherchent aussi des valeurs d’entreprise fortes, à savoir, dans notre cas, le respect profond de tous, l’engagement en faveur de la diversité, la collaboration, le bien-être de chacun, l’esprit d’entreprendre et un réel accompagnement des clients dans l’écoute et la réponse adaptée à leurs besoins.

Notre métier reste un métier de contacts et de collaboration.
Catherine Pogorzelski

Catherine Pogorzelskicountry managing partnerDLA Piper

Comment la crise a-t-elle impacté les activités du cabinet?

«Nous avions la chance d’avoir déjà introduit une politique de ‘flex working’. Tous nos collaborateurs et employés étaient donc équipés de PC portables, ce qui a rendu la transition relativement simple. Quelques jours avant le confinement, nous avions effectué des tests relatifs au télétravail à l’échelle globale du cabinet afin de sonder la résistance des systèmes. Lorsque le confinement s’est imposé, le sujet du télétravail a donc été relativement simple à gérer pour nous.

D’une manière générale, le télétravail et la gestion à distance du cabinet se sont bien déroulés. Nous avons mis en place des réunions virtuelles avec l’ensemble du bureau trois fois par semaine, à heure fixe durant 20 minutes. C’était un moment de partage, de décompression aussi. Chaque équipe a également organisé des moments d’échange réguliers pour assurer une continuité dans la gestion des dossiers et le service à nos clients, et garder le contact durant ce moment particulier.

Comment envisagez-vous le recours au télétravail à l’avenir?

«Comme nous le faisons pour chacune de nos missions, nous analyserons l’expérience vécue durant la crise pour proposer une approche pragmatique et innovante. Nous réfléchissons beaucoup aux leçons à tirer de cette crise et nous souhaitons nous appuyer sur ce qui a bien fonctionné. La crise a joué le rôle d’un véritable catalyseur en matière de télétravail. Celui-ci est devenu une réalité pour nombre d’entre nous, au Luxembourg et ailleurs. Bien géré, ses bénéfices peuvent être nombreux (gain de temps, confort, meilleur équilibre entre la sphère privée et la sphère professionnelle), mais notre métier reste un métier de contacts et de collaboration. Les interactions avec nos clients, entre nos équipes et avec nos communautés restent fondamentales. J’ajoute que l’un des éléments-clés pour devenir un bon avocat et un bon professionnel est la formation pratique. La présence, le contact et les échanges réguliers font partie de cet apprentissage.

Donc même si la quasi-intégralité de nos formations internes peut être suivie en distanciel, l’enjeu sera d’arriver à maintenir un vrai accompagnement de nos équipes et de permettre à nos managers et leaders de se former véritablement à l’animation d’équipe à distance. L’avenir est probablement à des systèmes hybrides, dans lesquels chacun bénéficie à la fois des avantages du télétravail, mais également des opportunités de collaboration et de socialisation que permet le travail en présentiel.

Cette crise nous pousse à nous poser les bonnes questions sur les retours sur investissements attendus.
Catherine Pogorzelski

Catherine Pogorzelskicountry managing partnerDLA Piper

Qu’en est-il de l’impact de la crise sur vos activités?

«Il est impossible de prédire l’avenir avec certitude, mais dans la mesure où les activités du cabinet sont diversifiées, nous pensons que l’impact de la crise pourra être contenu. Malgré une baisse d’activité dans certains secteurs comme le M&A, nous avons été et sommes toujours fortement occupés.

Vos clients vous ont-ils fait remonter des questions spécifiques liées à la crise?

«La plupart des demandes spécifiques ont concerné le droit du travail, mais de nouvelles questions concernant la commercialisation de produits comme des masques, du gel, sont apparues… Avec nos collègues à l’international, nous avons proposé des ressources documentaires en ligne mises à jour quotidiennement et offert des formations en ligne, en plus des réponses que nous pouvions apporter en direct à nos clients. Cet accompagnement a été très apprécié.

Quel est votre regard quant à la gestion de la crise au Luxembourg, d’un point de vue du droit?

«Nous avons régulièrement des échanges avec nos collègues à l’international et nous pouvons être fiers du Luxembourg qui a géré la crise avec prudence et pragmatisme.

Les conséquences économiques de la crise apparaissent déjà comme très importantes. Comment anticipez-vous l’évolution, à plus long terme, des échanges financiers dans un monde post-Covid-19?

«Nous pouvions déjà voir monter en puissance la tendance en faveur de la finance durable et de la prise en compte de critères ESG. J’espère que la crise actuelle va nous faire prendre conscience de l’importance à donner à ces critères. La mesure de la performance d’un investissement a vocation à ne plus se limiter à des considérations uniquement financières; il faudra inclure d’autres critères, à condition bien sûr de disposer de règles d’évaluation et de reporting adéquates.

Plus généralement, cette crise nous pousse à nous poser les bonnes questions sur les retours sur investissements attendus. Chacun a son rôle à jouer selon son positionnement dans le processus d’investissement. Des acteurs comme les family offices intègrent déjà fortement ces notions extrafinancières et veulent avoir un impact positif sur la société et l’économie. On peut s’attendre à une généralisation de la prise en compte de tels critères ESG, et plus globalement de la finance durable et des stratégies à impact.

Qu’est-ce que la crise a changé dans votre mode de management?

«Je suis habituellement exigeante, comme beaucoup d’autres femmes qui exercent des fonctions dirigeantes de notre cabinet à l’international. L’expérience du confinement m’a certainement rendue non pas moins exigeante, mais plus tolérante envers moi-même et les autres. J’ai pris conscience que ma perception n’était pas forcément celle de l’autre. Nous avons tous vécu la crise à notre façon. La crise pousse les entreprises à se réinventer. Elle entraîne aussi une forme de réinvention du leadership.»