Yves Nosbusch, chief economist chez BGL BNP Paribas. (Photo: paperJam / Archives)

Yves Nosbusch, chief economist chez BGL BNP Paribas. (Photo: paperJam / Archives)

De façon plus générale, selon une étude récente du Fonds monétaire international (Rapport sur la stabilité financière dans le monde, avril 2016), la part de volatilité des marchés d’actions (et des changes) des pays avancés due aux effets de contagion des pays émergents est élevée (plus de 30%) et n’a cessé de croître depuis le milieu des années 1990. Pourquoi la transmission des chocs des pays émergents vers les pays avancés s’est-elle sensiblement renforcée au cours des deux dernières décennies? Il existe a priori plusieurs raisons possibles.

D’abord, on peut penser à une intensification de la contagion «par le portefeuille». L’idée est que l’augmentation significative des investissements dans les pays émergents a créé plus d’interconnexions des marchés via les gestionnaires de portefeuilles. Des gains/pertes dans un marché peuvent ainsi mener à des ventes/achats dans d’autres marchés. Cependant, ce canal «par le portefeuille» n’est vraisemblablement pas la principale raison à l’origine du renforcement des effets de contagion. En effet, les afflux de capitaux vers les obligations ont été bien plus importants que ceux vers les marchés d’actions, ce qui laisserait supposer une intensification plus marquée des effets de contagion sur les marchés obligataires que sur les marchés d’actions. Or, le contraire semble être le cas.

Une deuxième explication potentielle est liée à l’alternance de phases «risk on» (appétit pour le risque) et de phases «risk off» (aversion au risque) sur les marchés. En principe, ces changements peuvent entraîner un mouvement corrélé des cours entre les catégories d’actifs risqués, en particulier sur les marchés d’actions des pays avancés et émergents. Encore une fois, il est peu probable que ceci soit l’explication principale de l’intensification des effets de contagion puisque les auteurs du rapport du FMI ont inclus dans le modèle économétrique qu’ils utilisent pour identifier les effets de contagion des variables de contrôle globales comme la volatilité implicite du marché d’actions américain (indice VIX) qui peut avoir valeur de substitut de l’appétit mondial pour le risque.

Ceci laisse un canal plausible, à savoir celui de «l’effet de signal». L’idée est que les mauvaises nouvelles en provenance des marchés émergents sont le signe annonciateur d’une baisse des exportations et, par voie de conséquence, d’un tassement des perspectives de croissance pour les pays avancés. En d’autres termes, les effets de contagion sont principalement dus aux fondamentaux macroéconomiques et non à des facteurs techniques comme les flux de portefeuille ou l’évolution des capacités de prise de risques de la part des investisseurs. L’augmentation des effets de contagion est alors principalement imputable à la part accrue des marchés émergents dans les échanges mondiaux.

Ces conclusions ont de quoi inquiéter à un moment où certains pays émergents sont particulièrement fragilisés sous l’effet d’un ensemble de facteurs: faiblesse des cours des matières premières, niveaux d’endettement élevés dans le secteur privé et, dans de nombreux cas, nette dépréciation des monnaies. Compte tenu de l’intégration accrue de l’économie mondiale au cours de ces deux dernières décennies, un choc négatif dans les pays émergents aurait sans doute un impact plus significatif sur les perspectives de croissance des pays avancés que par le passé.