Cinq mois après une première rencontre avec un panel de chefs d’entreprise du secteur automobile, de la chimie et des matériaux, la Commission européenne a poursuivi lundi ses travaux destinés à mettre en place un «Airbus des batteries», selon l’expression de Maros Sefcovic, commissaire chargé de l’union de l’énergie. Autour de la table cette fois-ci, les ministres européens de l’Économie et les représentants de la Banque européenne d’investissement.

Car si les acteurs européens assemblent eux-mêmes les éléments des batteries qu’ils utilisent, notamment pour des véhicules électriques, aucun d’entre eux ne produit lui-même à grande échelle les cellules nécessaires à leur fabrication. Ces éléments provenant à l’heure actuelle généralement d’Asie. Un état de fait que la Commission entend changer d’ici 2025 via la mise sur pied d’un écosystème complet à l’échelle européenne.

Mon sentiment est que nous aurons plusieurs consortiums (...) qui coopéreront étroitement.

Maros Sefcovic, vice-président de la Commission européenne

Qualifiée de «marché d’avenir pour l’Europe» représentant «un potentiel gigantesque» de 250 milliards d’euros par an, la thématique devrait aboutir à la mise en place de toute une série de mesures qui devraient être dévoilées le 23 février prochain. Lundi, Maros Sefcovic a tout de même évoqué quelques pistes pour répondre aux besoins. «D’ici 2025 (…), la demande européenne en cellules de batteries devrait atteindre 200GWh, et la demande mondiale 600GWh», a indiqué le commissaire européen, en précisant que «cela veut dire que nous aurons besoin d’au moins 10 méga-usines en Europe. C’est trop pour un seul acteur, mais c’est atteignable pour l’ensemble de l’Union européenne.»

Bien qu’elle fasse expressément référence à Airbus, consortium européen mis en place à la fin des années 1960 pour concurrencer l’américain Boeing, la nouvelle alliance stratégique européenne devrait prendre une forme différente. «Je ne pense pas que nous aurons une seule entreprise fabriquant des batteries en Europe», estime le vice-président de la Commission. «Mon sentiment est plutôt que nous aurons plusieurs consortiums, basés sur nos différents points forts, qui coopéreront étroitement.»

Interrogations autour des matières premières

Outre l’objectif de créer des sites de production de cellules de batteries à grande échelle, le projet européen prévoit également de travailler sur de nouveaux modèles, dotés d’une durée de vie plus longue, d’une utilisation prolongée et d’une conception plus durable. Si le ministère de l’Économie, contacté mardi par Paperjam, indique «ne pas avoir de projet spécifique sur ce dossier», d’autres acteurs luxembourgeois pourraient être intéressés. Ce pourrait être le cas d’Accumalux, groupe spécialisé dans la production des boîtes de protection en plomb des batteries. Contacté mardi, Charles-Louis Ackermann, président et administrateur délégué, indique «être d'autant plus concerné par les initiatives de la Commission que je suis membre du conseil d'administration de l'Eurobat», l'association européenne des constructeurs de batteries.

Si l’idée de mettre sur pied un écosystème européen est globalement saluée, certaines voix se font entendre pour souligner les risques de l’entreprise, dans un contexte de raréfaction des matières premières. «Je reste dubitatif quant à la création de méga-structures, car cela pose bon nombre de problèmes, dont la question de l’approvisionnement ou celle des technologies choisies», note Bernard Mottet, directeur d’Ecotrel, association chargée de la valorisation et du recyclage des équipements électriques et électroniques.

Selon ce dernier, la réalisation des objectifs de recherche et développement voulus par Bruxelles devrait passer par «l’utilisation de technologies différenciées en fonction des batteries et donc mettre au point des batteries différentes en fonction de leur utilisation, un vélo électrique devant avoir une chimie différente de celle d’une voiture». Interrogé sur la mise en place de projets de recherche spécifiques sur ce thème, Bernard Mottet indique que «des contacts sont pris avec le List sur différents projets, mais pas avec l’Uni».