Jacques Chahine: «L’Europe est à peine en milieu de cycle pour la profitabilité, les sociétés n’ont jamais retrouvé les profits d’avant la crise financière de 2008.» (Photo: archives paperJam)

Jacques Chahine: «L’Europe est à peine en milieu de cycle pour la profitabilité, les sociétés n’ont jamais retrouvé les profits d’avant la crise financière de 2008.» (Photo: archives paperJam)

Le 3e trimestre offre un bilan décevant avec une baisse de 2,7% par rapport à l’an dernier. Celle-ci s’explique essentiellement par l’impact du secteur de l’énergie, important aux États-Unis, dont les profits sont en chute libre de 65% au 3e trimestre. Hormis cet effet, les profits sont en hausse modeste de 5,4% venant après 8% au 2e trimestre. En dehors de l’énergie, les sociétés exportatrices américaines ont été impactées par la hausse du $ qui touche le secteur industriel comme General Electric ou les biens de consommation comme Procter, Kraft ou Philip Morris. Malgré les résultats encore exubérants d’Apple, toutes les sociétés informatiques ne sont pas en forme, telles que IBM. Les valeurs domestiques comme les télécoms ou la santé ont mieux résisté. Les sociétés ont particulièrement souffert de la faiblesse du chiffre d’affaires sous l’effet de la force du $ et la mollesse de l’économie mondiale. 2015 sera pour la première fois depuis sept ans négative de 1% et 2016 ne sera pas brillante, le consensus est tombé à +6,9% et nos modèles le situent à 4,9%.

Bonne tenue du secteur de la santé et des biens cycliques

Les marges en Europe sont encore en milieu de cycle

Après des années de profits en forte hausse, ces derniers marquent donc une pause qui s’explique par l’atteinte de taux de marge historiquement les plus élevés à 10% en opérationnel (hors exceptionnels) et 9,3% en normes comptables Gaap.

L’Europe, au contraire, est à peine en milieu de cycle pour la profitabilité, les sociétés n’ont jamais retrouvé les profits d’avant la crise financière de 2008. Les marges opérationnelles sont à 7,9% et les marges comptables à 5,3%, ce qui signifie qu’il y a encore des «cadavres dans le placard» et ce n’est pas fini. L’ardoise laissée cette année par Deutsche Bank et surtout l’énorme trou que laissera Volkswagen risquent d’être traités comme exceptionnels et laisseront une croissance des profits de l’eurozone à deux chiffres. Il est néanmoins vrai que plusieurs sociétés profitent de la dévaluation de l’euro pour améliorer leur marge, comme le luxe ou le transport aérien. Les banques italiennes et espagnoles retrouvent une santé après une année 2014 en forte perte en raison des provisions.

Les injections monétaires raniment à nouveau les marchés

Encore une fois, les banquiers centraux sont intervenus pour dynamiser les marchés et les profits sont passés au second rang. Mario Draghi se tient prêt à injecter encore des liquidités et la Chine a encore assoupli sa politique monétaire. La Fed a plutôt rassuré en déclarant qu’elle allait probablement hausser ses taux en décembre. Il n’en a pas fallu plus pour que les marchés retrouvent le chemin perdu et soient proches de leur plus haut. Notre Digital Funds Stars est en hausse de 21% depuis le début de l’année.

Les statistiques américaines restent bien orientées avec une hausse du PIB de 1,5% au 3e trimestre, mais de 3% si on enlève l’effet volatile des variations de stock. Les ventes de voitures automobiles sont au plus haut alors que le secteur de la construction est positif, mais très loin de ses plus hauts. La croissance européenne restera molle en 2015 autour de 1,5%, mais l’Espagne qui s’est réformée dépassera les 3%.

Vers une croissance durable atone?

Néanmoins, l’économie mondiale restera «molle» pendant plusieurs années. Selon une récente étude que nous avons réalisée, nous rendons responsable cet état de fait à la concentration de plus en plus forte du capital entre peu de mains. Les nouveaux capitalistes viennent pour la plupart de la Silicon Valley et très peu créent des valeurs ajoutées colossales comme Bill Gates, Zuckerberg, Segei Brim… La technologie a eu pour effet de mécaniser les tâches bien rémunérées des cols blancs, ce qui a laminé la classe moyenne. Et la concentration de richesse qui s’en est ensuivie n’a pas irrigué l’économie. L’argent injecté par les banques centrales a surtout profité à ceux qui avaient des capitaux qui ont augmenté leur patrimoine plutôt que le gâteau de l’économie. Il faudra donc apprendre à vivre avec une croissance mondiale qui risque de tourner entre 2 et 3% dans les années qui viennent, sauf révolution…

Le capital de plus en plus concentré chez les happy few