Le LNS à Dudelange détient le monopole sur certaines analyses, ce qui ne satisfait pas toujours les prescripteurs. (Photo: archives paperJam)

Le LNS à Dudelange détient le monopole sur certaines analyses, ce qui ne satisfait pas toujours les prescripteurs. (Photo: archives paperJam)

L’affaire est plutôt cocasse: le docteur Marc Fischer, chef du service de cytologie du Laboratoire national de santé (LNS) à Dudelange, a engagé en 2008 un véritable combat pour ouvrir son propre laboratoire privé d’anatomie pathologique (une spécialité dans l’analyse médicale permettant notamment d’identifier les maladies comme le cancer), alors que le LNS en a le monopole au Luxembourg. Cet affront à son propre employeur lui a valu les pires tracas: le fonctionnaire a été confronté à neuf procédures disciplinaires pour le faire sauter de son poste.

Marc Fischer a essuyé des refus successifs du ministre de la Santé pour obtenir l’autorisation d’ouvrir son laboratoire. Un premier en 2009 (il avait contesté cette décision devant le Tribunal administratif, mais il s’était désisté en avril 2010) et un second en 2012. Il a mis en cause la légalité de ce second refus devant le Tribunal administratif, avec cette fois la volonté d’aller jusqu’au bout de la procédure, et il vient d’obtenir gain de cause. Mais la guerre n’est pas gagnée pour autant. D’abord parce qu’un appel du jugement est possible de la part des autorités. Ensuite, parce que même dans l’hypothèse de l’ouverture du labo, il n’existe pas au Luxembourg de nomenclature en anatomo-pathologie, et donc comme aucun tarif n’est défini pour les actes, il n’y a pas de remboursement possible de la part de la Caisse nationale de santé (CNS).

Pas de remboursement

Qui finance alors les examens qui passent par le LNS? Le fonctionnement de ces prestations est assuré par le budget de l’État, via le ministère de la Santé.

En 2012, lorsqu’une nouvelle demande d’autorisation a été introduite, Mars di Bartolomeo, LSAP, le ministre de la Santé de l’époque, n'a pas jugé utile de saisir les organes de consultation (Collège médical et Commission consultative des laboratoires) pour instruire le dossier de laboratoire d’anatomie pathologique. Le ministre a d'ailleurs considéré qu’aucun élément nouveau n’a été apporté par le Docteur Fischer par rapport à sa précédente demande d’autorisation qui avait été recalée sous prétexte que l’ouverture d’un tel laboratoire ne se justifiait pas vu la faible masse critique au Luxembourg.

Or, c’est une faute de la part du ministre qui aurait dû consulter les deux organes consultatifs avant de trancher. Ce refus a valu une annulation de son refus dans un jugement du Tribunal administratif le 6 mars dernier. La nouvelle ministre de la santé, Lydia Mutsch, devra réexaminer le dossier et saisir le collège médical et la Commission consultative des laboratoires.

Il y a beaucoup d’enjeux, notamment financiers, derrière cette affaire, d’autant que le Dr Marc Fischer n’est pas un cas isolé. Un autre cas d’un médecin spécialiste est aujourd'hui devant la juridiction administrative pour contester le refus d’autorisation d’un laboratoire privé.

Patients gardés plusieurs heures sous anesthésie

Comme le relève le jugement du 6 mars, le LNS a le monopole des analyses en anatomo-pathologie. Toutefois – et le ministère de la santé l’avait lui-même reconnu –, les services assurés par le LNS connaîtraient des «défaillances structurelles au niveau des analyses». Ce qui avait d’ailleurs poussé le Dr Fischer à ouvrir ses propres structures.

Face au mauvais fonctionnement du LNS, aux délais jugés trop longs et à la qualité discutable des résultats, les deux grands laboratoires privés du Luxembourg avaient sous-traité une partie des analyses en anatomie pathologique à l’étranger, sans pour autant disposer des autorisations pour ce faire. Le ministre de la santé avait dû les «mettre en demeure» de cesser leurs activités non-autorisées, bien que l’intervention des autorités mit plus d’un an à porter ses fruits.

Les recours à la sous-traitance (les patients devaient prendre eux-mêmes à leur charge les analyses) avaient toutefois apporté la preuve que quelque chose ne tournait pas rond au LNS censé couvrir «tous les besoins du pays».

Dans un document de décembre 2009 (que paperJam.lu a pu consulter) où fut discuté la demande d’autorisation du Dr Fischer d’exploiter un laboratoire d’analyses médicales, de nombreux problèmes étaient pointés du doigt par la Commission consultative des laboratoires. Ses membres se montraient très divisés entre eux: neuf d’entre eux avaient voté contre le projet de labo privés et six y étaient favorables. L’un de ses partisans assurait qu’il était «nécessaire d’établir une nomenclature et d’ouvrir le secteur aux autres laboratoires et de promouvoir l’accréditation». Un autre membre racontait que pour certains résultats, il existait des attentes obligeant les patients à rester «dans certains cas plusieurs heures sous anesthésie en attentant le résultat du LNS».

C’était en 2009. Cinq ans plus tard, certains prescripteurs d’analyses sont plus que jamais convaincus de la nécessité d’autoriser la venue de concurrents privés au LNS.