Patrick Wies: «Ce projet s’est bien déroulé. Nous n’avons eu qu’un mois de retard sur le déménagement.» (Photo: Mike Zenari)

Patrick Wies: «Ce projet s’est bien déroulé. Nous n’avons eu qu’un mois de retard sur le déménagement.» (Photo: Mike Zenari)

Monsieur Wies, KPMG a pris possession de son nouveau siège social au Kirchberg fin janvier. Peut-on revenir sur la genèse du projet?

«En 2010, nous avons commencé à réfléchir à l’idée d’‘un toit pour tous’, une structure qui pourrait accueillir l’ensemble de nos collaborateurs alors répartis sur cinq bureaux différents au Grand-Duché. Au fil des années, nous nous sommes tous retrouvés dans des silos, et l’heure était venue au rassemblement. Nous avions la volonté de mettre en avant toutes nos disciplines internes et nos diverses activités pour mieux travailler ensemble. À travers nos différents métiers – audit, fiscalité, conseil –, nous souhaitions offrir une panoplie de services à nos clients, et être plus à même de répondre à des projets d’envergure ou de pouvoir créer tous les projets que nous imaginions. Mais pour cela, il nous fallait une proximité. Les gens doivent pouvoir échanger...

En 2010-2011, Marc Giorgetti et François Valentiny nous ont proposé un projet. Alors que nous envisagions une nouvelle location, nous avions, à travers ce projet, la possibilité d’investir dans un bâtiment qui serait le nôtre. Ce bâtiment à l’architecture atypique nous a d’emblée intéressés. Il y avait un mélange fort de l’empreinte sidérurgique du Luxembourg et des nouvelles technologies. Ce clin d’œil vers l’histoire et cette approche innovante du bâtiment, tourné vers l’environnement et la modernité, correspondaient à nos attentes.

Travailler avec des pointures du pays découlait-il d’une volonté affirmée?

«Nous voulions vraiment un bâtiment qui rappelle l’histoire du Luxembourg. Ce qui nous a plu, c’est son idée, son concept, moins sa réputation. Nous sommes très satisfaits de cette collaboration. Le bureau Valentiny a conçu le bâtiment et son design. Il s’est occupé de la ‘zone publique’: l’esthétique et l’architecture. Mais pour définir le projet en interne, nous avons créé un groupe de sociétés et de collaborateurs. Toute la zone privée a été conçue de manière très fonctionnelle, avec l’intervention d’experts chacun dans leurs domaines.

«Ce qui nous a plu, c’est l’idée et le concept du bâtiment, moins sa réputation»

Quels ont été les principales directives, les axes majeurs de conclusion du projet?

«Nous avons participé à un appel d’offres public lancé par le Fonds Kirchberg dont le but était d’acquérir le terrain. Les critères de sélection étaient à la fois financiers et architecturaux, chaque candidat devant proposer un projet valorisé et valorisant. Et nous avons été retenus. Les travaux sur le terrain ont commencé en janvier 2012. Trois mois plus tard, nous avons posé la première pierre. In fine, les premiers déménagements ont eu lieu en octobre 2014. Et depuis le milieu du mois de décembre, tout le monde est à bord: 1.255 personnes sous un même toit.

Finalement, qui est propriétaire du bâtiment?

«Les associés de KPMG à titre privé et des investisseurs privés, regroupés en société. C’est cette société qui loue le bâtiment à KPMG. Il faut se rappeler que lorsque nous avons acheté le terrain en 2010, nous étions encore dans une période économique de crise. Cela prouve que nous avons toujours cru et nous croyons toujours très fortement à l’avenir de ce pays. Ce n’est qu’après l’acquisition du terrain que nous avons décidé de créer ce bâtiment d’une capacité d’accueil allant jusqu’à 1.400 personnes... Ce qui montre que nous croyons également à l’avenir de KPMG.

Quel a été le budget pour la réalisation de ce projet?

«C’est une information sur laquelle nous ne souhaitons pas communiquer.

Comment se présente le bâtiment?

«La facture de la façade du bâtiment est composée d’acier en référence au passé industriel du pays. À l’intérieur, nous disposons de 17.000 m2 et avons créé plusieurs espaces, répartis sur plusieurs niveaux. Nous travaillons en open space. À chaque étage, on retrouve des espaces collaboratifs, tels que le coffee-corner où les gens se retrouvent autour d’un café, autour de zones qui se veulent cosy, agréables et qui sont propices à un environnement collaboratif. Les salles de réunion sont équipées de sofas pour offrir une configuration informelle et détendue. L’idée était d’utiliser au mieux les surfaces. Pour la première fois, nous avons notre propre cantine et elle est d’ailleurs d’excellente qualité. Et très prochainement, chaque collaborateur pourra profiter de notre salle de fitness avec vestiaires et douches.

Nous avons pensé l’aménagement intérieur selon un objectif: que chacun puisse se sentir à l’aise au bureau. La moyenne d’âge de nos employés est de 31,7 ans. Nous n’avons pas hésité à créer une nouvelle dynamique, même si cela impliquait de changer les habitudes de travail.

Quelles ont été les difficultés majeures de réalisation du projet?

«Ce projet s’est bien déroulé. Nous n’avons eu qu’un mois de retard sur le déménagement. Le principal challenge était d’ordre architectural: la façade est portante, donc les croix supportent tout le poids de la structure. Il n’y a eu aucun accident, fort heureusement.

Comment se gère le travail en open space?

«Nous avons lancé tout un nombre d’initiatives et de groupes de travail qui tournent autour de la notion de mobilité interne et externe. Le travail en open space repose sur l’idée de plateau ouvert, d’environnement de travail collaboratif. Ainsi, personne n’a de bureau dédié. Le directeur et l’ensemble des associés profitent, quant à eux, de bureaux fermés, mais qui ne sont pas réservés à une seule personne. On en compte 15 par étage. Cette configuration est adaptée à notre mode travail, car rares sont les moments où toutes les personnes sont en même temps au bureau: nous avons évidemment beaucoup de personnes à l’extérieur pour rendre visite aux clients. Cependant, ce système de pooling suppose toute une réglementation. En fin de journée, tous les papiers, documents sont rangés et sécurisés. Sur base de ce principe de clean desk policy, le soir vous ne trouverez plus rien sur les bureaux. Les notions de discipline et de respect de la confidentialité sont primordiales pour nous.

Comment avez-vous intégré les nouvelles technologies?

«Notre environnement de travail est tourné vers les nouvelles technologies évolutives et l’information rapide via différents canaux, l’objectif étant de les vivre et de les intégrer dans nos travaux quotidiens. Pour ce faire, l’ensemble de nos collaborateurs a d’emblée reçu un iPhone pour permettre une approche homogène de l’utilisation de cet outil et lancer des projets d’applications. Cela facilite la communication en interne. Par exemple, nous avons intégré un programme de réalité augmentée. Ainsi, lors de l’inauguration, le Premier ministre Xavier Bettel était présent en hologramme en 3D. Sur chaque tablette numérique et téléphone, nous avons intégré un outil avec lequel on peut faire un scanning et l’image sort en 3D… On aura davantage recours à ce type de communication à l’avenir et nous allons continuer à investir de façon considérable dans la connectivité de nos employés. Nous nous sommes aussi dotés de différents outils, comme un grand écran LED à la réception ainsi qu’un lustre sur lequel il est possible de réaliser des projections afin de susciter l’interaction.

Par ailleurs, nous avons repensé tout le flux et le processus des documents en interne, selon les différents besoins de nos métiers. Une longue réflexion a été portée sur le cycle de ces documents pour à la fois répondre à la tendance paperless et mettre en place l’archivage électronique. Le projet de loi en cours nous permettra, à l’avenir, de codifier nos documents afin qu’ils restent uniques et identifiables par des tiers.

«Personne n’a de bureau dédié»

Comment avez-vous intégré les aspects d’ordre environnemental dans le projet?

«Le bâtiment est en cours de certification BREEAM, qui prend en compte son comportement environnemental depuis sa conception, pendant sa construction ainsi que son fonctionnement. Cela concerne par exemple l’organisation du bâtiment par rapport aux besoins de mobilité du personnel, ou encore son utilisation par les occupants.

Pousser aussi loin les normes de construction confirme notre claire ambition de nous inscrire dans un cadre de conscience écologique et de responsabilité qui s’accorde parfaitement avec notre vision du futur. Celle-ci est guidée par le concept de développement durable et plus particulièrement de l’économie circulaire qui lui est directement lié. En effet, le bâtiment a été conçu dans le but que les matériaux puissent être récupérés, traités, recyclés et réintégrés au maximum dans le cycle de production sous forme de matières premières secondaires et/ou d’énergie.

Comment êtes-vous parvenus à intégrer l’ensemble de vos collaborateurs dans ce projet?

«Nous avons dû penser l’aménagement intérieur en fonction de la structure du bâtiment. Cette gymnastique était l’occasion de consulter nos employés et d’écouter leurs propositions. La mobilité interne existe de fait. Mais en créant une dynamique autour du projet et en intégrant nos équipes, nous pouvions obtenir l’acceptation de tous. Pour cela, différents groupes de travail ont été créés sur des problématiques spécifiques telles que ‘comment travailler au bureau’ et ‘comment arriver au bureau’. Ce déménagement était un gros challenge. Nous n’avons que 134 places de parking, pour quelque 1.255 collaborateurs.

Il y a eu beaucoup de discussions sur ce concept et la stratégie à adopter. On a décliné un certain nombre d’axes, l’idée étant de réduire le trafic sur la zone. Finalement, tout le monde a reçu un titre de transport gratuit qui peut être utilisé sur tout le territoire luxembourgeois. On a pu réserver des parkings au Kirchberg. Plus c’est loin, moins la place de parking est chère.

De la même façon, nous avons réfléchi au dispositif du télétravail. Cette forme de travail n’a pu être proposée qu’à certains de nos salariés résidents pour des questions de réglementation. Néanmoins, celui-ci est possible sans distinction de niveaux. Cela offre une flexibilité dans la configuration de nos espaces de travail.

Parlons de la mobilité externe. On devine que le choix du Kirchberg ne s’est pas fait par hasard…

«Effectivement, c’était très important pour nous d’être là. C’est le centre des investissements européens. Il n’y a que des projets d’infrastructure d’envergure qui sont réalisés ici. D’ici trois ans, le tram s’arrêtera devant chez nous, ce qui changera la donne de façon considérable pour le bâtiment. De même, une nouvelle gare desservira directement le Kirchberg, accessible via un ascenseur situé en dessous du Pont rouge. Une fois que tout l’accès Kirchberg sera résolu, l’endroit sera, d’un point de vue stratégique, l’un des meilleurs que l’on puisse trouver au Luxembourg.

De notre côté, nous sommes également sur le point de lancer les e-cars, des voitures électriques qui seront utilisées uniquement par notre staff. Cette solution a pour but d’inciter les gens à venir au travail en bus.»

Parcours
Une carrière linéaire
Dans toute sa carrière, Patrick Wies n’a connu qu’un seul employeur: KPMG Luxembourg.

Après l’obtention de sa maîtrise en économie et gestion des entreprises, option RH, à l’Université Louis Pasteur de Strasbourg en 1993, il entre chez KPMG pour ne plus quitter la société. Il y accède aux fonctions d’associé en charge du secteur public et des marchés nationaux. Avec 21 ans d’expérience dans l’audit et quatre autres en advisory, il travaille avec un large panel de sociétés commerciales et industrielles issues de différents secteurs d’activité. Au fil de sa carrière, il s’est également impliqué dans un grand nombre de mandats de consolidation de groupes (LuxGaap et IFRS). En tant que spécialiste du secteur public, ses principales responsabilités reposent sur l’audit financier, le design et l’intégration du budget et de la comptabilité des systèmes de reporting, l’analyse et l’optimisation des structures opérationnelles et organisationnelles. Parmi ses clients du secteur public se trouvent le groupe du Parti populaire européen (chrétiens-démocrates) et celui des Démocrates européens au Parlement européen, l’Inspection générale des finances ou encore quelques ministères ou administrations. À 47 ans, Patrick Wies fait partie des acteurs pour qui «le Luxembourg n’est qu’au début de son évolution».