Le gouvernement devrait annoncer cette semaine un accord avec les cultes pour un nouveau mode de financement. (Photo: Julien Becker / archives )

Le gouvernement devrait annoncer cette semaine un accord avec les cultes pour un nouveau mode de financement. (Photo: Julien Becker / archives )

La question sur le financement par l’État des salaires et pensions du ministère du Culte, l’une des quatre prévues au référendum de juin prochain dont les réponses devaient influencer la réforme de la Constitution luxembourgeoise, devrait disparaître logiquement de la consultation populaire.

Vendredi lors du briefing suivant le conseil de gouvernement, et après les premières fuites sur ses intentions, le Premier ministre a confirmé que les partenaires de la coalition étaient à l’unisson pour conclure prochainement un accord avec les communautés religieuses sur leur financement futur.

Des clarifications étaient encore nécessaires avant qu’un accord soit signé – en début de semaine et probablement ce lundi, selon le Wort , a fait savoir Xavier Bettel, qui n’a pas voulu fournir, du fait des clarifications encore à apporter, de détails aux journalistes sur la teneur de la future convention, ni dire quels en seraient les protagonistes.

Le Premier ministre n’a pas davantage souhaité dire si les quatre questions du référendum seraient maintenues ou si elles se réduiront à trois une fois que l’accord sera signé. «Je ne suis pas fétichiste des chiffres», a t-il indiqué en paraphrasant ainsi une expression qui était chère à son prédécesseur Jean-Claude Juncker.

Réactions émotionnelles

L’annonce de vendredi a suscité ce week-end une vague de réactions très émotionnelles sur les réseaux sociaux, surtout parmi les internautes qui croyaient encore possible une vraie séparation de l’Église et de l’État et chez lesquels l'arrivée au pouvoir de la coalition bleue, rouge et verte avait suscité un espoir de modernisation du pays.

Or, une relecture de l'accord de coalition de décembre 2013 remet le curseur à sa place, puisque le texte, en affirmant le principe de la neutralité de l'État vis-à-vis des cultes, annonçait avant tout les intentions du gouvernement de dénoncer les conventions existantes pour lancer une discussion sur le financement des cultes, redéfinir leurs relations avec les communes (fabriques d'église) et régler aussi la question de l'enseignement religieux dans les écoles, ce dernier point étant sans doute le plus sensible et le plus controversé.  

Dans un communiqué adressé samedi aux rédactions, sept organisations et associations (Allianz vun Humanisten, Atheisten an Agnostiker Lëtzebuerg (Aha); Association luxembourgeoise des professeurs d’éthique (Alpe); Fédération générale des instituteurs luxembourgeois (FGIL); Liberté de conscience (Libco); Libre pensée luxembourgeoise (LPL); Ligue luxembourgeoise de l’enseignement (LLE) et Syndikat Erzéiung a Wëssenschaft am OGBL (SEW/OGBL)) jugent d’abord «inacceptable» que les nouvelles relations entre l'État et les «visions du monde» soient négociées sans les organisations non religieuses.

Outre l'absence de transparence qu'elles dénoncent, l’autre crainte de ces organisations, qui se disent «perplexes et choquées», porte sur le risque que les nouveaux contrats avec les cultes continuent d'interférer dans l’enseignement public, censé rester neutre.

Les signataires du communiqué rappellent au gouvernement leur attachement à la suppression des articles 22 (sur les conventions avec les cultes) et 106 (sur les salaires des prêtres) de la Constitution. Les Luxembourgeois sont d'ailleurs, et jusqu'à nouvel ordre, invités à se prononcer en juin prochain sur leur souhait ou non de conserver le financement via leurs impôts des salaires des religieux, toutes tendances confondues.

«Nous maintenons de la manière la plus ferme, écrivent-ils, notre demande que l'instruction religieuse soit bannie des écoles publiques et remplacée par un cours approprié non confessionnel et gratuit en philosophie.» Ils considèrent que les pratiques religieuses des communautés doivent rester aux portes de l’école.

Les organisations signataires du communiqué reconnaissent que la séparation de l’Église et de l’État, et par conséquent l’annulation des conventions existantes avec les cultes, plaçait le gouvernement de Xavier Bettel face à un véritable casse-tête juridique et légal.

Selon RTL Télé Lëtzebuerg, qui relaie des fuites, le financement des cultes devrait sortir de la Constitution luxembourgeoise à l'issue de l'accord.

Les députés de déi Lénk, Serge Urbany et Justin Turpel, jugent pour leur part «inconcevable que le moindre accord avec un culte soit signé avant sa publication, sa discussion avec les organisations laïques et avant un large débat à la Chambre des députés».

Et l’islam?

La route est aussi pavée d’un autre écueil, celui du traitement de la religion musulmane (exclue jusqu'alors des conventions alors que le nombre de fidèles en fait la deuxième religion du Luxembourg) que les gouvernements précédents ont laissé en friche, de peur sans doute de froisser la sensibilité de leur électorat traditionnel.

Lors du briefing, Xavier Bettel a refusé de répondre, la jugeant prématurée, à une question d’un journaliste qui l’interrogeait sur l’intégration (pourtant logique) de l’islam, jusqu'ici ignoré, dans les futures conventions régissant les relations entre l’État et les différents cultes. 

Le contexte est particulièrement sensible. La communauté musulmane, représentée par la shoura, longtemps passive, avait menacé les autorités luxembourgeoises (leurs revendications pendant la campagne électorale de l’automne 2013 ne laissaient aucun doute sur leurs intentions) de les traîner devant les tribunaux pour discrimination  et d’aller jusque devant la Cour européenne des droits de l’Homme de Strasbourg.

Lors des négociations précédentes avec la Shoura en vue du conventionnement de l’islam, l’ancien gouvernement Juncker avait conditionné un accord, entre autres pour le financement des imams, à l’unité de la communauté musulmane au Grand-Duché, ce qui n’était pas évident en raison des différentes nationalités et des différents courants de cette religion.

Or, en octobre 2014, et dans la plus grande discrétion, l’association Shoura-Assemblée de la communauté musulmane du Grand-Duché de Luxembourg asbl était officiellement immatriculée au Registre de commerce et des sociétés. Six associations musulmanes furent à l’origine de sa fondation avec, dans leur intention, le dépôt d’une plainte en justice, comme certains membres de la «communauté» l’annonçaient de longue date, sans avoir jamais mis leur projet à exécution. Cette fois, leur détermination ne faisait aucun doute.

Selon nos informations, toutes les associations islamiques auraient vocation à être membres de l’asbl Shoura, y compris celles qui sont présentées comme «extrémistes».