Actuellement, au Luxembourg, la législation fiscale «récompense» les mariés avec l’imposition conjointe des couples. (Photo: Fondation Idea)

Actuellement, au Luxembourg, la législation fiscale «récompense» les mariés avec l’imposition conjointe des couples. (Photo: Fondation Idea)

Si le mariage est un acte légal encadré par la loi (articles du code civil), il s’agit également (et surtout) d’une chance; celle d’avoir trouvé sur cette planète, peuplée de plus de 7 milliards d’habitants, l’âme sœur (ou son frère), une moitié avec qui partager les joies (les peines) et multiplier les possibilités. Au Luxembourg, la législation fiscale «récompense» cette chance avec l’imposition conjointe des couples (mariés ou en partenariat) et leur imposition à un barème avantageux (classe 2).

Actuellement, seuls trois pays de l’OCDE pratiqueraient l’imposition conjointe obligatoire des revenus des époux (la France, le Portugal et le Luxembourg). Au Luxembourg (encore davantage qu’en France), plus les deux revenus sont inégaux, plus l’avantage fiscal retiré à être marié a tendance à augmenter. Ce système, moins favorable aux célibataires (imposés en classe 1) et aux familles monoparentales (imposées en classe 1 a), ressemble à certains égards à une «subvention» aux ménages mono-actifs ou partiellement bi-actifs, et décourage, dans certains cas, la participation au marché du travail d’un «second» apporteur de revenus.

Selon les calculs de l’OCDE, le taux de l’impôt sur le revenu d’un célibataire (sans enfant) gagnant le salaire moyen est au Luxembourg de 10 points supérieur à celui d’un couple marié (sans enfant) où l’un des conjoints gagne le salaire moyen et l’autre 33% du salaire moyen. Il s’agit de l’écart le plus élevé parmi les pays de l’OCDE (où l’écart moyen d’imposition entre ces deux situations est de 3 points).

L’équité fiscale horizontale mise à mal

Plus concrètement, un célibataire (sans enfant) avec un salaire imposable de 40.000 euros par an paiera 6.387 euros au Luxembourg, tandis qu’un couple (marié ou en partenariat) avec 40.000 euros imposables pour l’un et 20.000 euros pour l’autre en paiera moins (à savoir 5.264 euros). L’équité fiscale horizontale, qui suppose que des individus ayant les mêmes capacités contributives devraient payer le même montant d’impôt, semble ici mise à mal (du fait de l’imposition en classe 2 du couple, et de l’abattement extra-professionnel dont il bénéficie, qui pourtant ne correspond à aucun frais réel).

Puisqu’en matière d’impôt sur le revenu, l’équité fiscale horizontale devrait être l’objectif absolu, la fiscalité devrait demeurer neutre vis-à-vis des choix individuels (partenariat, célibat, mariage). Dans l’esprit de l’article 214 du code civil «(…) les conjoints contribuent aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives», la charge fiscale de chaque conjoint devrait refléter sa capacité contributive propre (éventuellement la capacité contributive du couple mais en tenant compte des avantages (économie d’échelle) liés à la vie à deux.

En conséquence, l’individualisation de l’impôt (qui est dans une certaine mesure la norme en Europe) est une piste sérieuse à envisager. Une telle refondation de l’impôt sur les revenus pourrait avoir un impact positif sur l’emploi à temps partiel des femmes (très élevé au Luxembourg), empêcher l’inactivité volontaire d’un des époux liée à la seule raison du manque à gagner fiscal, et, in fine, majorer les recettes fiscales.

Parce qu’une telle remise à plat pourrait augmenter significativement la charge fiscale de certains ménages à faibles revenus, une alternative serait de garder le système actuel tout en plafonnant le bénéfice de l’imposition conjointe, ou de pratiquer l’imposition séparée en accordant un «abattement conjoint» (sous conditions de revenus par exemple). L’imposition, qu’on présente souvent comme une question foncièrement politique, est, et il ne faut pas l’oublier, une question également éminemment technique...

Pour aller plus loin: www.fondation-idea.lu