Jacques Chahine prévient un risque de subprime à la chinoise. ( Photo : paperJam.TV )

Jacques Chahine prévient un risque de subprime à la chinoise. ( Photo : paperJam.TV )

Les lecteurs de paperJam ont eu la primeur, le 13 décembre, d’entendre parler de notre part d’une «mini bulle» sur les marchés financiers, alors que l’indice S&P500 caracolait à 1806 points et que notre objectif pour la fin d’année était à 1637 points. On avait l’air un peu «ringards» quand l’année a terminé à 1848 points emportée par la griserie de l’argent toujours facile de la Fed et des autres banques centrales.

L’année s’est terminée sur une hausse vertigineuse de 30% de l’indice et 32% si on y ajoute les dividendes. Mais dans le même temps, les bénéfices des sociétés du même indice n’ont progressé que de 7% selon notre analyse des données du consensus FactSet. Le début de 2014 est resté serein et peu volatile accroché à ses points hauts. L’Europe, qui avait un grand retard a battu des nouveaux records. À partir du 21 janvier, quelques vagues indicateurs économiques mettent le marché en émoi et révèlent soudainement que plusieurs pays émergents ont des problèmes. Le marché prend prétexte de ces remous pour subir une sévère correction.

Le tapering ou l’inflexion du Quantitative Easing est mis en avant pour justifier les retraits massifs de capitaux des pays dont la balance courante est laxiste. Pourtant, le tapering était connu depuis… le 18 décembre, mais le marché a continué sur sa griserie. Il y avait déjà eu le premier signal en avril dernier que la Fed devait inverser sa politique et cela avait suffi pour faire envoler les taux de 1.70% à 3%, provoquant les premiers craquements dans les pays émergents.

Les pays les plus impactés sont ceux qui avaient profité d’une sorte de «carry trade» dans lequel on emprunte des dollars à 0% et on les investit en réal brésilien qui rapporte 10 à 12% dans une économie en pleine croissance. Non seulement on a gagné sur les taux, mais la demande forte du Réal l’a fait atteindre des niveaux de cours ahurissants par rapport au pays, creusant au passage substantiellement la balance courante. La correction en cours de la devise n’est que salutaire, même si le pays doit rendre une partie de l’euphorie dont il a bénéficié de l’argent facile pendant des années. La problématique du Brésil se répète pour l’Indonésie, la Turquie et à une échelle très grave pour l’Argentine qui heureusement ne pèse guère sur l’échiquier mondial.

Des symptômes inquiétants

La Chine, deuxième économie mondiale présente des symptômes autrement plus inquiétants en raison de la bulle financière créée par son shadow banking dont le gonflement devient inquiétant. L’affaire du trust Credit Equals Gold N°1 (sic) est éloquente. Sous la houlette de la Banque N°1 chinoise ICBC, le trust a levé 500m$ pour les prêter à une société minière maintenant en faillite au taux « modeste » de 13%. Les investisseurs avaient 10% et pensaient naïvement qu’ICBC était derrière. Un mystérieux mécène est apparemment venu à la rescousse pour racheter la dette et compenser les épargnants et étouffer l’affaire. Plusieurs incidents de ce type avaient eu lieu dans le passé, toujours soigneusement maquillés pour éviter le scandale.

Le problème de la Chine est que la consommation représente 36% du PIB contre 66% aux USA et l’investissement 48%! et ces données ne semblent pas évoluer favorablement. L’investissement a eu tendance à augmenter depuis la crise de 2008, compensant la baisse dans le PIB des exportations. Le poids de la consommation est resté quasi stable. On comprend dès lors comment le parti qui décrète 7.5% de croissance et réalise 7.5% exactement: à coup de milliards décidés en haut lieu d’investissements dans les infrastructures et le logement pas forcément où on en a besoin. Le nombre de villes fantômes est légion et des aéroports inutiles ou surdimensionnés abondent. Les provinces sont ainsi fort endettées ainsi que des ménages qui ont investi dans la pierre des villes fantômes à crédit.

Subprime à la Chinoise

L’éclatement de ce «subprime à la chinoise» est pour nous le risque majeur, plus que les déboires de certains pays émergents. Après une période d’ajustement nécessaire, ces pays peuvent sortir de la crise renforcés comme on l’a vu pour la Corée après la crise des émergents en 1998.
Une ville fantôme quelque part en Chine

Les pays émergents, qui avaient traversé la crise sans trop de dégâts sont le 3ème et heureusement le dernier volet de la crise du siècle, après le subprime à l’américain et la crise de la dette des états en Europe. Nul doute que le rythme de croissance effréné des pays émergents va se ralentir en pesant sur la croissance mondiale 2014 qui ne se présentait pas trop mal par ailleurs.

Deux locomotives affichent des scores en nette amélioration, à savoir les États-Unis et la Grande-Bretagne. La croissance du PIB américain était remarquable au 3ème et 4ème trimestre et les perspectives 2014 sont bonnes, à la réserve de l’impact du ralentissement des émergents. L’Eurozone affichera à peine 1% de croissance en 2014, mais c’est déjà mieux que de peser négativement comme en 2013. Le Japon renoue avec un peu de croissance, mais navigue en terra incognita avec ses Abenomics.

Ce paysage macro-économique «mou» ne peut pas mener les profits des sociétés américaines au 7ème ciel. Les résultats du 4ème trimestre étaient dans l’ensemble ternes, mais c’est surtout les révisions assez fortes à la baisse sur le premier trimestre qui nous ont frappés. En l’espace de deux mois, la croissance des profits en 2014 est passée d’une prévision à 10% vers les 8%. Quant à notre modèle de valorisation, il reste cantonné à 5.5%. Notre objectif de cours pour le S&P500 s’établit à 1800 points pour FIN 2014, pour un indice à 1755. Nous pensons que l’année boursière connaîtra plus de volatilité et un mouvement en sinusoïde pour terminer à + ou – quelques petits pourcents. Nous pensons qu’il y aura des occasions d’acheter à bon compte.

Les profits restent constamment révisés à la baisse

            

Pour le moment, les marchés de taux ont recueilli tous les capitaux apeurés par la crise et la correction des marchés. Il faut s’attendre néanmoins à des hausses de taux chaque fois que les investisseurs reprennent un peu confiance et retrouvent le goût du risque.
Nous préférons le marché européen qui offre un potentiel plus élevé avec le retournement conjoncturel, car, contrairement aux US où les marges sont au plus haut, les marges en Europe sont encore très loin de leur pic.

Une récente de Bloomberg illustre notre propos avec IBM. La société en 10 ans a réduit de 15 points son taux global d’imposition avec l’optimisation fiscale, ce qui se reflète dans son bénéfice par action, mais arrive maintenant à un point où cet effet de levier ne joue plus. Et des IBM, Apple ou Google, il y en a des centaines.