L’ensemble résidentiel n’est pas encore construit...    (Illustration: Kuhn)

L’ensemble résidentiel n’est pas encore construit...  (Illustration: Kuhn)

Qui va payer une expertise destinée à déterminer le degré de pollution d’un ancien site industriel au cœur de Roeser sur lequel la société Solarix, des promoteurs Marc Giorgetti et Roland Kuhn, projette de construire un grand complexe de résidences? Le ministre du Développement durable voulait impliquer l’ancien exploitant, mais ses plans viennent d’être compromis par le Tribunal administratif.

La juridiction a annulé, fin septembre, un arrêté ministériel du 29 juin 2012, qui enjoignait un exploitant à financer l’expertise, dans un premier temps, et, le cas échéant, la dépollution du site.

Or, cette entreprise de serrurerie et de construction métallique se dit étrangère à l’affaire. Elle avait repris en 2004 le fonds de commerce (comprenant les machines, les contrats de travail, le carnet de commandes, la clientèle et le stock) et elle ne serait restée là que quatre ans (jusqu’en 2007) pour n’y faire que des activités sans dommage à l’environnement. Le pollueur, c’était l’autre. Mais pas de chance, la société a été liquidée. C’est en tout cas ce qui fut avancé lors de la procédure devant les juges administratifs.

Et les ateliers ont déménagé par la suite à Bascharage, sur la zone industrielle.

Absence de déclaration

Les terrains avaient été cédés par l’ancien exploitant à des promoteurs immobiliers. Ceux-ci projettent toujours d’y construire un ensemble de trois bâtiments résidentiels. Le projet aurait dû être livré en 2014 mais il est gelé, en raison des incertitudes autour de l’identité de celui qui prendra les frais de décontamination à sa charge. L’affaire fait l’objet de plusieurs recours devant les juridictions administratives mettant notamment en cause l’arrêté pris en juin 2012 par le ministre du Développement durable et des Infrastructures, Claude Wiseler (CSV).

Il faut préciser qu’une fois son fonds de commerce et ses terrains vendus, l’exploitant historique s’était placé en liquidation volontaire.

Cet arrêté du 29 juin 2012 a mis en évidence une série de défaillances de la part du repreneur, de l’ancien exploitant de l’atelier de serrurerie, mais aussi de l’administration. Car si la cessation d’activité «de rétablissement» avait bien été autorisée, elle ne fut pas déclarée par le nouvel exploitant, ce que la législation sur les établissements classés stipule pourtant. Or, la loi prévoit une remise en état des anciens sites industriels, même lorsque la cessation d’activité n’a pas été déclarée, histoire d’éviter que les industriels échappent ainsi à leur responsabilité et qu’ils polluent sans devoir en payer le prix.

Potentiellement pollué

Le repreneur du fonds de commerce avait donc trois mois à partir de l’arrêté de juin 2012 pour faire établir une étude analytique du site «potentiellement pollué» selon le cadastre.

Comme l’a indiqué à paperjam.lu Eugène Berger, député DP et conseiller communal de Roeser, l’atelier ayant travaillé le fer a probablement utilisé des solutions chimiques dont l’inventaire n’a pas été établi. Le DP et les Verts se sont opposés par ailleurs à ce projet immobilier Solarix, le jugeant trop grand pour cette petite commune et considérant, comme un préalable à l’autorisation de construction, le règlement de la question de la dépollution du site, toujours en suspens.

Aujourd’hui, chacun se renvoie la balle pour savoir qui, de l’entreprise liquidée, du repreneur de l’exploitation ou du promoteur, propriétaire du terrain, doit payer l’addition, c’est-à-dire l’expertise et éventuellement la décontamination. Cette affaire en rappelle d’ailleurs bien d’autres. Elle est en tout cas, aux yeux d’Eugène Berger, la démonstration que l’administration a mal ficelé le dossier. Elle a surtout voulu aller trop vite pour des raisons encore non élucidées. Aujourd’hui, ces défaillances dans l’application de la procédure sur les établissements classés lui reviennent à la figure comme un boomerang.

Péril en la demeure?

Le ministère du Développement durable et des Infrastructures avait pris sa décision en juin 2012 de manière unilatérale, sans laisser de chance à l’exploitant de se défendre face au rouleau compresseur de l’administration. L’arrêté ministériel enjoignant la société de faire dresser une étude analytique en vue de la détection d’une éventuelle contamination avait été pris à la suite d’une inspection de l’ancien site d’exploitation à Roeser «en l’absence de toute intervention préalable» du nouvel exploitant (qui rappelons-le avait déménagé à Bascharage).

Cette inspection avait d’ailleurs eu lieu la veille de la décision du ministre, ce qui n’a rien d’anodin lorsqu’on connaît les délais à rallonge que se prend d’ordinaire l’administration pour trancher d’autres affaires...

Or, la loi octroie des délais aux administrés: ils disposent de huit jours pour réagir, sauf s’il y a «péril en la demeure». Pour justifier l’urgence, le représentant du gouvernement avait invoqué devant les juges administratifs, la demande de démolition et de construction introduite par les promoteurs du projet Solarix. Les magistrats n’ont pas mordu à l’hameçon. «Force est cependant au tribunal de constater que le péril en la demeure ainsi invoqué ne correspond pas à la définition du ‘péril en la demeure’ telle que retenue par les travaux préparatoires» sur la procédure administrative non contentieuse. En quoi, ont demandé les juges, malicieux, y aurait-il eu un «risque que les intérêts publics ou privés soient compromis»? Le ministre Claude Wiseler, qui a voulu aller vite et donner implicitement un coup de pouce à des promoteurs immobiliers, a, en tout état de cause, «méconnu les obligations qui lui incombent».

L’ensemble résidentiel n’est donc pas encore construit. Un appel du jugement du 30 septembre reste possible dans les 40 jours.