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L’hyper-compétition dans de multiples secteurs, la globalisation des marchés ou encore l’explosion des TIC ont donné naissance à de nouvelles formes d’organisation et plaident la cause de l’externalisation, en IT comme en RH. Après les activités périphériques, elle a progressivement touché des processus complets, puis des pans entiers de l’entreprise.

«Les RH sont un métier de contact et de proximité. L’externalisation y suscite encore craintes et appréhensions. C’est une équation à plusieurs inconnues. Il faut lever le voile sur chacune d’entre elles pour rassurer les équipes. Au Luxembourg, on a encore besoin d’une certaine évangélisation», introduit Sébastien Genesca, Managing Director de SD Worx, secrétariat social établi depuis 2003 à Luxembourg.

Je suis d’avis qu’on peut tout externaliser en RH.

Gérard SinnesGérard Sinnes, Fondateur (Vistim)

Si la gestion du payroll ou des absences ou le recrutement ciblé sont confiés à des experts depuis bien longtemps, d’autres tâches, comme la gestion des carrières ou la formation des équipes, sont venues s’ajouter et bénéficient d’une mutualisation des compétences. «Je suis d’avis qu’on peut tout externaliser en RH, même si je conseille souvent un mélange de ressources», indique Gérard Sinnes, fondateur de Vistim, une société de conseil qui entend couvrir tout le cycle RH. «Tout dépend des besoins, de la maturité de l’organisation, de ses managers ou encore du rôle des Ressources humaines en interne. Il y a beaucoup de barrières à franchir au départ.»

Réserve d’expertises

Gagnant du terrain dans la sphère RH et faisant maintenant partie des mœurs, l’outsourcing peut contribuer à façonner une nouvelle fonction RH, plus centrée sur la valeur ajoutée et moins impliquée dans l’administration. «Pour avoir voix au chapitre, le DRH doit avoir assuré le transactionnel et l’opérationnel. La base doit fonctionner. Passer par un partenaire peut l’y aider», déclare Gérard Sinnes.  

Les RH sont les gardiennes du temple. Cette responsabilité est difficilement externalisable.

Sébastien GenescaSébastien Genesca, Managing director (SD Worx)

«Tout dépend de ce qu’on entend par externalisation. On a parfois tendance à confondre le principe avec plusieurs notions comme celle d’interim management», cadre Julie Noirhomme, Managing Director d’Ajilon, filiale du groupe Adecco et leader dans la gestion des talents. «Il s’agit bien de sortir de l’entreprise des processus ou activités autrefois encadrés par un département RH. La grande tendance, on le voit sur le marché, est d’externaliser des ressources.» Et Sébastien Genesca de la rejoindre: «Ce choix va dépendre des éléments où l’entreprise souhaite recentrer ses forces. Les RH sont les gardiennes du temple. Elles veillent sur les valeurs de la société. Cette responsabilité est difficilement externalisable.»

Les entreprises recherchent une expertise qu’elles n’ont pas elles-mêmes.

Gérard SinnesGérard Sinnes, Fondateur (Vistim) 

Les économies d’échelle font partie des moteurs, mais ce ne sont pas les seuls arguments. «L’outsourcing a évolué», pointe Gérard Sinnes. Au départ, il s’agissait souvent de recourir à un partenaire pour trouver un profil rare. Désormais, les entreprises recherchent une expertise qu’elles n’ont pas elles-mêmes ou qu’elles n’ont pas la possibilité de développer en interne. D’une externalisation de tâches, on est passé à l’externalisation d’une gestion.»

Libérer la parole

Ainsi, au-delà d’une masse critique minimale, la complexité et la diversité de la population à gérer en interne peuvent être des déclencheurs, tout comme la recherche d’expertise nouvelle. Et Julie Noirhomme de constater: «Il est aujourd’hui devenu difficile pour une entreprise d’être à la pointe sur tous les sujets. Recourir à un partenaire solide permet, dans certains cas, de gagner du temps.» «Dans une externalisation pensée et fructueuse, on externalise aussi le résultat. Il y a un vrai engagement réciproque», complète Gérard Sinnes.

Il est devenu difficile pour une entreprise d’être à la pointe sur tous les sujets.

Julie NoirhommeJulie Noirhomme, Managing director (Ajilon)

Libérées d’une partie de la gestion administrative, les équipes de l’entreprise cliente peuvent se concentrer sur des chantiers complexes et à plus longue haleine, par exemple, la transformation de la culture d’entreprise interne ou des programmes de succession planning. «Les Anglo-Saxons ont plus d’avance que les autres dans ce domaine et vont même jusqu’à confier une partie de leur business. C’est une pratique somme toute assez culturelle», contextualise Julie Noirhomme.

Le partenaire peut offrir un regard et une parole neutres.

Gérard SinnesGérard Sinnes, Fondateur (Vistim)

Dans d’autres cas, une organisation peut n’utiliser des ressources que pour des projets ponctuels, d’emblée conçus pour une durée précise, sans devoir recruter à long terme. «Le partenaire peut offrir un regard et une parole neutres, qu’il s’agisse d’évaluation ou d’exit interviews. Ce sont des choses qu’on n’aurait jamais pensé externaliser il y a dix ans. La parole de l’externe a parfois plus de poids que celle du RH», soutient Gérard Sinnes.

Autre tendance intéressante pour Julie Noirhomme: la mise en réseau de prestataires et la multi-externalisation. «On se dirige de plus en plus vers des mosaïques d’entreprises où chacun apporte sa compétence dans un esprit d’écosystème interconnecté. Travailler avec les partenaires des partenaires devient la norme. Ce mouvement, qui peut apporter beaucoup de richesse, fait progressivement son apparition au Luxembourg.» 

Encadrer la relation

Comme pour tout choix de prestataire, la sélection d’un secrétariat social ou d’un fournisseur de solutions RH en ligne ne s’improvise pas. «Mon conseil serait d’y aller par étapes et de ne pas vouloir tout confier à une société ‘tiers from scratch’», soutient Sébastien Genesca. «Envisager cette option, quel que soit le motif, nécessite une prise de hauteur et une vision stratégique et à long terme», complète Julie Noirhomme. «C’est quelque chose qui se gère. Il faut introduire une culture du feed-back, veiller à la relation, etc.» «On fixe des niveaux de services généralement assortis de pénalités ou de bonus», appuie Sébastien Genesca.

Le contact humain reste fondamental.

Sébastien GenescaSébastien Genesca, Managing director (SD Worx)

Partenariat à long terme, la collaboration est encadrée par un contrat précisant les modalités exactes des prestations, mais aussi la sortie potentielle et le transfert des données collectées. «Le contact humain reste fondamental», affirme encore Sébastien Genesca. «En tant que partenaire, il faut toujours expliquer ce qu’on fait, pourquoi et comment, et se montrer pédagogue. Dans les autres facteurs de succès, prévoir la fin du contrat et les conditions de réversibilité est indispensable.» Pour Gérard Sinnes, externaliser ne veut pas dire renoncer à toute responsabilité. En tant que vecteurs de la culture d’entreprise, les managers ont toujours un rôle à jouer, notamment dans le suivi des échanges. «Dans certains cas, outsourcer impose d’abord de fixer des règles et d’harmoniser les processus. Il y a une discipline à instaurer et un travail à effectuer en amont.»

Plus le contrat est complet et transparent, moins les leaders doivent s’en préoccuper. «La confiance dans les consultants et leurs compétences est une valeur-clé pour que l’externalisation fonctionne. Le prestataire doit être un partenaire», prévoit Gérard Sinnes. Pour Sébastien Genesca, «cette confiance doit être cadrée contractuellement. Les attentes doivent être claires.» Certains outsourcings échouent car la gestion du changement n’a pas été assurée avant le début du contrat.

L’outil informatique peut aider à piloter l’outsourcing à distance.

Sébastien GenescaSébastien Genesca, Managing director (SD Worx)

Nouvelle lame de fond, la relation entre l’entreprise cliente et son prestataire se digitalise. La qualité des outils et des portails en ligne fait partie des critères différenciateurs, tout comme l’écoute et la réactivité de la société choisie. «En choisissant bien ses KPI, l’outil informatique donne accès aux données importantes en temps réel. Il peut aider à piloter l’outsourcing à distance», partage encore le managing director de SD Worx. «Une constante: l’accord doit être itératif. Il faut pouvoir ajuster et compléter les services.»

Tout est externalisable, mais on ne doit pas tout externaliser pour autant.

Julie NoirhommeJulie Noirhomme, Managing director (Ajilon)

Et Julie Noirhomme de conclure: «Tout est externalisable, mais on ne doit pas tout externaliser pour autant. Il faut à chaque fois se poser la question du sens maintenant et à long terme. Les priorités comme les défis et les sujets évoluent constamment. Être un bon conseiller, c’est aussi challenger son client. Le partenariat ne doit pas être figé, il faut garder une certaine souplesse et exiger la même chose de son partenaire.»