L’eurodéputée Viviane Reding «appelle le gouvernement luxembourgeois à demander l’arrêt des négociations», à l’instar du gouvernement français. (Photo: Julien Becker / archives )

L’eurodéputée Viviane Reding «appelle le gouvernement luxembourgeois à demander l’arrêt des négociations», à l’instar du gouvernement français. (Photo: Julien Becker / archives )

L’interview de Sigmar Gabriel sur ZDF dimanche a fait l’effet d’une bombe en cette fin d’été engourdie par la chaleur en Europe. Constatant l’enlisement des négociations, le ministre allemand de l'Économie conclut à un échec «de facto» après trois ans de discussions entre le gouvernement américain et la Commission européenne. Et nombreux sont ceux qui lui ont emboîté le pas ces derniers jours.

Le gouvernement français s’est engouffré dans la brèche mardi par la voix de son secrétaire d’État au Commerce extérieur, Matthias Fekl. «Je demanderai au nom de la France la fin des négociations sur le TTIP lors de la rencontre des ministres du Commerce à Bratislava fin septembre», a-t-il affirmé à RMC. Le président François Hollande s’est également fendu d’une déclaration devant la conférence des ambassadeurs à l'Élysée. Fervent supporter du TTIP en 2014, il joue la carte de la lucidité: «La France préfère regarder les choses en face et ne pas cultiver l'illusion qui serait celle de conclure un accord avant la fin du mandat du président des États-Unis.»

Le LSAP prudent, le CSV pour l’arrêt des négociations

Au Luxembourg, les positions sont moins tranchées. Interrogé par le Wort, le ministre des Affaires étrangères Jean Asselborn (LSAP) a refusé de s’exprimer sur l’échec ou non des négociations, estimant qu’il est trop tôt pour estimer si les négociations seront un jour couronnées de succès ou non. Une position déjà exprimée par le président de la commission des Affaires étrangères à la Chambre, Marc Angel (LSAP).

«Le TTIP est cliniquement mort», assénait mardi Laurent Mosar. Même analyse du côté de la députée déi gréng Viviane Loschetter, jointe par Paperjam.lu. «Le fait que Sigmar Gabriel prenne une position assez claire montre bien que les négociations sont arrivées au point le plus mort possible», indique-t-elle. «Ce n’est pas une grande communication courageuse dans le sens où il est évident que les deux partenaires des négociations n’arrivent pas à trouver des points communs.» François Hollande avait déjà émis des doutes sur la résolution des négociations avant janvier 2017, rappelle la députée.

Le Ceta est en adéquation avec nos standards européens, sociétaux, culturels, environnementaux et agricoles, et ouvre de nouvelles opportunités à nos entreprises.

Viviane Reding, eurodéputée luxembourgeoise du PPE

En cause : le décalage entre les exigences des uns et des autres.. «Malgré d’intenses efforts de la part du négociateur européen, les États-Unis restent fermement opposés à la publication des textes de négociation, à l’ouverture de leurs marchés publics, des télécommunications et des transports, et au remplacement d’ISDS (mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États) par une justice publique, à nos propositions en matière de sécurité alimentaire et de protection de l’environnement, ou bien encore à la reconnaissance de nos indications géographiques protégées, pour ne citer que quelques blocages majeurs», énumère l’eurodéputée Viviane Reding (PPE) dans un communiqué.

Viviane Reding «appelle le gouvernement luxembourgeois à demander l’arrêt des négociations» et estime que le Ceta, l’accord de libre-échange conclu avec le Canada en 2014, «doit désormais servir de modèle de référence». «Cet accord est en adéquation avec nos standards européens, sociétaux, culturels, environnementaux et agricoles, et ouvre de nouvelles opportunités à nos entreprises», ajoute-t-elle.

Je ne sais pas pourquoi ces commentaires arrivent à ce moment particulier.

Cecilia Malmström, commissaire européenne à la Concurrence

Certains tentent encore de sauver le TTIP. Comme la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström. Les négociations «ont été difficiles, bien sûr, nous le savions depuis le début, mais elles n'ont pas échoué», a-t-elle affirmé lors d'un point presse à Bruxelles mardi. Si elle concède que l’objectif de conclure avant janvier 2017 n’est plus réalisable, elle estime qu’«il est logique de faire le plus de progrès possible».

La commissaire a également sous-entendu que cette soudaine bronca contre les négociations aurait une visée électorale. «Je sais que le débat a été très dur à la fois en France et en Allemagne (...) Je ne sais pas pourquoi ces commentaires arrivent à ce moment particulier.» En France comme en Allemagne, 2017 sera une année électorale à haut risque. En Allemagne, le SPD rêve de détrôner Angela Merkel qui briguera un quatrième mandat tandis que François Hollande pourrait bien se représenter à l’élection présidentielle française, sur fond de montée dramatique de l’extrême-droite.

Le TTIP vise à supprimer les barrières commerciales et réglementaires de part et d'autre de l'Atlantique pour créer la plus vaste zone de libre-échange censée doper l'activité économique. Porté par l’administration Obama, son avenir est d’autant plus incertain que le bureau ovale va changer de locataire en janvier prochain.

Qu’il s’agisse de Donald Trump ou de Hillary Clinton, «s’il n’y a pas eu de consensus jusqu’à maintenant, ce ne sera pas plus facile après», avertit Viviane Loschetter. «Nous misons de ce côté de l’Atlantique. Il est hors de question de changer nos standards écologiques, économiques et environnementaux.»