Le secteur financier s'inquiète des limites ténues entre l'action préventive du Srel et celle répressive de la justice.  (Photo: DR)

Le secteur financier s'inquiète des limites ténues entre l'action préventive du Srel et celle répressive de la justice.  (Photo: DR)

La Chambre de commerce vient de redire son opposition à la réforme du Service de renseignement de l’État luxembourgeois après les amendements qui ont été apportés en mars dernier par le gouvernement à la demande du Conseil d’État. Preuve de l’extrême sensibilité du sujet pour la place financière, l’organisation patronale s’était autosaisie pour rendre un avis complémentaire, lequel vient d’être rendu public. Elle avait livré une première appréciation début octobre dernier pour réclamer un traitement à part du secteur financier, estimant que la réforme proposée par le gouvernement se révélait trop intrusive dans la vie privée et ne comprenait pas suffisamment de garanties.

Le secteur financier revendiquait donc son exclusion du champ d’application «au vu de la sensibilité des données bancaires qui doivent faire l’objet d’une protection toute particulière», les banquiers estimant que la réglementation actuelle se révélait plus protectrice et apportait une réponse «efficace» aux objets du projet de loi (donner un cadre plus performant et transparent au Srel).

Les correctifs apportés par le gouvernement le mois dernier n’ont pas été de nature à apaiser les craintes. À défaut de son exclusion, le secteur demandait des améliorations du texte «en termes de séparation des pouvoirs et de garanties entourant les mesures de recherche». Peine perdue.

Le gouvernement n’a tenu compte de la position de la Chambre de commerce que sur de rares points. Le projet de loi initial soumettait les agents du Srel au secret «dans tous les cas» pendant 20 ans et après cinq années seulement en cas d’exercice d’une activité professionnelle analogue. Les amendements ont prolongé l’obligation au secret professionnel ad vitam æternam.

Les banquiers en revanche continuent de s’interroger sur les garanties de sécurité et de confidentialité pour la communication des requêtes et des données, notamment bancaires, au Service de renseignement ainsi que leur préservation. Si les banques de données du Srel ne seront pas reliées à l’internet ou au réseau de communication publique, ce qui évite les risques d’intrusion, ce dispositif est loin de satisfaire la Chambre de commerce qui juge la mesure «largement insuffisante» et «pas assez détaillée quant au canal de communication des requêtes et informations».

Confusion des pouvoirs

Si l’organisation salue le retrait par le gouvernement des missions de lutte contre le financement du terrorisme au Srel, pour maintenir cette compétence exclusive à la Cellule de renseignement financier du Parquet, elle émet des doutes sur la séparation des pouvoirs et la limite entre l’action préventive du Service de renseignement et celle répressive de la justice. Un risque de confusion sur lequel s’est récemment exprimé le procureur d’État Robert Biever dans son avis sur le «Patriot Act» devant durcir la lutte contre le terrorisme.

Et les justifications tardives du gouvernement pour réaffirmer le respect de la séparation des pouvoirs laissent percer, aux yeux du patronat, ses propres contradictions. Car au final, le délégué du Srel qui sera chargé d’établir des ponts entre le Service de renseignement et les autorités (pour éviter les dysfonctionnements) relèvera bien du pouvoir exécutif.

Comment résoudre l’équation? L’organisation patronale appuie les suggestions du Conseil d’État qui avait préconisé la mise en place à Luxembourg de l’équivalent du «Comité R» en Belgique, pour le contrôle du renseignement. Un organe relevant tantôt du pouvoir législatif, tantôt du pouvoir judiciaire, «mais en aucun cas de l’exécutif».

Reste à connaître la position que les Sages adopteront dans leur avis complémentaire qui permettra peut-être à la réforme de passer le cap de la Chambre des députés en première lecture.