Karim Wade proclamé «tout puissant ministre du ciel et de la terre». (Photo: liberezkarimwade.com)

Karim Wade proclamé «tout puissant ministre du ciel et de la terre». (Photo: liberezkarimwade.com)

Le procès de l’ancien ministre et fils de l’ex-président du Sénégal Abdoulaye Wade s’ouvrira en principe le 31 juillet à Dakar. La Cour de répression de l’enrichissement illicite a adressé mardi 8 juillet les convocations aux principaux prévenus et témoins d’une affaire qui implique directement Karim Wade, bientôt 46 ans, l’homme politique qui était encore présenté il y a un an comme le «tout puissant ministre du ciel et de la terre» aspirant à marcher dans les traces de son père.

En détention préventive depuis juin 2013, il est accusé par la justice de son pays d’avoir mis en place une «véritable ingénierie financière frauduleuse» pour dissimuler son immense fortune (environ 1 milliard d’euros), à travers des montages de sociétés qui passaient par des juridictions offshore et faisant un crochet par le Luxembourg. Wade s’est toujours défendu des accusations d’enrichissement personnel et parle d’une «conspiration» orchestrée par le nouveau pouvoir. Un site de ses partisans (www.liberezkarimwade.com) le présente comme un «prisonnier politique» et indique d’ailleurs que des observateurs de l’ONG Amnesty International ont été dépêchés pour assister au procès.

L’enquête judiciaire lancée par Dakar a mis à jour les circuits financiers que l’ancien ministre aurait mis sur pied, essentiellement à partir du Luxembourg, selon les fuites qui ont été relayées par la presse tant sénégalaise que française.

À Luxembourg, le Parquet et sa Cellule de renseignement financier (CRF) ont été mis à contribution à la demande de Dakar pour identifier les avoirs que Karim Wade aurait pu y dissimuler. La récolte qui en a résulté va sans doute en deçà des espoirs du procureur spécial de la Cour de répression de l’enrichissement illicite.

Magot fantôme?

Ce mercredi, la lettre confidentielle Africa Intelligence, parlait d’un «magot fantôme» de Karim Wade au Luxembourg en citant des documents provenant de la CRF et signé de son chef, le substitut du procureur Jean-François Boulot.

L’enquête luxembourgeoise a permis de repérer un contrat d’assurance-vie d’un montant de 842.923 dollars souscrit en décembre 2002 par l’ancien homme fort du Sénégal auprès de la compagnie Sogelife à Luxembourg. Deux rachats avaient été faits de 100.000 dollars chacun. Le solde actuel du contrat s’élève à 858.731 dollars, indique Africa Intelligence (AI) sur la foi de documents de l’instruction que la rédaction s’est procurée.

Une perquisition a d’ailleurs permis aux enquêteurs luxembourgeois dans le cadre de la commission rogatoire internationale de mettre la main sur une copie du passeport français de Karim Wade (qui lui fut demandée par l’assureur luxembourgeois à la souscription), ce qui avait mis ce dernier dans l’embarras face à la justice sénégalaise, puisqu’il affirmait n’avoir qu’une nationalité, sénégalaise. La provenance des fonds était supposée venir de la vente d’un appartement.

Toujours selon AI, le substitut Jean-François Boulot a conclu que Karim Wade ne serait pas l’homme, comme la justice de son pays le subodorait pourtant, qui se cache derrière quatre sociétés de droit luxembourgeois, à savoir Menzies Middle East&Africa Holdings, Metinvest Equity, Djoz et Afriport, lesquelles sont toutes domiciliées auprès de TrustConsult Luxembourg. Les bénéficiaires économiques «en partie» seraient des hommes d’affaires réputés proches de l’ancien ministre.

Or, d’autres fuites de documents provenant de la commission rogatoire à Luxembourg relayaient que Jean-François Boulot avait conclu que «Karim Wade semblait être dans la presse (sic) in fine le détenteur de AHS Sénégal, AHS Jordanie, AHS Ghana, Black Pearl Finance SA et Daport SA», des filiales des quatre entités citées par le chef de la CRF que l’ex-ministre aurait utilisé pour prendre le contrôle du secteur aérien au Sénégal. Le sobriquet de «tout puissant ministre du Ciel» aurait-il été attribué abusivement à Karim Wade?

Contactée par paperJam.lu, l'administration judiciaire a confirmé l'exécution d'une commission rogatoire provenant de la justice sénégalaise.