Alexandre Cegarra, chief investment officer, Société Générale Bank & Trust (Photo: Société Générale Bank & Trust)

Alexandre Cegarra, chief investment officer, Société Générale Bank & Trust (Photo: Société Générale Bank & Trust)

Les actions européennes ont connu un premier trimestre 2015 exceptionnel, parmi les meilleurs sur ces 40 dernières années: l’indice Stoxx Europe 600 a ainsi gagné +16,88% (total return en EUR) sur la période. À titre de comparaison, les actions japonaises ont enregistré une performance de +10,55% (Topix Total Return en JPY) et les actions américaines de +0,95% (S&P 500 Total Return en USD). Cette hausse remarquable des marchés européens se justifie tant par des éléments macroéconomiques que microéconomiques ainsi que par des éléments de flux.

Performances des actions européennes (indice EuroStoxx 50) de 1987 à 2015

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La reprise économique de la zone euro se confirme, avec des indicateurs d’activité comme le PMI (Purchasing Managers’ Index) qui atteignent des niveaux plus vus depuis un an, tirés en particulier par le secteur des services et par la croissance observée en Allemagne et en Espagne. Dans ces conditions, on peut espérer que l’économie européenne entre à nouveau dans une phase de «normalité» caractérisée par une croissance plus forte et une volatilité du PIB (produit intérieur brut) plus limitée.

Évolution du PMI

Un autre moteur macroéconomique de la surperformance des actions européennes au premier trimestre est la dépréciation majeure de l’euro face au dollar américain, qui s’explique principalement par la divergence des politiques de la BCE et de la Réserve fédérale américaine (Fed), qui a soutenu le dollar. La remontée des taux prévue aux États-Unis à moyen terme a profité au dollar, qui a également été aidé par les sorties de capitaux des marchés émergents. Les entreprises européennes exportatrices se retrouvent ainsi bien plus compétitives.

La facture des entreprises a été qui plus est allégée par la baisse des prix des matières premières, pétrole en tête (-50% environ de juin 2014 à mars 2015 pour le WTI). Ceci est également bénéfique pour les pays de la zone euro puisqu’ils sont importateurs de pétrole.

Dans ce contexte, la confiance des ménages et des entreprises est au plus haut, que ce soit grâce à un gain de pouvoir d’achat pour les ménages dont la facture est réduite par la baisse du prix des matières premières, ou pour les entreprises grâce à des réformes visant à alléger leurs contraintes.

Sur le plan microéconomique par ailleurs, il est intéressant de constater que le consensus semble en avoir fini avec ses prévisions pessimistes puisque les révisions à la hausse des bénéfices par action (BPA) se multiplient, ce qui devrait mitiger le niveau de valorisation plutôt élevé atteint par les actions européennes.

On ne saurait cependant expliquer la bonne performance des actions européennes sans mentionner les actions menées par la Banque centrale européenne (BCE). En effet, le 22 janvier, son président Mario Draghi a annoncé la mise en œuvre d’un programme d’assouplissement quantitatif consistant essentiellement en des achats massifs d’actifs financiers. Ce programme très anticipé venait compléter un mécanisme de facilité de crédit pour les établissements bancaires de la zone et une gestion des taux directeurs agressive. Déjouant de nombreuses attentes, ce Quantitative Easing européen a vu l’achat de 41 milliards d’euros de dette souveraine et d’agences en trois semaines, s’ajoutant aux 98 milliards d’euros prêtés par la BCE aux banques dans le cadre de la troisième vague du TLTRO (Targeted Longer-Term Refinancing Operations). Cet arsenal de mesures a entraîné un afflux abondant de liquidités sur les marchés, qui a été très apprécié des investisseurs.

Le dernier élément ayant soutenu les actions européennes au premier trimestre est l’intérêt marqué des investisseurs pour la zone. On pense plus spécifiquement aux Américains poussés à investir davantage sur le marché européen en raison de la dépréciation de l’euro qui rend les actions européennes moins chères, d’une part, et qui a mécaniquement entraîné un déséquilibre de leurs portefeuilles, d’autre part.

On voit ainsi que les facteurs de soutien au marché des actions européennes étaient variés pendant ces trois premiers mois, et nombre d’investisseurs se demandent naturellement si les mois à venir seront dans la même lignée. Les effets positifs des éléments que l’on vient d’exposer devraient perdurer. Néanmoins, il faudra surveiller quelques risques pesant sur la zone euro, au premier rang desquels figurent l’évolution de la situation en Grèce et la consolidation des bons chiffres économiques, car il est essentiel que les pays de l’Union monétaire européenne transforment l’essai en trouvant des relais de croissance. Le plan Juncker dont la mise en œuvre est prévue pour le second semestre devrait atteindre 300 milliards d’euros et apporter un appui bien réel aux entreprises.