Yves Nosbusch, chief economist chez BGL BNP Paribas  (Photo: Olivier Minaire / archives)

Yves Nosbusch, chief economist chez BGL BNP Paribas  (Photo: Olivier Minaire / archives)

Le programme d’achats d’obligations (Quantitative Easing) par la BCE est d’une très grande envergure (60 milliards d’euros par mois) et comprend l’acquisition d’obligations avec des maturités allant de 2 à 30 ans. Il devrait se poursuivre au moins jusqu’en septembre 2016. Quel sera alors l’effet de ces achats sur les taux longs au cours du temps?

A priori, deux effets contraires apparaissent dans ce contexte. Il y a d’abord un effet «mécanique»: en achetant des montants importants d’obligations avec des maturités longues sur le marché, la BCE pousse leur prix à la hausse et par conséquent leurs rendements à la baisse. Cet effet est important puisque le montant des achats de la BCE est significatif par rapport à la taille totale du marché obligataire en zone euro. C’est ce premier effet qui a dominé les mouvements des taux longs sur les marchés au cours des dernières semaines. Le taux à 10 ans sur les obligations du gouvernement allemand est ainsi récemment tombé à un niveau historiquement bas de 0,18%. En France, le taux équivalent est tombé à 0,44%, en Italie à 1,12% et en Espagne à 1,14% au cours des dernières semaines. Le taux à cinq ans sur les obligations du gouvernement allemand est quant à lui passé en territoire négatif.

Obligations étatiques - taux à 10 ans

Il y a ensuite un deuxième effet qui va dans le sens opposé. N’oublions pas que l’objectif ultime du Quantitative Easing est de relancer l’inflation à moyen terme en zone euro pour la rapprocher de l’objectif de 2% de la BCE. Cette relance de l’inflation peut être générée de différentes manières. D’abord, des taux historiquement bas devraient stimuler le crédit et l’investissement. Ensuite, le Quantitative Easing peut créer des effets de richesse via le renchérissement d’autres classes d’investissements. L’envolée des bourses européennes au cours des derniers mois, en particulier, pourrait contribuer à une augmentation de la demande intérieure. Cette consommation devrait également être soutenue par la baisse du prix du pétrole et la hausse du revenu disponible qui en résulte. Les entreprises de la zone euro devraient profiter d’une baisse de leurs coûts de financement ainsi que d’une baisse de leurs coûts énergétiques et, pour celles qui sont exportatrices, de la baisse de l’euro. La combinaison de ces éléments semble favoriser un retour à la confiance des ménages et des entreprises. Ce retour de confiance est un élément clé pour une reprise soutenue en zone euro. Les hausses récentes des indicateurs de confiance sont particulièrement encourageantes dans ce contexte.

Si le Quantitative Easing se voit couronné de succès, les différents acteurs économiques devraient donc commencer à anticiper une hausse plus significative de l’inflation à moyen terme. À ce moment, ces anticipations d’inflation devraient exercer une pression haussière sur les taux longs pour compenser la perte du pouvoir d’achat causée par l’inflation. Cet effet s’oppose à l’effet mécanique décrit plus haut. Par conséquent, la question clé pour le marché obligataire est de savoir à quel moment ce deuxième effet pourrait commencer à dominer le premier.