Yves Nosbusch: «La BCE aura tout essayé.» (Photo: BGL)

Yves Nosbusch: «La BCE aura tout essayé.» (Photo: BGL)

La réunion du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) du 5 juin dernier constitue une étape clé pour la politique monétaire en zone euro. La BCE s’est aventurée en territoire inconnu en annonçant un paquet de mesures non conventionnelles. Elle a surtout, de façon implicite, préparé le terrain pour l’utilisation de sa «dernière cartouche»: un programme d’achats obligataires à grande échelle (Quantitative Easing).

Passons d’abord en revue les mesures déjà annoncées. En plus d’une baisse additionnelle du taux de refinancement, la BCE a pris la décision historique d’un taux négatif sur sa facilité de dépôt. Elle a également annoncé l’arrêt de la stérilisation du Securities Markets Programme, ce qui devrait apporter plus de 150 milliards d’euros de liquidités supplémentaires au marché. L’effet de ces mesures s’est fait ressentir sur les taux interbancaires. Ils ont sensiblement baissé suite à la réunion du 5 juin. Le président de la BCE a par ailleurs signalé de manière quelque peu inattendue qu’il ne faudra pas compter sur des baisses additionnelles des taux directeurs.

Une autre mesure novatrice annoncée le 5 juin est le programme Targeted Long Term Refinancing Operations. Les banques de la zone euro pourront ainsi se refinancer à long terme (l’échéance des prêts se situant en 2018) à des conditions favorables (taux de refinancement à court terme plus 10 points de base), mais la quantité de prêts accordés sera désormais directement liée au volume de crédits accordés par les banques au secteur non financier, hormis le secteur public et les prêts immobiliers aux particuliers. En ciblant les prêts de cette manière, la BCE veut éviter que les banques ne les utilisent pour acheter des obligations étatiques et en même temps éviter de contribuer à la création de bulles immobilières dans certains pays.

Inspiration britannique

Cette mesure n’est pas sans rappeler le programme Funding for Lending (FLS) mis en place au Royaume-Uni dès 2012, même s’il y a plusieurs différences importantes dans sa mise en œuvre pratique. En particulier, le FLS n’excluait pas (jusqu’en 2014) les prêts immobiliers aux particuliers, et en pratique son effet s’est surtout fait ressentir sur le crédit immobilier qui est en nette progression au Royaume-Uni. L’impact sur les prêts aux entreprises a, quant à lui, été plus mitigé.

Une dernière annonce importante est celle de l’intensification des travaux préparatoires en vue d’achats potentiels d’Asset Backed Securities par la Banque centrale. De tels achats contribueraient à la relance du marché de la titrisation, ce qui renforcerait le financement de la reprise en Europe.

En résumé, la BCE aura tout essayé. Si elle ne parvient pas à relancer l’inflation en zone euro avec le paquet de mesures annoncées le 5 juin, le Quantitative Easing semble bien être sa dernière option. Même les critiques les plus acharnés de cette mesure auraient alors du mal à proposer une alternative.