Plusieurs acteurs de la Grande Région se sont réunis à Luxembourg pour débattre des perspectives de réduction et valorisation de ces déchets. (Photo: Marie de Decker)

Plusieurs acteurs de la Grande Région se sont réunis à Luxembourg pour débattre des perspectives de réduction et valorisation de ces déchets. (Photo: Marie de Decker)

Chaque année, l’Europe produit 25 millions de tonnes de déchets plastiques, dont seuls moins de 30% sont collectés en vue de leur recyclage. À travers le monde, ce sont 85% de ces matières plastiques qui sont retrouvés sur les plages, dans les mers et les océans... et souvent aussi dans les entrailles des poissons et autres cétacés.

Sans en connaître réellement les conséquences sur notre santé, des résidus de ces plastiques sont parfois aussi retrouvés dans nos assiettes. Ce constat alarmant incite l’Europe à orienter les investissements et l’innovation vers des solutions circulaires et durables pour la protection de l’environnement. Face à l’interdiction récente de la Chine d’importer des déchets plastiques sur son territoire et afin de lutter contre une pollution de plus en plus croissante, la Commission européenne a proposé un ensemble de mesures visant à transformer la manière dont les produits sont conçus, fabriqués, utilisés et recyclés dans l’UE. 

Actuellement, seulement 4 à 6% de ces plastiques proviennent du recyclage.

Bettina Lorz, senior expert à la DG Environnement de la Commission européenne

Selon Bettina Lorz, senior expert à la DG Environnement de la Commission européenne, 65% des directives du plan d’action «Économie Circulaire 2015» ont été réalisées. La stratégie «Plastique», lancée en 2018, est tout aussi ambitieuse, puisqu’elle cible le recyclage d’ici 2030 de tous les emballages en plastique présents sur le marché de l’UE. Pour ce qui est du plastique contenu dans les nouveaux produits, l’objectif est identique. «Actuellement, seulement 4 à 6% de ces plastiques proviennent du recyclage. Ce chiffre est amené à être quadruplé avec l’implémentation de la nouvelle stratégie ‘Plastique’», précise-t-elle. «Cette même stratégie devrait aussi améliorer le niveau d’information sur les substances préoccupantes contenues dans les produits, les déchets et les plastiques recyclés».

Nécessaire prise de conscience

Soucieux de faire face à cette problématique, le Luxembourg a également mis en place des actions contre le gaspillage plastique comme, dès cette fin d’année, l’interdiction par les points de vente de distribuer gratuitement des sacs en plastique d’une épaisseur supérieure à 15 microns. Le pays encourage donc vivement les démarches en faveur d’une gestion durable des déchets plastique et de plus en plus d’acteurs prennent part à ce mouvement. 

Faisant écho à cette volonté de faire avancer les choses, les clusters Materials & Manufacturing et EcoInnovation de Luxinnovation ont organisé, dans le cadre du projet européen Interreg Greater Green, l’événement Greater Region Plastic Conference. Une soixantaine d’industriels et de chercheurs luxembourgeois et issus de la Grande Région ont répondu présents pour débattre des enjeux du recyclage du plastique et de l’avenir de ce matériau d’usage courant. 

Le constat est simple: les plastiques polluent, car la plupart sont créés à partir de polymères de synthèse, c’est-à-dire à base de produits pétroliers. En outre, la plupart des plastiques, de par leurs propriétés (imperméabilité, résistance, durée de vie très longue, retardateurs de flamme…), ne sont ni biodégradables, ni même réutilisables.

Près de 30.000 tonnes de déchets plastiques sont produits chaque année au Luxembourg, avec un taux de recyclage d'environ 32%. Selon Paul Rasqué, Attaché au Ministère du Développement Durable et des Infrastructures, " l'un des objectifs de la stratégie nationale est d'atteindre, pour les déchets d'emballage, 70% d'ici 2022. Quant aux les déchets d'emballages plastiques, le taux de recyclage visé est de 50% d’ici 2025".

(Photo: Marie De Decker)

Ce n’est pas un déchet, c’est une ressource 

Suivre la feuille de route pour glisser vers une économie circulaire implique forcément de repenser l’industrie du plastique. Durant la journée, les témoignages d’industriels souhaitant apporter leur contribution en la matière se sont succédé. «Un de nos axes-clés est de veiller à rendre nos plastiques facilement recyclables, tout en gardant les propriétés nécessaires de protection que doit comporter un emballage», explique ainsi Denis Rousseau, labeling marketing manager chez Jindal Films, leader mondial dans la fabrication de films spéciaux pour l’emballage alimentaire et l’étiquetage. «Notre credo, c’est ‘Do it more with less’, c’est-à-dire utiliser moins de matière plastique tout en conservant un haut niveau de performance.»

Les alternatives existent déjà, avec des plastiques issus de ressources renouvelables et ne présentant aucun polymère artificiel. Ainsi, avec de tels plastiques biosourcés ou bioplastiques issus de la biomasse, des solutions de remplacement des plastiques polluants existent et, par extension, des approches innovantes pour produire et consommer différemment.

Le volet logistique et législatif a également été abordé, et même si les préoccupations sont nationales, les problématiques se situent aussi au niveau européen. «Prenons le passage transfrontalier. Ce qui est déclaré déchet dans un pays ne peut pas facilement passer la frontière vers un autre pays», témoigne Élodie Jupin, circular economy manager EMEA chez Tarkett, spécialiste en revêtements de sol innovants. «Or pour nous, ce n’est pas un déchet, c’est une ressource dont nous nous servons pour produire nos revêtements de sol. Il y a donc un problème de législation: on ne peut pas traiter un problème individuellement, tout est lié.»

C’est le cycle de vie des matériaux qui doit être pris en considération, de leur fabrication à leur utilisation, et jusqu’à leur fin de vie.

Caroline Muller, manager du Luxembourg Materials Cluster

Tous les participants à cette conférence ont été unanimes pour dire qu’il convient de réduire et réutiliser les matières premières, plutôt que d’en acheter constamment de nouvelles. «Il s’agit à la fois d’un objectif environnemental et économique», constate Caroline Muller, manager du Luxembourg Materials Cluster. «C’est le cycle de vie des matériaux qui doit être pris en considération, de leur fabrication à leur utilisation, et jusqu’à leur fin de vie. L’écodesign est une étape majeure pour les industriels qui permet de minimiser les déchets et de maximiser la réutilisation et le recyclage des matériaux plastique. Les entreprises que nous suivons saisissent tout l’enjeu que peut représenter ce changement de paradigme, c’est-à-dire considérer les déchets non plus comme des matériaux sans valeur, mais comme une ressource à valoriser dans leurs produits finis.»

(Photo: Marie De Decker)

Agir ensemble

Le mécanisme bien huilé de collaboration mis en place au sein des clusters, entre les secteurs public et privé et le gouvernement, offre une base solide de dialogue et d’innovation sur laquelle les entreprises peuvent s’appuyer. «Ici, le mot ‘coopération’ prend tout son sens. Il est impossible de trouver, seuls, des solutions à des problèmes aussi complexes. Cette collaboration entre les entreprises, les chercheurs et les pouvoirs publics est essentielle», précise Sasha Baillie, CEO de Luxinnovation.

En amont de cet événement, plusieurs ateliers avec des entreprises engagées ont été organisés par les clusters. Ces workshops ont mis en exergue des problèmes communs et la nécessité d’intervenir sur cette thématique. «Il était important pour nous de mieux comprendre les besoins de l’industrie et cela passe par l’échange de bonnes pratiques, c’est pourquoi nous avons ouvert ces discussions à la Grande Région. Le défi actuel est non seulement de réduire les déchets plastiques, mais aussi de créer de réels projets de valorisation des déchets, et ceci ne peut se faire que grâce à une démarche collaborative», conclut Anja Höthker, project manager chez Luxinnovation.