Ian Forsyth (FIAD), Raphaël Xiol (ING), Marc Baertz (Property Partners) et Michael Chidiac (RealCorp) (Photo: Luc Deflorenne)

Ian Forsyth (FIAD), Raphaël Xiol (ING), Marc Baertz (Property Partners) et Michael Chidiac (RealCorp) (Photo: Luc Deflorenne)

L’immobilier, une valeur sûre? Tout dépend de l’investissement. Lorsque l’on désire investir dans la brique, les facteurs à prendre en considération sont multiples. Comment s’assurer de bien investir dans le real estate? Quels critères d’évaluation prendre en compte? Sur quels éléments faut-il être exigeant? «Tout investissement, quel que soit l’instrument dans lequel on souhaite placer ses actifs, exige d’établir une stratégie. En fonction de l’acteur, investisseur privé ou institutionnel, cette stratégie peut être sensiblement différente, commente Michael Chidiac, managing director de RealCorp. Dans l’immobilier, un fonds d’investissement aura plutôt tendance à investir avec l’espoir de réaliser le rendement escompté à la revente du bâtiment à un horizon de cinq à sept années. Une entreprise qui occupe ses propres locaux, évidemment, ne s’inscrira sans doute pas dans une telle logique.»

La stratégie développée sera encore différente si elle est envisagée, par exemple, par un family office, en charge de la gestion du patrimoine de clients privés. À chacun sa stratégie. L’important, pour bien investir dans l’immobilier, étant d’en avoir une au départ.

La brique est un investissement qui se veut avant tout durable. Acquérir un bien immobilier ou le développer constitue un placement à long terme. Aussi, pour bien investir, il faut pouvoir établir une vision, des attentes, qui s’étendent sur une période relativement longue. «Il est essentiel, dans ce contexte, de savoir pourquoi on achète et de bien définir ce que l’on entend acheter. Par le passé, on a pu constater que certains investisseurs ont vu trop grand, ont investi trop vite, sans prendre suffisamment en compte les risques en présence. Cette période est désormais révolue. Aujourd’hui, les investisseurs prennent le temps. Tout investissement dans la brique n’est pas bon à réaliser. Certains sont acceptables, d’autres le sont moins», précise Marc Baertz, head of valuation chez Property Partners.

Comprendre son investissement dans sa globalité permet de mieux apprécier les risques que l’on encourt. «Dans sa stratégie d’investissement, il faut pouvoir envisager les différents scénarios, les meilleurs comme les pires, pour pouvoir se positionner», explique Ian Forsyth, real estate advisor pour FIAD.

Trouver des occupants

La période de détention d’un bien constitue souvent l’élément central de toute stratégie. Les murs ne s’échangent pas comme du liquide ou des actions. Ils exigent d’être entretenus, rentabilisés, occupés. «La décision d’investir dépend de multiples facteurs et s’évalue en fonction du cycle de vie du bâtiment que l’on achète. La première étape, pour bien investir, est de procéder à une analyse du bien envisagé. Cela afin de pouvoir établir la juste transaction qui, elle-même, doit tenir compte de la gestion qui incombe au détenteur du bien immobilier», précise Michael Chidiac.

Rentabiliser son investissement immobilier nécessite de trouver des occupants. Or on sait, notamment au niveau de l’immobilier professionnel, que tout ne se loue pas forcément facilement. La qualité du bien immobilier et surtout sa localisation permettent de déterminer la valeur d’un bien, la manière dont il va pouvoir être rentabilisé et, de ce fait, les risques liés à l’investissement. «Les biens définis comme ‘core’, autrement dit bien situés, dans la capitale, sont plus facilement loués», explique Michael Chidiac. C’est nettement moins évident pour les immeubles de bureaux établis en périphérie. «Plus le risque de vide locatif est conséquent, moins l’investissement sera opportun. Notons cependant que, actuellement, au niveau des biens ‘core’, la situation de marché reste très liquide. Ces biens auront aussi plus de facilités aujourd’hui à obtenir un financement bancaire.»

La conjoncture économique étant toujours incertaine – même si une certaine tendance au redressement se fait sentir –, il est devenu de plus en plus difficile de pouvoir tabler sur une plus-value à la sortie de l’investissement à un horizon de cinq à sept ans. Il faut donc s’assurer de pouvoir compter sur une rentabilisation de l’investissement durant toute la période de détention du bien.

On constate, sur le marché immobilier luxembourgeois, que seuls les biens centraux font l’objet d’une réelle demande. D’ailleurs, si les prix des loyers de biens idéalement localisés se maintiennent, la périphérie, elle, souffre toujours. «On constate que les portefeuilles de biens immobiliers secondaires à la recherche de sources de refinancement peinent à en trouver. Le marché, en périphérie, étant faiblement liquide, de nombreux acteurs aujourd’hui se retrouvent coincés avec des immeubles sur lesbras», explique Michael Chidiac.

Les investisseurs comme les banquiers pouvant venir en soutien pour assurer le financement privilégient avant tout des politiques d’investissement orientées vers la sécurité. «Les politiques établies pour le financement de projets immobiliers au sein des banques répondent à des exigences assez strictes, qui ont notamment été recommandées par la Commission de surveillance du secteur financier, assure Raphaël Xiol, manager corporate clients & real estate au niveau du commercial banking d’ING Luxembourg. En matière de real estate, par exemple, nous pouvons exiger que, en fonction de la nature du projet, résidentiel, commercial, bureau ou semi-industriel, jusqu’à 30% de la valeur du bâtiment soient apportés en fonds propres par l’investisseur, qu’il s’agisse d’un développement de projet ou d’une acquisition. Mais de nombreux autres facteurs entrent dans notre analyse. La localisation du bien est un critère essentiel, parce qu’elle aura une influence déterminante sur la qualité des baux, mais aussi sur leur durée.» Un bien immobilier idéalement situé constitue une garantie de rendement de l’investissement.

Les banques, si elles continuent à financer des projets immobiliers – afin de diversifier leur portefeuille – sont de plus en plus attentives aux risques. «Des projets purement spéculatifs, autrement dit qui ne s’appuient pas sur un taux de préventes ou de prélocations, peinent à voir le jour, même dans le Centre Business District (CBD). Au-delà des exigences en fonds propres, pour un nouveau développement immobilier, même s’il est bien situé, nous exigerons toujours qu’il y ait un taux de prélocations suffisant», assure Raphaël Xiol.

À l’heure actuelle, un seul projet purement spéculatif est en voie de développement au Grand-Duché de Luxembourg. D’une envergure de 13.000 m2, il doit voir le jour au niveau de l’aéroport. S’il peut être mis en œuvre, c’est simplement parce que son promoteur n’a pas besoin de recourir à des financements extérieurs pour assurer son développement.

Davantage d’indicateurs

Si les banques sont plus exigeantes, si les projets spéculatifs se font rares, c’est aussi parce que les investisseurs sont eux aussi plus pointilleux. Le marché a changé. Les comportements des investisseurs tout autant. Aujourd’hui, la période de due diligence requiert beaucoup plus d’attention que par le passé. Cette époque, pas si lointaine, où les investisseurs n’avaient que pour objectif d’acheter vite et bien, mais surtout vite, est clairement révolue.

«Les indicateurs pris en compte sont beaucoup plus nombreux. La période d’analyse qui précède la transaction est bien plus longue qu’il y a quelques années. C’est un élément significatif de la prise de précautions émanant des candidats investisseurs, précise Michael Chidiac. Avant d’investir, une attention toute particulière est donnée à l’évaluation des biens, mais aussi des risques liés au marché. Désormais, les asset managers du real estate sont attentifs aux scénarios, calculs de sensibilité et simulations des risques avant toute acquisition. La gouvernance du risque, en matière d’investissements immobiliers, a pris une dimension beaucoup plus importante.»

Vis-à-vis des promoteurs, les investisseurs sont beaucoup plus exigeants. Pour qu’un projet trouve un financement, il doit désormais faire l’objet d’un dossier bien ficelé avant de commencer à discuter. «Comme des investisseurs en Bourse cherchent à diversifier les risques, aujourd’hui, les acteurs du real estate cherchent à investir dans des immeubles intégrant plusieurs fonctions comme du résidentiel, du commerce et du bureau», explique Marc Baertz.

Tout immeuble, au-delà de l’acquisition, doit pouvoir être géré au quotidien. Le coût de cette gestion et sa lourdeur doivent entrer en ligne de compte dans l’analyse de l’investissement. Les loyers escomptés tout au long de la période de détention et la plus-value espérée au moment de la cession ne constituent donc pas les deux uniques éléments à placer dans la balance et au cœur du business plan.

«Bien investir exige d’avoir une bonne compréhension du marché, mais aussi de pouvoir bien évaluer le bâtiment, ses performances, précise Ian Forsyth. Un bâtiment ancien, même bien situé, peut représenter des charges de gestion importantes qui peuvent, en outre, repousser les candidats locataires.»

Les nerfs solides

Les risques, liés au vide locatif, à la variabilité des loyers, à l’évolution des prix…, sont nombreux. Pour investir, il faut avoir les nerfs solides. «C’est notamment pour cette raison que les grands occupants, actuellement, ne préfèrent pas acheter, assure Marc Baertz. À l’heure actuelle, compte tenu du nombre de variables qui peuvent influencer la rentabilité de l’investissement et qui peuvent entrer en ligne de compte dans l’établissement de la valeur d’un bien, l’idée d’investir pour son propre compte est souvent mise de côté ou reléguée à plus tard. Dans de nombreux cas, en outre, on peut se demander si la différence de prix entre le neuf et l’ancien est toujours justifiée.»

Un des moyens de justifier la valeur d’un bâtiment ou de s’en assurer réside dans les labels de qualité qui ont vu le jour, ces dernières années. Parfois complexes, ils permettent de livrer, à l’investisseur comme au locataire, des garanties sur la qualité intrinsèque des immeubles, mais aussi sur ses performances énergétiques et donc les charges qui y sont liées.

«Aujourd’hui, chaque nouveau bâtiment doit pouvoir prétendre à une certification environnementale de type Breeam, HQE, Leeds… Les locataires sont en attente à ce niveau, note Ian Forsyth. D’aucuns pourront objecter que l’obtention de telles certifications peut engendrer des surcoûts. Mais si le projet est bien pensé dans son développement et sa gestion, en tenant compte de ces aspects au départ, les surcoûts liés à l’obtention de telles certifications sont limités.»

Contrairement aux idées reçues, ces certifications environnementales ne s’appliquent pas uniquement à la performance énergétique d’un immeuble et couvrent, plus largement, de nombreux aspects tels que la gestion, la santé et le bien-être, les déchets, la pollution, les transports, l’eau, l’écologie… L’objectif principal étant de faire de l’entreprise un lieu où il fait bon travailler. «Au-delà de la certification liée à son développement, une certification en exploitation du bâtiment peut s’avérer intéressante, même si cette pratique ne constitue pas encore la norme sur le marché luxembourgeois», regrette M. Forsyth.

Bureaux

Allier les fonctions

Les banques ne prennent plus de risques en finançant des immeubles de bureaux. Sur recommandation de la CSSF, eu égard aux incertitudes du marché – notamment relatives à l’avenir du secteur financier –, elles ne financent que ce qui sera rentabilisé assurément. C’est la raison pour laquelle beaucoup de promoteurs se sont réorientés vers l’immobilier résidentiel. Celui-ci, en effet, offre beaucoup plus de perspectives.

Le Luxembourg reste un pays attractif et, conséquence de cela, manque de logements. Un des moyens d’obtenir des financements pour de la surface de bureau, finalement, est de concevoir des immeubles intégrant plusieurs fonctions, alliant habitat, bureau et commerce.

C’est vers ce genre de construction que l’on va, notamment dans des nouveaux quartiers comme le Ban de Gasperich ou Belval. Cela permet en outre de répondre à une demande grandissante en surfaces de bureau petites et moyennes.