Patrick Melchior est regional sales manager chez TNT Luxembourg. (Photo: Jessica Theis)

Patrick Melchior est regional sales manager chez TNT Luxembourg. (Photo: Jessica Theis)

Monsieur Melchior, comment est structurée l’activité de TNT au Lux­embourg?

«Nous fonctionnons sur un mode dichotomique, comprenant d’une part un pilier dédié aux aspects commerciaux, dont j’ai la charge, et un pilier consacré aux opérations. La particularité de l’entité luxembourgeoise est d’être considérée à la fois comme un dépôt et un pays. Nous sommes les seuls à envoyer directement des camions scellés vers notre hub logistique situé à l’aéroport de Liège. Il joue le rôle de centre de convergence pour le Luxembourg, la Belgique et les Pays-Bas. L’autre particularité luxembourgeoise est l’accès à nos services dans n’importe quel bureau postal, en plus de nos offres B2B. Ce service découle de notre partenariat de longue date avec la Poste; celle-ci est d’ailleurs l’un de nos deux actionnaires locaux, investie à parts égales avec le groupe TNT, lui-même présent au Luxembourg depuis 1991.

Comment s’organise dès lors la gouvernance de la société?

«Un comité de direction se réunit chaque trimestre pour décider des orientations majeures sur bases des reportings adéquats, sachant que nous utilisons le hub international à Liège pour toutes nos opérations. Outre une cinquantaine de destinations effectuées en direct depuis Liège, nous comptons aussi sur des sous-traitants pour desservir des villes, par exemple, situées en Afrique ou dans des régions plus difficiles d’accès.

Quelle est votre approche tarifaire?

«Nous misons sur une approche de qualité et de service personnalisé; nous ne sommes donc pas forcément parmi les moins chers du secteur. Nous opérons deux types de service: l’express et l’economy destinés, notamment, aux fournitures plus lourdes pouvant arriver en deux jours, voire trois. Notre différence se situe aussi dans notre capacité à prendre en charge tout type de colis, standards ou non. L’organisation de notre réseau nous permet d’être suffisamment souples pour garantir une livraison via des processus centralisés.

Qu’en est-il de l’acheminement des marchandises une fois parvenues à l’aéroport le plus proche de la destination?

«Il est important de distinguer la notion de hub de celle de dépôt au sein de notre entreprise. Le hub, comme celui de Liège, n’est jamais en contact avec le client final. Le dépôt, tel que celui dont nous disposons à Bettembourg, assure en revanche la relation avec celui-ci. Concernant le transport routier des marchandises, nous opérons en direct, mais disposons aussi d’un carnet d’adresses de sous-traitants auxquels nous faisons appel en fonction des besoins spécifiques.

Recevez-vous parfois des demandes origi­nales?

«Nous ne nous fixons pas de limite, cela peut parfois impliquer la prise en charge de toute la chaîne de transport de biens précieux. Un client nous avait ainsi demandé un jour de prendre en charge le déménagement de sa voiture de luxe dans le cadre de sa mutation professionnelle. Nous nous sommes assurés de ce projet jusqu’à la remise des clés sur place. Il nous est aussi arrivé, pas au Luxembourg je vous rassure, de devoir transporter un panda. Au-delà des anecdotes, notre division Services spéciaux est en croissance de près de 30% d’une année à l’autre, d’où nos investissements, entre autres, dans les équipements nécessaires pour assurer le transport de médicaments via une gestion contrôlée de la température.

Peut-on parler d’outsourcing dans notre secteur?

«Nous mettons en effet du personnel à disposition pour des clients, à l’instar de Goodyear au Luxembourg, qui veulent s’assurer de la bonne marche du transport de leur marchandise. Nous engageons ainsi spécifiquement du personnel qui reçoit la formation adéquate pour aller ensuite remplir une mission de long terme chez le client. Celui-ci se décharge d’une opération hors de son cœur de métier.

Quelle est la typologie de votre clientèle?

«Nous traitons avec tout type de clients, qu’il s’agisse d’industries, d’institutions financières, voire du gouvernement. Nous avons dernièrement pris en charge l’envoi des bulletins de vote pour les expatriés luxembourgeois. Le gouvernement nous a confié cette mission pour s’assurer du respect du suivi de la chaîne d’envoi, dans des pays tels que le Canada, le Vietnam, le Cambodge ou aux Antilles.

Comment vous assurer une certaine rentabilité et standardisation malgré le parti pris du sur-mesure?

«Notre organisation détaillée, mais centralisée en un seul réseau, est l’une des clés du fonctionnement de l’entreprise. J’ajoute que notre informatique assurant un suivi en temps réel des marchandises nous permet de gérer les imprévus, en cas de connexion manquée ou d’événements inattendus. Il se peut ainsi qu’une manifestation publique nous pousse en dernière minute à changer le mode de livraison final. Ce type d’outils, alarmes à l’appui en cas de retard, est devenu indispensable pour garantir notre service au client. L’écoute du client et l’adaptation au marché sont, outre les apports de la technologie, des valeurs qui doivent nous pousser à nous remettre en question en permanence.

Quelle est votre perception de l’évolution du marché?

«Les clients sont, et seront, de plus en plus demandeur d’un service personnalisé. Dans le même temps, je pense qu’ils se rendent compte de ce qu’implique l’envoi de leur marchandise et de toute la chaîne de livraison qui se met en place. Cela facilite le contact mutuel. Nous devenons ainsi, en quelque sorte, un élément du cœur de leur métier. L’évolution de la technologie pour le suivi des transports va donc probablement continuer à se poursuivre à l’avenir.

Comment est organisée votre équipe?

«Le call center est véritablement le cœur de la fourmilière vers lequel les demandes convergent. Nous devons y formuler une réponse dans les 15 minutes. Nos standardistes doivent bien entendu être polyglottes, nous couvrons d’ailleurs six langues. Notre équipe commerciale est pour sa part chargée de démarcher de nouveaux clients sur le terrain, mais aussi de s’assurer du suivi du contrat.

Développez-vous des formations pour instaurer vos standards de travail à vos collaborateurs?

«Tous nos collaborateurs suivent unprogramme de formation interne sur un an, soit à trois semaines de formation. Ils reçoivent aussi l’aide d’un coach interne. Nous mettons aussi en place des plans de carrières avec nos collaborateurs qui sont placés au cœur de la société.

La logistique est souvent citée parmi les secteurs porteurs pour le pays, partagez-vous cet avis?

«Les changements dans la consommation mondiale, induits notamment par des pays tels que la Chine, auront des conséquences sur les circuits de transports des marchandises. Chaque pays devra donc se positionner en la matière. Le Luxembourg dispose d’ores et déjà de différents atouts dont le multilinguisme et la multiculturalité, ce qui n’est pas forcément le cas dans les pays voisins. Même si le multilinguisme n’est pas indispensable pour nos chauffeurs et les personnes occupées en dépôt, le besoin de pratiquer différentes langues est souvent présent, dès le standard téléphonique. Les clients sont d’ailleurs sensibles au fait que nous puissions les aider dans leur langue maternelle.

Le secteur convient-il tout de même à la main-d’œuvre peu qualifiée?

«Pour apporter une réponse à cette question, il faut opérer la distinction entre l’express ou l’expédition et l’entreposage, des domaines tout à fait différents. L’entreposage peut en effet faire appel à une main-d’œuvre moins qualifiée pour ces besoins de transports et de manutention dans de grands halls, comme les installations à venir prochainement le jour à Bettembourg. Je pense par ailleurs qu’il ne serait pas juste de penser que la logistique peut croître de manière indéfinie au Luxembourg. La concurrence est un élément sain, mais la présence de beaucoup d’acteurs, voire trop, signifie aussi une certaine pression sur la profitabilité des entreprises, le tout dans un contexte économique plus difficile.

Agissez-vous sur le marché de la Grande Région?

«Nous agissons d’ores et déjà en province du Luxembourg belge, pour des raisons de proximité géographique, et donc de facilité. Mais nous ne prévoyons pas, dans l’immédiat, de nous étendre ailleurs que dans cette zone.

Quel est votre prochain projet?

«Nous allons poursuivre l’optimisation de nos outils informatiques et surtout continuer à promouvoir tous nos outils et interfaces auprès de nos clients afin, d’une part, de contribuer à la préservation de l’environnement et, d’autre part, de faciliter les relations en nous basant sur les mêmes moyens de communication. Plus généralement, nous ambitionnons de devenir l’entrepôt le plus profitable de la région.»

Parcours

La logique de la logistique

Après 20 ans passés dans le secteur de l’informatique (Netcore, Eurodata, HP, IBM, …), Patrick Melchior, 46 ans, a décidé d’opter pour un changement radical de carrière, tout en souhaitant rester au service du client. «Car c’est là où les sociétés peuvent faire la différence», explique-t-il. Il est ainsi entré en fonction chez TNT en septembre 2012 pour coordonner le volet commercial de l’expéditeur au Luxembourg, l’un des 200 pays desservis par la société. Une période de prise de connaissance de la société, de ses méthodes et de son fonctionnement lui a été nécessaire à son arrivée. Passionné par son métier, il entrevoit l’avenir sur un mode résolument positif, dans un état d’esprit de confiance avec ses collaborateurs. Son prochain projet est de faire du centre luxembourgeois le plus profitable de la région.