Le professeur Paul Evans de l'Insead mise beaucoup sur la mobilité internationale dans la formation des talents. (Photo: Marion Dessard)

Le professeur Paul Evans de l'Insead mise beaucoup sur la mobilité internationale dans la formation des talents. (Photo: Marion Dessard)

Dévoilé en janvier dernier à Davos, le «Global Talent Competitiveness Index» de l’Insead, la célèbre business school française, plaçait le Luxembourg au troisième rang du classement général, derrière la Suisse et Singapour, mais devant les États-Unis. Sur les 109 pays analysés, il est donc considéré comme un leader en matière de recherche de talents. Un des responsables de l’étude, le professeur Paul Evans, était à Luxembourg ce jeudi, invité dans le cadre de la «Journée de l’économie» à développer sa vision de la stratégie à adopter pour toujours attirer plus, et surtout garder, de talents dans un pays. Paperjam.lu l’a rencontré.

Monsieur Evans, comment expliquez-vous la belle troisième place du Luxembourg dans le classement que vous venez de publier?

«Elle est clairement due à la qualité des talents recensés dans l’économie luxembourgeoise. Le pays a réellement un grand pouvoir d’attraction. Ça a surtout été le cas dans des secteurs tels que le private banking et la finance.

Vous voyez le pays se maintenir à ce niveau?

«L’avenir est un peu moins sûr, la capacité d’attirer des talents est quelque peu remise en question. L’harmonisation des règles à l’échelon international dans le secteur de la finance risque bien de lui faire perdre des avantages importants pour attirer des gens compétents. Le problème qui se posera alors, c’est que le Luxembourg manque de visibilité, à l’étranger il reste très méconnu. L’exercice de branding auquel s’astreignent les autorités est donc essentiel. Quant aux niveaux des salaires qui ont été mis en avant pour attirer des gens, ce n’est plus un argument suffisant. Les candidats regardent aussi le style de vie. Et, apparemment, tout le monde n’est pas satisfait du côté vivant, agréable d’une ville comme Luxembourg.

Comment un pays doit-il faire pour attirer et garder des talents? Quel bilan tirez-vous de la stratégie déployée par le Grand-Duché?

«Le premier atout, c’est la bonne connaissance des langues, et de ce point de vue le Luxembourg mérite sa troisième place. Le second, c’est le niveau des salaires. Actuellement, le Luxembourg est le pays d’Europe où le taux d’imposition est le plus bas. Mais avec l’alignement fiscal qui se dessine en Europe, c’est un avantage qui risque de disparaître. Ensuite, vient le style de vie, nous en avons déjà parlé, et l’éducation. Or, je sais que le Luxembourg prend la question de l’enseignement très au sérieux. Enfin, les gens sont attirés par des entreprises très professionnelles, qui tiennent compte du mérite et pas des liens familiaux ou d’amitié. Sur ce point, le Luxembourg n’est pas parfait, il peut encore progresser, mais il est quand même bien situé.

Dans la dernière édition de votre rapport, vous insistez sur le fait que «la mobilité est devenue un élément clé du développement des talents»…

«Oui, on sait aujourd’hui que vivre ou travailler à l’étranger développe les capacités d’innovation, la créativité et l’esprit entrepreneurial. Des études sérieuses, menées partout dans le monde, ont montré qu’une expérience d’au moins deux ans dans un pays étranger, totalement différent de celui d’origine par la langue, la culture et les habitudes, provoque des changements au niveau du cerveau. La capacité à résoudre des problèmes se développe. Or, on constate aujourd’hui chez les jeunes une réelle volonté d’étudier ou de travailler à l’étranger. C’est une excellente chose. Mais si ce n’était pas le cas au Luxembourg, je ne connais pas les statistiques, ce serait très inquiétant!»