La Cour de justice de l'UE a refusé de traiter l'affaire luxembourgeoise selon la procédure accélérée. (Photo: David Laurent / archives)

La Cour de justice de l'UE a refusé de traiter l'affaire luxembourgeoise selon la procédure accélérée. (Photo: David Laurent / archives)

Dans une ordonnance prononcée le 15 février, assortie d’aucune publicité, le président de la Cour de justice de l’UE, Koen Lenaerts, a rejeté une demande de la Cour administrative du Luxembourg demandant à la juridiction européenne de traiter l’un de ses recours selon la procédure accélérée.

L’arbitrage de la CJUE est très attendu par les milieux financiers. Les juges européens doivent se prononcer sur la conformité avec les dispositions de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, de la loi controversée du 25 novembre 2014 sur les nouvelles normes d’échange d’informations fiscales. Le texte avait supprimé les recours contre les injonctions de l’Administration des contributions directes en matière d’échange d’informations fiscales.

Un fonds d’investissement, Berlioz Investment Fund, s’est prêté au jeu des cobayes, refusant de répondre à une demande d’information du fisc français, enquêtant sur les avoirs de son dirigeant, demande relayée par l’ACD. L’administration luxembourgeoise lui avait infligé une amende de 250.000 euros. Cette sanction fut réduite en août 2015 à 150.000 euros après la contestation de sa légalité devant le tribunal administratif.

Circonstance exceptionnelle

Un appel fut interjeté devant la Cour administrative, laquelle demanda à son tour un arbitrage de la Cour de justice de l’UE. Il s’agit de trancher entre deux impératifs en apparence contradictoires: d’un côté, la lutte contre la fraude fiscale dictée par les règles du Forum mondial sur la transparence fiscale et l’OCDE et de l’autre côté, le respect de la Charte européenne des droits fondamentaux qui donne à tout citoyen le droit de contester un acte administratif.

Pour sortir de la liste noire du Forum mondial sur la transparence fiscale sur laquelle le Luxembourg était inscrit depuis l’automne 2013, le ministre des Finances Pierre Gramegna avait sacrifié les droits de la défense, voulant éviter ainsi les recours paralysant la procédure d’échange d’informations. L’ACD ainsi que les juges administratifs ont donc perdu le contrôle de la pertinence des informations demandées par les administrations fiscales étrangères.

Parce que l’affaire constitue «le premier précédent d’un contentieux qui soulève des questions du droit de l’Union par rapport à la nouvelle loi du 25 novembre 2014 et qui pourra potentiellement engendrer un nombre non négligeable de litiges similaires auxquels les juridictions administratives seront confrontées», la Cour administrative avait demandé un traitement spécial de sa question préjudicielle selon la procédure accélérée.

Cette procédure ne peut intervenir que dans des circonstances exceptionnelles. Elles n’ont pas été réunies. Le président de la CJUE a estimé que ni l’incertitude juridique, ni le nombre important de personnes pouvant être touchées par ce genre d’affaire ne constituaient une circonstance exceptionnelle justifiant le recours à une procédure accélérée.

La Cour administrative devra donc attendre son tour selon la procédure normale. Reste à déterminer l’impact de ce refus sur l’échange d’informations fiscales.