Un peu moins d’un an après son installation au Luxembourg, Tesla a écoulé quelque 300 véhicules, selon An De Pauw, country manager Benelux. (Photo: Marion Dessard)

Un peu moins d’un an après son installation au Luxembourg, Tesla a écoulé quelque 300 véhicules, selon An De Pauw, country manager Benelux. (Photo: Marion Dessard)

Madame De Pauw, lors de l’inauguration de votre concession, vous disiez que l’ambition était d’«accélérer la transition vers l’énergie renouvelable». Où en est cet objectif ?

«Nous avons commencé en septembre 2016, et plus de 300 voitures ont déjà été écoulées, soit trois fois plus qu’avant notre arrivée. Désormais, nous avons de grandes ambitions et voulons doubler ce volume d’ici mai 2018.

Quelles sont les motivations des personnes qui franchissent les portes de Tesla au Luxembourg?

«Si je compare avec les Pays-Bas, où il y a déjà beaucoup de voitures électriques et où les clients viennent vraiment pour une voiture électrique, nos clients du Grand-Duché sont plutôt attirés par la marque, la performance et la notion de voiture de luxe. Le phénomène lié aux voitures propres ne fait que commencer ici, car l’offre de voitures électriques ou de voitures vertes est encore peu développée. Nous sommes au début de la révolution.

Quel est donc actuellement le profil des personnes qui viennent chez vous?

«Ce sont beaucoup de patrons de sociétés, des indépendants et des particuliers. Ce qui est une particularité supplémentaire. En Belgique, par exemple, nous avons peu de clients privés, mais des sociétés, en raison de la fiscalité.

La réforme fiscale du 1er janvier au Luxembourg favorisant les voitures zéro émission a-t-elle eu un impact positif sur vos ventes?

«Non, pas vraiment. Cette réforme aura des effets dès que le Model 3 sera sorti, car elle est surtout intéressante pour l’avantage en nature des conducteurs de voitures de société. La remise de 5.000 euros sur les impôts pour les particuliers ne fait pas vraiment une différence pour les Model S et Model X, dont l’entrée de gamme est comprise entre 50.000 et 90.000 euros... Mais l’avantage pour une voiture de société — qui peut se traduire par 400 euros de plus par semaine avec une voiture électrique — peut jouer.

Il est vraiment important pour nous d’entrer dans les flottes de leasing.

An De Pauw, country manager Benelux de Tesla

À l’heure actuelle, vous n’avez toutefois pas d’accord avec des sociétés de leasing…

«Pour le Model 3 pas encore, vu que nous n’avons pas le prix définitif. Ce dernier, aux États-Unis, sera de 35.000 dollars, mais l’estimation pour l’Europe serait plutôt autour de 40.000 euros, soit le prix d’une part importante des voitures de société proposées ici. Nous avons des voitures en leasing, mais cela concerne plutôt les patrons de sociétés qui roulent avec nos véhicules haut de gamme. ll est vraiment important pour nous de rentrer dans les flottes de leasing, et cela devrait se faire avec le Model 3.

En termes de ventes, quel volume annuel  ce nouveau véhicule doit-il vous permettre d’atteindre?

«Ça dépendra du moment où les voitures arriveront au Luxembourg. À mon avis, nous devrions être capables de vendre minimum 15 voitures par semaine. Ça pourrait donc tourner autour de 800 et 1.000 véhicules par an, sachant qu’un an avant sa sortie, nous avons déjà enregistré une centaine de précommandes.

Les taxis sont aussi l’une de vos cibles pour accroître vos parts de marché. Mais pour le moment, seules quelques Tesla sont exploitées à cet usage…

«Une société a effectivement acheté plusieurs taxis, et nous avons eu une hausse des demandes en lien avec l’annonce de la revalorisation du nombre de licences accordées aux véhicules zéro émission. Mais nous n’avons pas encore vraiment de partenariat pour l’approvisionnement de sociétés de taxis.

L’arrivée d’un modèle moins onéreux va-t-elle amener à un changement d’approche des acheteurs luxembourgeois en ce qui concerne les véhicules électriques?

«Ce modèle de voiture meilleur marché devrait permettre d’augmenter la demande, ce qui poussera nos concurrents à faire plus d’efforts pour proposer de nouveaux modèles et agrandir l’offre disponible. Il faut aussi signaler que le gouvernement mène une politique progressiste et veut vraiment changer les choses. Mais cette volonté doit encore bénéficier d’un peu plus de buzz à différents niveaux.

Vous pensez au rôle que les entreprises doivent jouer dans la mobilité de leurs salariés?

«À mon avis, ce qui va se passer, c’est que des salariés vont demander à leur patron d’installer des bornes de recharge au travail. Au vu du nombre de travailleurs frontaliers, si ceux qui bénéficient d’une voiture de société ne peuvent recharger leur voiture au travail, ils vont continuer à prendre une voiture diesel parce que c’est dans leur contrat, qui précise qu’ils ont droit à une Audi A4 ou une Mercedes classe C. Si cela ne change pas, nous ne pourrons rien faire.

Avez-vous des exemples de sociétés qui vont dans ce sens?

«Certaines grandes sociétés achètent des Tesla pour les intégrer dans leur pool, et d’autres, comme les principaux cabinets de consultants, ont déjà des bornes de recharge. Des structures avec moins de salariés sont aussi concernées, même si c’est plus difficile. Nous sommes toutefois prêts à les aider, en fournissant à celles qui achètent plusieurs véhicules par an une solution de recharge.

L’infrastructure est donc capitale pour permettre cette transition. Le gouvernement entend installer 800 bornes d’ici 2020, en parallèle de votre réseau…

«Nous ne sommes pas installateurs de bornes de recharge, nous le faisons uniquement pour les superchargeurs, afin d’accélérer la transition vers un transport durable. Ce qu’il faut vraiment, ce sont des bornes de recharge locales. Mais avec la hausse attendue de véhicules, tout le monde ne pourra pas utiliser les bornes disponibles, il faut donc travailler sur les entreprises et les sociétés de leasing pour permettre au plus grand nombre de recharger leur véhicule. La plupart de nos clients le font à la maison, car une batterie permet de rouler sur environ 400 kilomètres. Or, la majorité d’entre eux ne roule pas plus de 80 kilomètres par jour. Ce qui signifie que la voiture ne doit être chargée qu’une à deux fois par semaine.

Tesla travaille aussi sur la conduite autonome, ce qui intéresse le gouvernement. Des approches concrètes ont-elles eu lieu pour des tests sur routes ouvertes au Luxembourg?

«Ce qui bloque pour le moment, c’est la législation, parce qu’il faut avoir une autorisation pour permettre aux voitures d’être 100% autonomes. Et ça, ça doit se passer au niveau européen. Nous avons fait les démarches aux Pays-Bas pour obtenir une autorisation qui sera valable pour toute l’Europe pour notre système d’autopilote de deuxième génération. Nous n’avons pas encore la réponse, mais quand elle viendra, nous pourrons faire des tests. J’imagine alors que le gouvernement luxembourgeois se manifestera.

L’idée de créer une deuxième concession est-elle déjà en cours de réflexion?

«Cette idée faisait partie de mon plan initial, mais je veux désormais que notre service centre actuel atteigne sa capacité maximale. Cela devrait arriver une fois que le Model 3 sera commercialisé. Ce qu’on ne veut pas faire, c’est augmenter nos capacités si le volume de vente ne suit pas. Dans cette logique, nous ne réfléchissons pas forcément à développer une nouvelle concession. Nous pouvons très bien imaginer louer un espace dans un grand magasin, installer des ponts et réparer les voitures là-bas. Ce qui permettrait de répondre plus vite à la demande.

Pour concrétiser ces réflexions, quels endroits auraient d’ores et déjà votre préférence? Le sud du pays?

«On a effectivement plutôt regardé le sud du pays. Ce qui nous intéresse aussi, c’est d’avoir, comme à Bruxelles, un lieu au sein d’un shopping centre, là où beaucoup de gens peuvent nous voir. C’est très intéressant pour nous, afin de donner à la marque une plus grande visibilité. Car même si nous sommes bien situés route de Thionville, il n’y a pas vraiment de passage. On regarde donc les possibilités au cours des deux prochaines années pour avoir un show-room et peut-être deux centres de service après-vente…»