Jean-Yves Leborgne, portfolio manager chez ING Luxembourg (Photo: DR)

Jean-Yves Leborgne, portfolio manager chez ING Luxembourg (Photo: DR)

On le sait, le nouveau gouvernement grec cherche à renégocier sa très lourde dette. Les déclarations parfois fracassantes de certains laissent planer le doute sur l’issue des négociations. Si personne ne considère un «Grexit» probable, tout le monde y pense malgré tout. À cet égard, une sortie de la Grèce de la zone euro toucherait l’économie de la zone par différents canaux. L’un d’entre eux, probablement le plus important, concerne les systèmes bancaires des différents pays.

L’objectif de la zone euro étant de créer un espace monétaire et financier unique, des liens très forts se sont créés sur le plan bancaire: chaque institution d’un pays détient, à son bilan, de nombreux actifs d’autres pays de la zone euro. Quoi de plus normal finalement.

Mais ces liens constitueraient un canal de contagion important en cas de fracture de la zone euro. C’est pourquoi il peut être intéressant de bien comprendre comment ces liens ont évolué au cours des dernières années afin de mesurer le risque actuel que représente l’interdépendance des systèmes bancaires de la zone euro.

Moins de danger, mais moins d'efficacité

Tout d’abord, il est intéressant de noter que les banques européennes ont massivement réduit leur voilure. Ainsi, en prenant l’ensemble des banques de Belgique, d’Allemagne, de France, des Pays-Bas et d’Autriche, que l’on nommera par la suite le «Core», leur exposition globale s’est réduite de plus de 36% entre fin 2007 et septembre 2014. Mais s’agissant des pays de la zone euro, cette réduction ne s’est pas faite uniformément. Ainsi, les banques du Core ont réduit leur exposition aux pays du Core (ainsi que la Finlande) de 28% sur la même période, alors que l’exposition à la périphérie s’est réduite de 54%.

Dès lors, l’impact que provoquerait un éclatement de la zone euro sur les systèmes bancaires serait aujourd’hui bien moins élevé que ce n’était le cas en 2007-2008. Globalement, l’interdépendance est revenue à son niveau de 2005. Moins d’intégration et donc plus de fragmentation représentent moins de danger, mais aussi moins d’efficacité de la zone euro.

En s’intéressant plus spécifiquement au cas grec, il est intéressant de remarquer que, de leur plein gré ou forcées par la restructuration de la dette grecque en 2012, les banques des pays du Core ont presque réduit à néant leur exposition à la Grèce. On estime ainsi une réduction de 94% du risque dans le cas des Pays-Bas jusqu’à 99% de réduction de l’exposition grecque dans le cas de la Belgique. Cependant, très étonnamment, les banques allemandes ont commencé à réaugmenter leur exposition à la Grèce vers le début de l’année 2013 si bien qu’en septembre 2014, l’exposition globale des banques allemandes à la Grèce n’avait été réduite «que» de 65% par rapport à fin 2007. Ce phénomène n’est, par contre, pas observé vis-à-vis d’autres pays de la périphérie, les banques allemandes ayant suivi la tendance de leurs homologues du Core vis-à-vis de l’Espagne.

En conclusion, la zone euro est face à un nouveau paradoxe: la fragmentation financière augmente le risque d’un éclatement de la zone euro, en empêchant une allocation optimale des ressources, mais dans le même temps réduit les conséquences néfastes d’un tel scénario. Toutefois, il ne faut pas se leurrer: un éclatement serait un véritable tsunami économique et financier que la réduction de l’exposition des banques aux pays de la périphérie ne pourrait pas totalement endiguer.