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 (Photo: European American Enterprise Council)

 L’innovation patriote!

Pour renouer avec la prospérité, nous devons innover, [...] intervenir dans le cadre d’un État stratège pour protéger nos entreprises de la concurrence déloyale. [...] Le protectionnisme risque donc de conduire à la stagnation par le maintien des situations acquises et des industries du passé.

Dans les réponses apportées par Marine au Collectif Innovation 2017 lors de leur campagne de questionnaires sur l’innovation, le programme est explicite: «Pour renouer avec la prospérité, nous devons innover et redevenir libres d’intervenir dans le cadre d’un État stratège pour protéger nos entreprises de la concurrence déloyale. Sans cela, elles auront beau innover, elles seront étouffées dans l’œuf, leur potentiel de création d’emplois avec elles.» Dans une interview de mi-avril, Marine Le Pen déclare entendre pratiquer un «protectionnisme de microchirurgie» avec des droits de douane adaptés à chaque pays pour protéger les secteurs stratégiques. Le «patriotisme économique» envisagé par Marine Le Pen nécessite une adaptation fine au risque d’avoir l’effet inverse de celui initialement recherché et tuer l’innovation. Selon l’économiste Pierre-Cyrille Hautcoeur, «protéger les secteurs qui vont connaître innovation et croissance requiert une prescience qu’ont peu de gouvernements. Le protectionnisme risque donc de conduire à la stagnation par le maintien des situations acquises et des industries du passé.» Dans le débat de l’entre-deux-tours, Marine Le Pen décrit son rival comme le «candidat de l’ubérisation», rendant ainsi compte d’un souhait proclamé en faveur de l’innovation hyper contrôlée. 

Un fonds souverain géré par les chefs d’entreprise

Ponctionner de 2% les 1.600 milliards d’euros d’actifs qui ‘dorment sur les contrats assurance-vie’ pour en créer un fonds d’investissement.

Le programme du FN va en ce sens. Lors de son discours «France, pays d’entrepreneurs, pays d’innovation» mi-avril, elle déclare que le capital risque «n’arrose pas assez le système français» et propose, «pour le booster», de ponctionner de 2% les 1.600 milliards d’euros d’actifs qui «dorment sur les contrats assurance-vie» pour en créer un fonds d’investissement. Le 1er mai sur France 2, elle précise souhaiter que ce fonds souverain soit confié aux chefs d’entreprise et ajoute que celui-ci devra répondre aux critères nationalistes du parti. Ainsi, les TPE-PME-ETI bénéficiant de ces capitaux seront tenues de rester sur le sol français et devront s’engager à ne pas revendre leur technologie aux entreprises étrangères pendant 10 ans. La candidate préconise en parallèle la mise en place d’un secrétariat d’État dédié aux mutations économiques directement rattaché à Bercy.

Le VC se méfie

Il n’en reste pas moins qu’un scénario de Frexit et l’abandon, même partiel, de l’euro fait peur. L’élection de Marine pourrait refroidir les fonds étrangers de plus en plus nombreux à investir dans la FrenchTech. Selon les chiffres compilés par Chausson Finance à partir de la base de données de CFNews, le nombre d’investissements réalisés par ces-dits fonds dans les start-up françaises a bondi ces six dernières années et passe de 23 sur 2009-2010 à 61 l’année dernière. Cela représenterait un manque à gagner important pour l’hexagone.

Le Luxembourg opportuniste

Le Luxembourg pourrait alors tirer son épingle du jeu et attirer davantage de start-up sur le territoire.

Le «patriotisme économique» apparaît davantage comme un frein à l’innovation plutôt que comme l’armure des entrepreneurs français. De plus, des accords bilatéraux entre les deux voisins pourraient en pâtir, notamment l’initiative «French Tech Hub» du Business Club France-Luxembourg. En cas de victoire de Marine Le Pen, le Luxembourg pourrait alors tirer son épingle du jeu et attirer davantage de start-up sur le territoire. Pour cela, le financement de jeunes pousses doit rapidement être augmenté. Le classement 2016 de la Commission européenne sur les pays les plus innovants rend compte d’une baisse d’environ 30% de VC entre 2014 et 2015 et d’une attractivité luxembourgeoise qui stagne depuis deux ans.

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