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Le Luxembourg veut se positionner durablement comme hub pour accueillir et voir se développer les start-up fintech. Les deux premières années de cette aventure ont été positives pour le secteur financier qui a pu compter sur la mobilisation des acteurs du monde économique, donc les incubateurs, maillons essentiels pour capter les jeunes pousses.

Quel est l’état des lieux?

«Nous n’étions pas orientés spécifiquement vers les fintech au départ mais nous remarquons clairement un engouement, nous recevons beaucoup plus de dossiers fintech que d’autres, déclare Olivier Selis, manager du Lux Future Lab, l’incubateur agissant dans le giron de BGL BNP Paribas. Les dossiers fintech que nous recevons sont d’ailleurs très réfléchis, très structurés.»

Les solutions fintech permettent de répondre aux défis réglementaires.

Emilie AllaertEmilie Allaert, Head of operations and projects (Luxembourg House of Fintech)

Un engouement pour les solutions fintech et une augmentation des start-up agissant dans ce créneau qui s’explique notamment par le besoin de trouver des solutions pour gérer la complexité de la réglementation.

«Nous avons constaté une prise de conscience de l’existence et de l’utilité des solutions fintech qui permettent de répondre aux défis réglementaires», observe Emilie Allaert, head of operations and projects à la Luxembourg House of Financial Technology – (Lhoft).

Un intérêt qui va de pair avec la volonté grandissante des acteurs du secteur financier de se concentrer sur le contrôle et la qualité de leurs opérations avec une vision holistique plutôt que sur l’approche purement opérationnelle. Depuis sa récente inauguration, la Lhoft reçoit différentes demandes ou opère des contacts dans le champ des regtech.

Quel besoin d’évangélisation?

Si le mouvement fintech grandit, le besoin de sensibiliser les acteurs de la place est tangible.

L’arrivée de ces solutions ne signifie pas la fin de l’emploi.

Emilie AllaertEmilie Allaert, Head of operations and projects (Luxembourg House of Fintech)

«Notre mission est aussi de faire prendre conscience aux acteurs établis que de telles solutions existent, ajoute Emilie Allaert. Il sera aussi important de faire comprendre que l’arrivée de ces solutions ne signifie pas la fin de l’emploi, loin de là.»

«Nous remarquons un intérêt pour les conférences que nous organisons spécifiquement, car elles permettent aussi aux participantes de se positionner dans leurs organisations comme actrices du changement, de prendre part aux transformations, ajoute Marina Andrieu, director & co-founder de Wide (Women in Digital Luxembourg). Une manière aussi d’appréhender le change management qui est inhérent à l’implémentation des solutions fintech.

Quid des compétences nécessaires?

«Trouver des ressources représente un gros challenge pour les start-up, pointe Olivier Cellis. On vend souvent la qualité des ressources humaines au Luxembourg aux start-up. Ce qui est vrai. Mais on oublie parfois de dire qu’elles ont déjà un emploi.»

«Il faut dynamiser l’écosystème pour faire en sorte que le Luxembourg soit une place de choix pour les personnes au profil technique et qui veulent poursuivre leur carrière», estime Marina Andrieu.

Les start-up et les banques ont des cultures différentes.

Marina AndrieuMarina Andrieu, Directrice et co-fondatrice (Wide (Women in Digital Luxembourg))

Comment les acteurs établis doivent-ils choisir leur partenaire fintech?

«C’est une question de culture, selon Marina Andrieu. Les start-up et les banques ont des cultures différentes. La start-up est orientée autour de l’innovation alors que les banques ont une culture plutôt traditionnelle notamment à l’égard de l’approche des risques. Beaucoup d’initiatives se mettent en place mais il reste des blocages en raison de ce décalage culturel. Il faut donc soigner les relations humaines dans cette gestion du changement.»

Pour Emilie Allaert, il est essentiel de «développer et faciliter les ‘proof of concept’ car les fintech en ont énormément besoin. Cela ne veut pas dire forcément avoir accès entièrement aux institutions financières pour tester leurs solutions en temps réel mais de disposer d’un échantillon ou d’un accès limité au système informatique de l’institution pour que la fintech puisse expérimenter son idée.»

Les banques partent d’un modèle dessiné par le régulateur à un modèle orienté autour des clients.

Olivier SelisOlivier Selis, Manager (Lux Future Lab)

«Il y a un gros changement de paradigme qui est en cours au niveau des banques qui partent d’un modèle dessiné par le régulateur à un modèle orienté autour des clients, ajoute Olivier Cellis. Pour passer d’une phase à l’autre, les banques vont donc voir ce qui se passe au niveau des start-up pour nouer d’éventuelles collaborations. Cela passe aussi par l’organisation de hackaton, par la mise à disposition des data et des spécialistes du côté des banques pour aboutir à une solution finale.» Un changement dans la façon de travailler qui pousse aussi les banque à adapter leur vitesse de réponse aux start-up.

Le passeport européen via le Luxembourg, un atout tangible pour les fintech?

«Toutes les start-up ne sont pas concernées par le passeport européen note Olivier Cellis. Mais beaucoup se renseignent. C’est clairement un élément qui attire. Il y a une série de raisons qui font qu’il est préférable d’être en Europe, c’est donc positif pour le Luxembourg.»

«Je pense que certaines fintech n’approchent pas le Luxembourg en pensant que les décisions pour les banques qui dépendent souvent de grands groupes sont prises depuis l’étranger, ce qui est plutôt faux car on arrive à approcher facilement les CEO, souligne Emilie Allaert. Je pense par ailleurs que les fintech ou les start-up arrivent en fonction du marché. On verra donc probablement plus de solutions orientées vers la banque privée ou les fonds manifester leur intérêt. Nous devons être attractifs pour ces solutions.»

Le grand enjeu sera d’attirer les fintech pour les bonnes raisons et les conserver.

Marina AndrieuMarina Andrieu, Directrice et co-fondatrice (Wide (Women in Digital Luxembourg))

Maintenir la facilité d’approche du régulateur, faciliter le processus d’obtention des licences et continuer à investir dans les infrastructures constituent d’autres éléments sur lesquels le Luxembourg doit rester attentif pour se distinguer au niveau international.

Pour vous, les fintech ce sera...

«Le grand enjeu sera d’attirer les fintech pour les bonnes raisons et les conserver en développant leurs talents. Nous devons pour ce faire capitaliser sur le savoir-faire et la réputation de la Place», estime Marina Andrieu.

Les fintech signifient déjà des innovations.

Olivier SelisOlivier Selis, Manager (Lux Future Lab)

«Nous devons réfléchir en termes de secteurs, ajoute Olivier Sellis. La vague des paiements est derrière nous, celle des regtech est d’actualité. De nouvelles voies s’ouvrent, par exemple dans des solutions d’automatisation, notamment autour des robo-advisors qui, s’il peuvent être adossés à la big data, pourrait apporter une valeur ajoutée.» 

«Les fintech signifient déjà des innovations avec d’une part une réduction des coûts et d’autre part une expérience client améliorée, avec une grande réactivité par rapport aux robo-advisors.»

En proposant des solutions tendant vers une réduction des coûts, une maîtrise de la réglementation voire un élargissement de la base client, on comprend mieux l’intérêt d’attirer des fintech pour maintenir la compétitivité d’une Place qui doit désormais se battre sur le terrain des compétences et de l’excellence des solutions offertes à sa clientèle.