Michael Hornsby (E&Y) : «Les fonds ouverts allemands représentent une proportion énorme des fonds immobiliers européens.» (Photo: Ernst & Young Luxembourg)

Michael Hornsby (E&Y) : «Les fonds ouverts allemands représentent une proportion énorme des fonds immobiliers européens.» (Photo: Ernst & Young Luxembourg)

En juillet, dans le cadre de la transposition en droit allemand de la directive AIFM régulant les fonds alternatifs européens, Berlin a proposé de bannir les fonds immobiliers ouverts allemands. Les professionnels luxembourgeois s’apprêtent à saisir l’opportunité, sachant qu’ils représentent entre 30 et 40% du volume de ce type d’actif en Europe. Michael Hornsby, Real estate sector leader chez Ernst and Young et membre du comité technique spécialisé à l’Alfi, explique.

Michael Hornsby, comment interprétez-vous l’éventuelle interdiction des fonds ouverts allemands investissant dans l’immobilier, comme cela a été proposé par Berlin ?

« D’abord un petit retour sur le contexte. Le Luxembourg constitue aujourd’hui le premier domicile mondial pour les fonds immobiliers internationaux. Nous hébergeons donc déjà un certain nombre d’actifs basés en Allemagne au travers de fonds luxembourgeois. L’idée que les banques ou les gestionnaires luxembourgeois domicilient des fonds immobiliers investissant dans des actifs allemands n’a rien de nouveau.
Cette proposition d’interdire les Spezialfonds (ou fonds immobiliers ouverts) profitera clairement au Luxembourg, qui deviendra alors la première  juridiction envisagée par les gestionnaires allemands.

Comment expliquer cette interdiction ?

« La régulation allemande encadrant les fonds immobiliers n’a pas vraiment supporté l’épreuve de la crise. L’immobilier est une classe d’actifs peu liquide. Il faut par exemple six mois pour vendre un immeuble. L’immobilier est une classe d’actif de long terme qu’on n’est pas censé vendre en temps de crise. Or, les fonds ouverts garantissent théoriquement une sorte de liquidité. Si des investisseurs choisissent de récupérer leurs parts, il faut vendre des immeubles. Il y a alors une discordance entre la liquidité des parts du fonds et l’actif sous-jacent. À ce moment-là, la seule chose à faire est de fermer le fonds. C’est pour cela que le marché allemand des fonds immobiliers ouverts a souffert gravement de la crise.

À l’inverse, les produits luxembourgeois sont mieux pensés, ou tout le moins conçus de manière plus réaliste eu égard à l’aspect peu liquide des actifs en question. Les fonds ouverts luxembourgeois sont en quelque sorte semi ouverts. Des restrictions à la sortie reflètent davantage la nature de l’actif sous-jacent. Les produits sont plus flexibles et plus pratiques. Du coup, les véhicules luxembourgeois ont connu davantage de succès et ont notamment traversé la crise sans connaître de trouble aussi grave. Si cette proposition d'interdiction est acceptée en Allemagne, le Luxembourg sera évidemment l’endroit où aller pour les gestionnaires allemands.

Comment se matérialisera l’arrivée de ces acteurs ? Est-ce que des sociétés ouvriront leurs portes au Grand-Duché ?

« Elles sont en fait déjà là. Les principales sociétés d’assurance et de gestion allemandes ont déjà des fonds luxembourgeois (AIK, Allianz, Commerz Real, IVG, MEAG, Degi, Kanam… ndlr.). Ils utiliseront simplement ces véhicules dans une plus grande mesure. Ils pourraient même augmenter leur staff si le volume d’affaires le permet. Les fonds ouverts allemands représentent à l’heure actuelle une proportion énorme des fonds immobiliers européens. 30 à 40 % des actifs sous gestion en Europe sont concentrés dans les différentes sortes de structures domiciliées en Allemagne. Nous parlons donc d’un gros marché.
AIFMD, sur le long terme, va inciter l’établissement de plates-formes mieux coordonnées pour opérer à travers toute l’Europe. Il sera également plus simple pour les gestionnaires de fonds de les distribuer sur tout le continent. Et le Luxembourg est clairement le mieux positionné pour répondre à ces objectifs. »