Alors que de récentes statistiques décevantes aux États-Unis entraînent une révision à la baisse des prévisions de croissance pour l’année 2015, les chiffres européens continuent de surprendre à la hausse. Mois après mois, les indicateurs d’activité montrent une amélioration de la situation dans la plupart des pays européens. Cette semaine, la publication des chiffres d’inflation en Europe semble apporter les premiers signes que la Banque centrale européenne (BCE) est sur la bonne voie pour gagner son combat contre la déflation. L’indice des prix à la consommation (CPI) pour la zone euro a en effet augmenté de 0,3% en mai, la première augmentation en six mois, mais surtout l’inflation «core» (retraitée des éléments volatils comme l’énergie) a progressé de 0,9% contre 0,6% précédemment.
Le graphique ci-joint montre les anticipations à cinq ans de l’inflation dans la zone euro. Lorsque la BCE a, à raison, enclenché son «quantitative easing» en début d’année, l’Europe flirtait dangereusement avec des anticipations déflationnistes sur les prochaines années. Cinq mois plus tard, il semblerait que les marchés financiers accordent à la BCE un certain crédit, en anticipant à présent des niveaux certes toujours historiquement bas, mais plus «normaux» (supérieurs à 1,1%). L’hypothèse qu’une «vague de reflation» est en marche semble aujourd’hui devoir s’imposer et celle-ci devrait s’accentuer, alors que la BCE ne cesse de répéter qu’elle va poursuivre ses achats d’emprunts d’État jusqu’en septembre 2016 et probablement au-delà. Il faut garder à l’esprit que l’ampleur des achats sur le marché, par rapport à l’offre d’émissions obligataires servant à financer les déficits budgétaires, est sans commune mesure avec les deux épisodes précédents de «quantitative easing» réalisés par la Réserve fédérale américaine, ce qui rend le succès escompté d’autant plus crédible.
Quel est l’impact potentiel sur les marchés financiers? Au fur et à mesure que les statistiques européennes vont continuer à battre les prévisions, on peut attendre des anticipations d’inflation qu’elles poursuivent leur mouvement de hausse. Et ceci d’autant plus que les effets de base liés à la violente baisse des prix du pétrole à la fin 2014 vont commencer à s’atténuer vers la deuxième moitié de l’année. Dans cette logique, les taux longs européens devraient voir leur écart se resserrer graduellement avec les taux US, contrairement à ce que pense le consensus aujourd’hui. Certes les interventions de la BCE empêcheront les taux européens de remonter trop rapidement, mais elles ne devraient pas cependant en modifier la trajectoire.
L’impact de ce phénomène devrait être lui aussi positif sur l’euro par rapport au dollar; et ce d’autant plus que les statistiques de marchés montrent que les investisseurs sont déjà très fortement investis sur le dollar et que le sentiment prédominant reste largement haussier, beaucoup d’analyses laissant entrevoir la parité avant la fin de l’année. Le rebond de l’euro, s’il se produit, pourrait prendre ces investisseurs à revers et accentuer le mouvement de hausse bien au-delà des 1,15; en dehors d’un accident majeur sur le dossier grec, il semblerait que le point bas de l’euro pour cette année ait déjà été atteint.