Bertrand Schmaler, senior portfolio manager chez CBP Quilvest (photo: paperJam.TV)

Bertrand Schmaler, senior portfolio manager chez CBP Quilvest (photo: paperJam.TV)

En voyant son cours s’apprécier par rapport à la plupart des autres devises, l’euro (EUR) apparaît comme la grande victime de la guerre des changes, que se livrent les banques centrales des pays développés. Quel contraste avec la situation qui prévalait il y a un an, où la plupart des investisseurs craignaient pour la survie même de la zone euro et de la monnaie unique.

Depuis la crise financière de 2008, les banques centrales des principaux pays (Etats-Unis, Japon, Grande-Bretagne…) interviennent massivement sur les marchés, en injectant des quantités record de liquidités, pour soutenir une croissance économique, qui reste globalement fragile. Dernière en date à entrer en jeu, la Banque du Japon (BoJ) a mis en place fin 2012 un plan d’injection de… 95.000,00 milliards de yens par an, soit l’équivalent de 15% du son PIB, affichant par là-même sa volonté de déprécier sa monnaie.

Neuf mois plus tard, le résultat semble convaincant, puisque le yen a baissé de plus de 20% contre l’EUR et l'USD, permettant aux entreprises industrielles japonaises de regagner des parts de marchés, par rapport à leurs principaux concurrents coréens ou allemands. La bourse Japonaise ne se trompe pas: elle s’envole de 40% cette année.

L’approche de la Banque Centrale Européenne (BCE) est différente: elle a réussi le tour de force de stabiliser les marchés obligataires Européens par la seule intervention verbale de son président Mario Draghi, qui promettait en août 2012 de faire «absolument tout ce qui serait nécessaire» pour sauver la zone euro. Alors que les taux Italiens à 10 ans avoisinaient les 6.5% à l’été 2012, ils sont proches de 4% aujourd’hui et ce, malgré une situation politique italienne très instable. Il en est de même pour les taux espagnols.

C’est là l’élément central de la hausse de l’euro par rapport aux autres devises : alors que les bilans des banques centrales ne cessent de gonfler, au gré d'une création de monnaie «artificielle», la BCE est la seule dont la taille du bilan diminue depuis le début de l’année. Si à court terme ce constat est plutôt positif pour la crédibilité de la jeune BCE, à long terme toutefois la poursuite de la hausse de l’EUR serait contreproductive pour la zone euro. À l’heure où la croissance européenne peine à se stabiliser et à rester en territoire positif, un euro surévalué a pour conséquence de détériorer un peu plus sa compétitivité.

Au-delà des incertitudes présentes, liées à l’éventualité d’un défaut «technique» sur la dette souveraine américaine, faute d'accord politique sur son financement, le dollar américain devrait être en mesure d’inverser sa tendance dans les mois qui viennent. Avec une monnaie sous-évaluée contre l’Euro (la parité de pouvoir d’achat indique un cours d'équilibre à 1.25), les États-Unis bénéficient d’une croissance plus soutenue et d’une dynamique de réduction de ses déficits – notamment grâce à une indépendance énergétique accrue (les effets du gaz de schiste).

Certes l’intervention de Mario Draghi a permis de gagner du temps, mais les problèmes structurels de la zone euro persistent: endettement, pression fiscale, manque de compétitivité, instabilité politique... La fin d’une politique monétaire ultra-accommodante de la part de la Banque centrale américaine (Fed), même si elle est retardée de quelques mois, devrait marquer la fin d’un USD faible, permettant ainsi à la zone Euro de regagner de la compétitivité, quitter son état de «poisson» de la table du poker des banques centrales et continuer à s’attaquer à ses problèmes structurels…