Les chiffres éclairent le débat sur les sièges européens de géants du secteur, comme Amazon (ici son siège historique dans le Grund). La plupart des échanges de services ont lieu avec des pays de l’UE. (Photo: Mike Zenari / archives)

Les chiffres éclairent le débat sur les sièges européens de géants du secteur, comme Amazon (ici son siège historique dans le Grund). La plupart des échanges de services ont lieu avec des pays de l’UE. (Photo: Mike Zenari / archives)

Une amélioration spectaculaire du solde commercial du Luxembourg. Voilà une bonne nouvelle, excellente même, considérant qu’une balance des paiements s’approchant de l’équilibre, ce n’était plus arrivé depuis les «golden eighties». Mais le Statec lui-même met les bémols dans la partition avant que quiconque entonne la marche triomphale, en soulignant que cette situation est due à un «changement méthodologique intervenu sur le plan international».

Publiés notamment sur le site de la Banque centrale (BCL), les chiffres provisoires de 2014 donnent une balance courante du Luxembourg avec un excédent de 2,5 milliards d’euros (300 millions de mieux qu’en 2013).

En particulier, le Statec observe que le solde des opérations financières, soit la capacité de financement de l’ensemble des secteurs résidents, s’élève à presque 2 milliards d’euros. «L’économie luxembourgeoise est, en termes nets, exportatrice de capitaux vers le reste du monde», souligne l’édition de juin de Regards (auteur: Chantal Haas) publiée par le Statec.

La santé du négoce international...

L’amélioration notable de la balance commerciale passe par le négoce international. En gros, c’est quand un résident (ou une entité résidente) achète des biens à un non-résident, avec ensuite une revente à un tiers non résident, le tout sans que les biens en question entrent vraiment dans l’économie luxembourgeoise. Les statistiques macroéconomiques ont adopté une méthodologie différente et, sans entrer dans le détail, on peut retenir que le résultat net du négoce international est dorénavant inclus dans les calculs de «biens», alors qu’il était jusqu’ici dans la balance des «services». Au total, l’effet est neutre. Mais dans le détail, la comparaison des flux de biens importés et exportés s’en trouve modifiée.

Le solde du négoce international a plus que triplé entre 2008 et 2014, pour atteindre +5,6 milliards d’euros en 2014. Cet apport permet de gommer la part sans cesse croissante du déficit commercial mesuré sur les marchandises courantes. Avec cette tendance, «tout porte à croire que l’excédent du négoce international permettra de résorber le déficit commercial du Luxembourg dans un avenir proche», commente le Statec.

... et du commerce électronique

La bonne santé du négoce international est aussi due à une activité de flux bien supérieure aux échanges (import-export) de biens. Le Statec y voit une principale raison: «L’implantation au Luxembourg et le développement régulier de centrales d’achats européennes de groupes multinationaux. Les sites de production ainsi que la majeure partie des fournisseurs et clients se trouvent à l’étranger, alors que la commercialisation s’effectue au départ de l’activité résidente». Ou comment le commerce virtuel engendre des flux bien réels… 

Le commerce électronique est aussi «responsable» de la progression soutenue des échanges de services non financiers. Les exportations ont progressé de 9,8% en 2014, pour atteindre 32,3 milliards d’euros. Les importations progressent aussi, de 7,5%, pour s’afficher à 27,5 milliards. Et, observe le Statec, la croissance la plus notable se situe «au niveau des services commerciaux et des services audiovisuels des sociétés actives dans le commerce électronique».

Fuite d'entreprises?

La donne changera encore pour les résultats 2015. Les services électroniques, depuis janvier, ne sont plus facturés suivant la TVA luxembourgeoise (pays de vente) mais suivant celle du pays de résidence du consommateur. «Fin 2014 et début 2015, on a pu observer le départ d’une douzaine de sociétés», révèle le Statec. Un quart du nombre de sociétés ayant profité de la TVA à 15% au Grand-Duché, note encore l’analyste, qui va plus loin: «Il faut mettre en exergue le fait que ces sociétés n’ont contribué qu’à environ 15% de l’e-TVA nette encaissée par l’État luxembourgeois». Et que le nombre de salariés représente moins de 5% du total de l’emploi dans le secteur en question.

Selon les données du Statec et de la BCL, fin 2014, environ 1.500 emplois étaient estampillés e-commerce. Et l’encaissement net de TVA était de quelque 1,1 milliard d’euros. Les estimations font généralement état d’une perte de 800 millions d’euros en 2015 sur les recettes TVA du commerce électronique.

Il est aussi intéressant de noter, dans ce débat qui touche aux sièges européens de géants du secteur, comme Amazon, que la plupart des échanges de services ont lieu avec des pays de l’UE, un peu plus de 90% pour les exportations, environ 75% pour les importations. Avec des clients essentiellement européens, la question d’une délocalisation du siège tient moins au niveau de TVA qu’à celui du taux d’imposition des bénéfices consolidés, par exemple.