Benjamin Lam, partner – EMEA real estate fund leader au sein du réseau Deloitte. (Photo: Julien Becker )

Benjamin Lam, partner – EMEA real estate fund leader au sein du réseau Deloitte. (Photo: Julien Becker )

Le Qatar, associé au gestionnaire de fonds immobiliers canadien Brookfield, a acquis le 28 janvier une partie de Canary Wharf, le quartier d’affaires le plus important de Londres après la City. Ce rachat illustre parfaitement la politique d’acquisition des fonds souverains dans l’immobilier à travers les plus grandes capitales du monde. Cet exemple, parmi d’autres, est représentatif d’une tendance dans l’investissement immobilier. «Aujourd’hui, les fonds immobiliers réglementés au Luxembourg s’estiment à quelque 33 milliards d’actifs nets sous gestion contre 500 millions en 2001. Si l’on excepte l’année 2009, la croissance est restée conséquente et constante», explique Benjamin Lam, partner – private equity & real estate chez Deloitte. Aujourd’hui, le Luxembourg se classe en première position européenne en termes de domiciliation des fonds immobiliers. «Cela a pour effet d’attirer de nouveaux prestataires de services – on en compte aujourd’hui plus d’une centaine – notamment en provenance des îles Anglo-Normandes.» Depuis deux ans, de nouveaux investisseurs font également leur apparition, attirés, en partie, par les taux d’intérêt bas: fonds souverains mais aussi acteurs du private equity, qui complètent les acteurs institutionnels en place (banques privées, family offices et fonds de pension). Mais qu’est-ce qui fait courir ces investisseurs vers le Luxembourg? Le cadre attractif du Grand-Duché et la nouvelle directive AIFM? C’est un fait. Le cadre réglementaire très diversifié? On touche là un aspect important, voire prépondérant, du marché luxembourgeois: les investisseurs peuvent ainsi se tourner vers des organismes de placement collectif de type statutaire (Sicav, Sicaf) ou contractuel (FCP).

Des structures telles que les fonds d’investissement spécialisés ou la société d’investissement en capital à risque (Sicar) existent déjà depuis quelques années. Plus récente, la SCSp (société en commandite spéciale) a également le vent en poupe. Un cadre réglementaire flexible qui séduit par la gamme des possibilités qu’il déploie. Au vu de cet environnement favorable et de sa position sur l’échiquier européen, le Luxembourg porte bien le costume d’un centre d’excellence… par excellence! «Mais nos voisins nous regardent et évoluent également vers un cadre toujours plus compétitif. Je pense par exemple à l’Irlande, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas», constate Benjamin Lam. Pour rester compétitif, le Luxembourg ne doit pas se reposer sur ses lauriers. D’autant plus qu’il existe des points qui méritent d’être améliorés.

Vers un ensemble de bonnes pratiques

«Le succès du Luxembourg attire à la fois des fonds réglementés et non réglementés. Cette croissance a pour conséquence de générer un besoin accru en experts dans ce domaine et ainsi une augmentation des salaires de ces derniers. Ces besoins dans un marché limité engendrent un turnover qui tend à gagner en importance. Une conséquence en entraînant une autre, le coût pour les investisseurs croît», développe M. Lam. Selon lui, le secteur se doit donc, pour s’affirmer en tant que centre d’excellence, de renforcer sa capacité à attirer de nouveaux talents et développer des formations spécifiques en fonds immobiliers, «dans le but d’être plus efficace et de réduire les coûts».

Par ailleurs, en plus de capitaliser ses bases, Benjamin Lam conseille de revoir le modèle opérationnel et les processus, en particulier, de contrôle. «L’Alfi a mis en place un groupe de travail, dont je suis co-chairman, qui définit les bonnes pratiques à adopter dans les domaines du reporting et de l’évaluation. Il faut suivre cette voie et développer par exemple d’autres best practices au niveau opérationnel, notamment. On doit arriver à un niveau d’efficacité comparable à celui observé dans les fonds Ucits.»

Les investisseurs sont toujours plus exigeants. Aussi est-il primordial pour un gestionnaire de fonds de miser sur la qualité des services. À charge pour l’Alfi et Luxembourg for Finance de continuer à promouvoir les fonds alternatifs, dont les fonds immobiliers, afin de confirmer la position du pays. «Le Luxembourg a toutes les cartes en main pour renforcer son leadership dans l’administration des fonds immobiliers en Europe et même au-delà. C’est notre cheval de bataille!», conclut Benjamin Lam.