Jean-Marc Chiaradia, head of portfolio management Luxembourg chez Capitalatwork. (Photo: CapitalatWork)

Jean-Marc Chiaradia, head of portfolio management Luxembourg chez Capitalatwork. (Photo: CapitalatWork)

Il est un sujet dont plus personne ne s’inquiète. Et pourtant, il est le principal ennemi de l’investisseur: j’ai nommé l’inflation.

Dans un monde où la bulle du crédit n’a pas éclaté, l’inflation est providentielle. C’est au contraire la déflation qui est devenue une cause de tourment pour Janet Yellen, Mario Draghi et Haruhiko Kuroda. Alors que la Fed se réunit pour décider d’une hausse éventuelle des taux directeurs, force est de constater qu’un des indicateurs clés de la Federal Reserve, le «Fed five-year forward breakeven inflation rate», est à 1,86%. Sur les dernières années, à chaque fois que le seuil de 2% fut franchi à la baisse, Ben Bernanke décida d’actionner l’arme du «quantitative easing», afin de combattre la déflation. Actuellement, les attentes et les taux d’inflation sont extrêmement bas et contenus. Le risque pour l’économie mondiale est précisément plutôt orienté vers la déflation. Sur 23 économies avancées, le seul pays avec un taux d’inflation supérieur à 2% est l’Islande! Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff le soulignaient déjà dans leur livre «This time is different»: un niveau d’endettement élevé entraîne une croissance plus faible. Avec pour conséquence un niveau d’inflation diminué. De surcroît, le cours des matières premières est actuellement en berne, ce qui constitue un vecteur de désinflation supplémentaire. Justifier les niveaux d’inflation passés est certainement plus simple que de pronostiquer ceux que nous connaîtrons dans 5 ans. Capitalatwork Foyer Group ne prétend pas s’improviser économètre le temps d’un article. L’idée est plutôt d’évaluer les sources de surprises possibles quant au futur taux d’inflation, dans un contexte où les attentes sont extrêmement basses.

Le protectionnisme et la guerre des devises

Le dernier G20 Finance en a fait son principal sujet. Suite à la dévaluation du renminbi, les grands argentiers des 20 principales économies de la planète étaient préoccupés par une possible intensification de la guerre des changes. Même si l’étude de Reinhart & Rogoff reste controversée par l’existence de certaines erreurs de calcul, elle nous délivre un enseignement intéressant: les phases de l’histoire se ressemblent. Les périodes d’endettement lourd sont suivies de guerre de devises et entraînent des périodes d’hyperinflation. Même si les systèmes de change ont fondamentalement changé au cours de l’histoire, nous pouvons constater que, récemment, l’Europe et le Japon ont fortement dévalué leurs devises face au dollar sur des périodes très courtes. L’inflation importée chez l’un devient la déflation importée chez l’autre. Suite à la crise des migrants, The Economist signale que l’Europe aura bientôt plus de frontières physiques qu’elle n’en avait pendant la guerre froide. Sans vouloir verser dans le pessimisme, l’esprit animal influence le comportement des agents économiques, et le spectre du protectionnisme resurgit. Donald Trump en est la preuve.

Le prix du pétrole

Dans le même état d’esprit, la décision de l’Arabie Saoudite d’augmenter sa production a déclenché une chute des prix du pétrole. La volonté de reconquérir ses parts de marché dans un contexte où l’offre et la demande ne se rencontrent plus crée inexorablement des déséquilibres économiques. Le côté positif est que les consommateurs profitent d’un cadeau annuel estimé à plus de 2 trillions d’USD, selon les calculs d’Anatole Kaletsky (Gavekal). À titre de comparaison, il s’agit d’un «subside» plus grand que les stimuli cumulés des USA et de la Chine effectués en 2009. Cet effet devra tôt ou tard générer une augmentation des prix des produits consommés soit par la demande, soit par les effets de base. À cela s’ajoutent les engagements des ministres des Finances lors du G20, qui mettent en évidence une volonté de politique fiscale expansionniste.

Le côté négatif de cette situation, c’est que les pays producteurs de pétrole sont étranglés et que les tensions budgétaires commencent à se faire sentir. Des signaux d’instabilité apparaissent ici et là. Le déséquilibre semble intenable et les prix forward sur le pétrole montrent une appréciation de plus de 20% à l’horizon avril 2018. Sachant que les prix de l’énergie influencent un certain nombre de matières premières, une inflation par les matières premières semble envisageable.

La demande

Malgré des taux de chômage en baisse, la hausse des salaires n’est pas encore très prononcée. Les problèmes de population active et de démographie expliquent en partie cette situation, toutefois, les niveaux de plein emploi sont atteints aux États-Unis, Japon et Grande-Bretagne. D’ailleurs, les récentes données publiées par le Royaume-Uni montrent des signes rassurants sur la progression des salaires (en hausse de 2,9%).

Une des principales composantes de l’indice US «consumer price index», le logement, est en hausse de 3,1% par rapport à l’année précédente. La faiblesse des nouvelles mises en chantier pourrait conduire à une persistante appréciation du coût du logement à court terme.

Six ans après la crise financière globale, les entreprises ont été peu enclines à investir et les surcapacités se réduisent progressivement. Une amélioration de la croissance serait génératrice d’inflation étant donné le temps de réponse de l’industrie face à la demande.

Pour terminer, l’inflation est souvent un processus lent, pernicieux et inattendu. Le scénario central de Capitalatwork Foyer Group privilégie un environnement de taux bas. Pour la première fois depuis la grande crise financière de 2008, nous cherchons à nous prémunir contre d’éventuelles poussées inflationnistes.